Documentaire d’Ileana Rodriguez, sorti en DVD fin 2004, environ 60 minutes
Un demi-siècle après sa disparition, le souvenir de Benny Moré est encore omniprésent à Cuba : peintures murales, posters, émissions de radio et de télévision, films… Il tient un peu là-bas la même place que Carlos Gardel en Argentine ou Edith Piaf en France : celle d’une icône révérée, incarnation de l’âme musicale de son peuple.
Le documentaire d’Ileana Rodriguez fait revivre pour nous cette figure solaire d’une manière à la fois vivante et documentée. Le travail de recherche a été facilité par l’abondance des images d’archives, Benny Moré ayant participé à pas moins de onze films. La réalisatrice a également recueilli de nombreux témoignages de première main, comme ceux des ex-chanteurs de la Banda Gigante Fernando Alvarez et Enrique Benitez, d’Ibrahim Ferrer, des musiciens Walfrido Guevara, José Castañeda et Elíades Ochoa, ou encore d’Hilda Moré, fille aîné de d’artiste. Les commentaires du chercheur José Reyes, ainsi que des entretiens avec des chanteurs actuels, admirateurs du Benny, comme Augusto Enriquez ou Isaac Delgado, viennent compléter cet impressionnant ensemble.
Construit selon un plan chronologique, le film propose un éclairage fouillé sur les étapes de la vie du musicien : sa naissance en 1919 dans une famille pauvre d’un petit village du centre de l’île, près de Cienfuegos ; son talent précoce et sa formation totalement autodidacte ; les petits métiers qu’il exerce avant de pouvoir s’intégrer comme chanteur les grands orchestres de la Havane, dont le prestigieux Conjunto Matamoros ; sa rencontre avec Perez Prado et leur départ au Mexique où ils jouent un rôle essentiel dans la diffusion internationale du mambo ; son retour à Cuba et sa période de gloire des années 1950 avec sa Banda Gigante, équivalent latino des grands orchestres de jazz nord américains.
Ileana Rodriguez trouve un juste équilibre entre les témoignages qui font apparaître un homme à la fois simple et généreux, et les documents d’archives filmés qui mettent en lumière son talent polyvalent : à la fois chanteur, directeur d’orchestre, compositeur, improvisateur et « show-man » exceptionnel, il est capable d’interpréter tous les styles de la musique cubaine, du son au boléro en passant par le mambo et le jazz latino.
Les passages consacrés à la genèse de ses grandes compositions, comme Bantaga, son concert improvisé d’anthologie avec Joseito Fernandez (auteur de la célèbre chanson Guantanamera), les souvenirs émus d’Eliades Ochoa ou Ibrahim Ferrer sur ses actes de générosité à leur égard, ou simplement les images de Benny bêchant son champ en bras de chemise, figurent parmi les nombreux attraits de ce film… Sans oublier, bien sûr, l’essentiel, c’est-à-dire les nombreux extraits de ses interprétations à la tête de la Banda Gigante : Oh Vida, Santa Isabel De Las Lajas, Como Fue, Batanga no 2, Que Te Hace Pensar, Y Hoy Como Ayer, Mata Siguaraya, Te Quedaras, Saoco, Preferi Perderte, Como Arrullo De Palma, Que Bueno Baila Ud., La Vida Es Un Sueño, Mexicanita Veracruzana, Bonito Y Sabroso.
L’œuvre du Barbaro del Ritmo constitue, au même titre que cella d’Arsenio Rodriguez, un trait d’union essentiel reliant le son urbain des années 1920 à différent styles contemporains de musique latino : timba cubaine, latin jazz et salsa. Pleuré à sa mort, en 1963, par le peuple cubain tout entier, son héritage reste encore bien vivant, comme le montre l’émouvant hommage que lui rend Isaac Delgado à la fin du documentaire, ou encore le succès du Festival international de Musique populaire Benny Moré, organisé chaque année dans son village de naissance, Santa Isabel De Las Lajas.
Fabrice Hatem
Pour en savoir plus sur Benny Moré : http://fabrice.hatem.free.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=1536&Itemid=73
Pour commander le DVD : https://www.dvdempire.com/626038/benny-more-hoy-como-ayer-movie.html
Pour visionner le documentaire en langue espagnole (si il vous est impossible d’acheter le DVD): hoycomoayer