Comédie dramatique de Liz Friedlander, avec Antonio Banderas, Alfre Woodard, Yaya DaCosta, Rob Brown, Etats-Unis, 2005, 112 minutes.
Dans le collège d’un quartier pauvre de New-York, un professeur de danses de salon, Pierre Dulaine (Antonio Banderas), entreprend de resocialiser par la pratique de la danse sportive un groupe d’élèves dits « en difficulté ». Ceux-ci parviendront-ils à retrouver ainsi confiance en eux-mêmes et en la vie ?
Certains aspects de ce film peuvent provoquer, dans un premier temps, une réaction d’incrédulité, voire d’agacement. L’idée que la pratique de la danse de salon, activité à la connotation très conventionnelle, voire un peu « vieux jeu », serait susceptible d’intéresser des jeunes en galère, naturellement plus portés sur le Street Dance que sur le Fox Trot, et de les aider ainsi à sortir de leurs difficultés, semble à priori incongrue. L’accent mis sur la préparation d’un concours aux règles très codifiées enferme les protagonistes dans l’horizon étroit d’une académie de danse sportive dont on ne voit pas bien comment ils en sortiront mieux armés pour affronter les défis quotidiens du ghetto. La capacité de la danse à briser la spirale de marginalité et d’échec dans laquelle ces jeunes sont enfermés du fait de lourds déterminants familiaux et personnels semble de ce fait fortement sur-estimée. Et, compte tenu de tout cela, l’adhésion enthousiaste et unanime des jeunes au projet de Pierre Dulaine – après quelques réticences initiales vites balayées – paraît elle aussi assez invraisemblable.
Et pourtant -honte aux incrédules et aux blasés -, Dance with me s’inspire en partie, y compris son happy end, d’une histoire vraie !!! Aucune des ambiguïtés et des contradictions de cette aventure ne sont d’ailleurs passées son silence dans le scénario. Les pathologies sociales – alcoolisme, drogue, délinquance, prostitution – affectant les quartiers déshérités, le fossé culturel et financier séparant les différentes strates de la société New-Yorkaise, les préjugés raciaux et sociaux croisés qui les opposent, le sentiment de révolte et d’impuissance éprouvé par les jeunes face à leur situation personnelle et à celle de leur famille, rien de tout cela n’est occulté dans le film. Mieux, le choc frontal entre un projet apparemment utopique et la déprimante réalité constitue le ressort même de l’intrigue.
Reconnaissons également que Dance With Me décrit de manière convaincante les tensions psychologiques et drames intérieurs de ses principaux protagonistes. Par exemple, le personnage de ce professeur de danse généreux et idéaliste jusqu’à l’oubli de ses propres intérêts n’a rien d’invraisemblable, et j’ai moi-même déjà rencontré quelques individus de ce type. Des adolescents révoltés et démoralisés par la déchéance sociale qui les entoure, mais prêts à s’enthousiasmer pour un projet qui donne un sens et une dignité à leur existence, il en existe aujourd’hui des centaines de milliers dans nos banlieues françaises. Quant à cette directrice de collège défavorisé, à la fois profondément dévouée à ses élèves et se méfiant comme de la peste des idéalistes et de leurs naïves illusions (interprétée avec brio par Alfre Woodard), ses réactions m’ont semblé parfaitement crédibles.
Dance with me parvient ainsi à nous faire éprouver une profonde empathie pour cette bande de jeunes un peu paumés, balançant en permanence au bord de la marginalité et de la délinquance, et dont nous espérons du fond du cœur qu’ils parviennent à s’en sortir. Et certains moments de suspense, où la vie des protagonistes hésite comme une pièce jetée en l’air entre le pile de la tragédie et le face d’un « happy end », sont d’une intensité à couper le souffle… Tout particulièrement lorsque l’on se demande avec angoisse si l’amour de Larethe et Rock, interprétés par Yaya DaCosta et Rob Brown, parviendra à s’épanouir malgré la terrible tragédie, liée à un règlement de compte entre trafiquant de drogue, qui a créé un fossé entre leurs deux familles.
Mais surtout, le film transmet un certain nombre de vérités profondes sur la danse : sa capacité à ré-enchanter les existences, à rapprocher les êtres, à leur permettre d’exprimer leurs sentiments, à leur donner davantage confiance en eux-mêmes et à respecter et mieux comprendre les autres. Et aussi, à travers la compétition – dont on rappellera au passage qu’elle est profondément ancrée dans la tradition de la danse populaire – à leur donner le désir de s’améliorer et de se dépasser.
Enfin, Dance With Me propose des chorégraphies extrêmement réussies et à la progression savamment dosée : belles scènes de de street dance et de danse de salon au début du film , comme le tango hyper-sensuel d’Antonio Banderas sur la musique de Gotan Project ; fusion stylistique aboutissant au trio de tango-break-jazz au moment de la compétition finale….
Fabrice Hatem
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