Documentaire de Sandra Padilla, série Historias Verdaderas, Venezuela, 2001, 45 minutes
Cet excellent documentaire, produit pour la télévision vénézuélienne E Entertainment, retrace la vie et l’œuvre du grand chanteur de salsa, en suivant un plan chronologique simple mais efficace : son enfance à Porto-Rico où il nait en 1946 ; sa vocation musicale précoce ; son arrivée à New York en 1963 et sa rencontre avec les animateurs du Label Fania à la fin des années 1960 ; ses premiers albums à succès avec l’orchestre de Willie Colón entre 1967 et 1973 ; son mariage et sa relation tumultueuse avec sa femme Puchi ; ses problèmes croissants d’addiction et d’instabilité psychologique ; son rythme de travail épuisant au cours des années 1980 et l’exploitation sans scrupules dont il est l’objet de la part de ses « agents artistiques » ; la mort accidentelle de son fils, sa maladie du SIDA et ses internements psychiatriques ; sa tentative de suicide à Porto Rico en 1988 ; et sa triste fin de star déchue à New York en 1993.
Le récit est vivant, dramatique, ponctué de témoignages de première main comme ceux de Willie Colón, Cheo Feliciano ou Rubén Blades, de quelques amis d’enfance de Porto Rico ainsi que de sa soeur. Le savoir encyclopédique de Cesar Miguel Rondon, auteur de El Libro de la Salsa, est également mis à contribution pour restituer le climat artistique et humain dans lequel évoluait le chanteur.
De longs extraits de concert permettent de retrouver, replacés dans leur contexte biographique, les principaux thèmes popularisés par la voix de Héctor Lavoe, comme Asalto Navideño, Periodico de ayer, et bien sur le célèbre El cantate que lui offrit Rubén Blades. Nous y suivons les étapes de son ascension artistique, puis de son déclin, jusqu’aux terribles images de cet ultime concert de 1993 où il n’est plus que l’ombre de lui-même et ne parvient même pas à chanter.
Bien construit, le documentaire va au-delà d’une narration linéaire de la vie de l’artiste. C’est aussi le témoignage d’une époque, celle de la Salsa triomphante des années 1970 dont l’essor doit beaucoup au talent d’Héctor Lavoe. C’est enfin, une terrible tragédie, celle d’un artiste à l’immense talent poursuivi par le malheur et finalement détruit par la drogue.
Le film dresse le portrait d’un artiste rebelle, instable, autodestructeur, miné jusqu’à l’épuisement moral et physique par l’excès de travail et par les addictions, mais dont la voix emplie d’une poignante mélancolie, parfois cri de rage et de douleur, de temps à autres tendrement burlesque, exprimait l’âme de son public populaire.
Fabrice Hatem
Pour visionner le documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=Y4ThUe7RIGs