Fiction de Manuel Romero, Argentine, 1937, noir et blanc, 88 minutes
Buenos Aires, 1906. Alberto, un jeune homme de la bonne société, amateur de tango, s’éprend d’une danseuse demi-mondaine, la fameuse Rubia Mireya. Scandale familial, conflit de générations, lutte entre l’amour et les conventions sociales ! Finalement, ces dernières l’emportent, et Alberto accepte un mariage de raison avec Camilla, une jeune femme de son milieu. Trente ans plus tard, frustré et amer malgré sa réussite sociale, il se souvient avec nostalgie des « Temps anciens » de sa jeunesse….
Manuel Romero (1891-1953) fut l’un des auteurs les plus prolifiques du théâtre de variétés, du cinéma et du tango argentin de la première moitié du XXème siècle. Qu’on en juge : 178 pièces de théâtre, 53 films, 146 chansons… Un peu méprisé par la critique et les milieux intellectuels pour le caractère considéré comme « facile »de ses œuvres, il a par contre joui d’un grand succès populaire. Les tango Tomo y Obligo, La cancion de Buenos aires ou Tiempos viejos , dont il a écrit les paroles, figurent encore aujourd’hui parmi les plus célèbres du répertoire traditionnel du 2X4.
C’est justement Tiempos Viejos qui fournit l’argument et la conclusion du film Los muchachos de antes no usaban gomina : une plongée dans le Buenos Aires du début du siècle, lorsque le tango, dansé par une clientèle interlope dans des lieux de mauvaise réputation comme le cabaret chez Hansen, était encore considéré par la bonne société comme une activité licencieuse et méprisable.
L’un des grands mérites du film est justement de faire revivre deux atmosphères contrastées : d’une part, celle du cabaret chez Hansen, avec ses voyous à moustaches, ses cocottes, ses bagarres et son tango encore joyeux ; et, d’autre part celle d’une famille de la haute bourgeoisie installée dans les préjugés et les conventions. Au fil des trente années sur lesquelles se déroule le film, nous voyons aussi évoluer parallèlement la ville de Buenos Aires, ses lieux de divertissement, sa musique de tango et l’atmosphère de ses maisons bourgeoises. Les scènes de danse, malheureusement assez courtes car interrompues par le déroulement de l’intrigue, ainsi que l’interprétation de la chanson Tiempos Viejos par Hugo del Carril à la fin du film, constituent également des moments d’anthologie. Signe de la qualité de ces reconstitutions, certains des scènes du film (par exemple celle du diner de famille de 1906 où les parents de notre héros, gens convenables, disent tout le mal qu’ils pensent du tango), ont été très souvent reprises dans les documentaires consacrés à l’histoire de cette danse.
Je n’ai pas été par contre particulièrement ému par le récit de cet amour manqué entre le fils de bonne famille et la demi-mondaine moralement au-dessus de sa condition. Le film accumule en effet trop de faiblesses – clichés et facilités de narration, seconds rôles convenus, jeux d’acteur daté, happy end moralisateur – pour emporter la conviction d’un spectateur contemporain. Retenons-en donc surtout l’agréable leçon d’histoire du tango en images…
Fabrice Hatem
Pour en savoir plus sur le chanson Tiempos Viejos /2006/04/09/tiempos-viejos/ et /2005/11/01/tiempos-viejos/
Ps : Plusieurs remake ce film ont été réalisés, dont un par Manuel Romero lui-même en 1948 (La rubia Mireya) et l’autre par Enrique Carreras en 1969 (Los muchachos de antes no usaban gomina).