Comédie musicale de Christopher B. Stokes, Etats-Unis, 2004, 91 minutes
Los Angeles, années 2000. Deux amis, David et Elvin, dirigent le meilleur crew de Break Dance de leur quartier. Mais les ennuis s’accumulent : battle perdue suite à la trahison d’un membre du groupe, embrouille avec des trafiquants de drogue, urgents besoins d’argent, bagarre entraînant une blessure d’Elvin. De plus, celui-ci, qui prend très mal la nouvelle liaison amoureuse entre sa sœur Liyah et son copain David, se fâche avec lui. Est-ce la fin de leur crew ? Et pourtant, il lui faut absolument remporter la super-battle de la télé et son prix de 50000 dollars…
Quel séduisant contraste nous propose ce film aux deux visages !!! D’un côté, une gentille comédie romantique sans prétentions intellectuelles, aux situations et aux personnages un peu convenus, mais très bien servie par le charme juvénile des acteurs. De l’autre, des scènes de danse absolument époustouflantes….
Le meilleur du Break dance nous est en effet proposé dans les nombreuses battles qui émaillent le film : premières figures d’échauffements (up rock) ; mouvements de jambes ultra-rapides, soit debout en forte dissociation avec le buste immobile (six step, three step), soit au sol en appui sur les mains (passpass) ; tours sur les mains (nineten, sixteen, canard) ; immobilisations soudaines dans des positions inattendues (freeze) ; mouvements de rotations sur les épaules (coupole ou back spin) ou sur la tête (couronne, head spin) ; sauts et acrobaties aériennes (power move) ; mime de combat entre les danseurs (top rock)… Tout cela interprété par des ballets impeccablement réglés, avec une coordination rythmique d’une précision surnaturelle, sur une musique au tempo d’enfer. L’attitude de défi permanent entre les deux crews qui semblent toujours à limite de la bagarre, l’excitation de la compétition devant un public surchauffé, dégagent une énergie décoiffante. On ne peut que tirer son chapeau devant les interprètes et les chorégraphes, même si l’on sent que les effets visuels sont parfois un peu dopés par des astuces de montage.
Mais justement, le montage est, lui aussi excellent, restituant à merveille par ses accélérations foudroyante et ses images hachés le côté « speed » et survolté de la vie d’une (gentille) bande de jeunes de la « black middle class » de Los Angeles.
Mon idée, en introduisant cette œuvre dans ma sélection de films sur les cultures latinos, était de souligner les filiations existant entre le Break dance nord-américain contemporain et certaines danses traditionnelles afro-latines (avec leurs différentes déclinaisons locales : Columbia cubaine, Tamborito Panaméen, Capoeira Brésilienne…). Et il est en effet incontestable que ce style inventé dans les années 1970 dans les quartiers noirs de New York et Los Angeles présente certaines similitudes avec ces danses de racine africaines : soliste exécutant ses figures au milieu du cercle de ses camarades, attitudes viriles de défis et combats mimés, dissociations corporelle et ruptures rythmiques, etc.
Mais le film montre aussi très clairement que le Break ne peut être réduit au simple statut de descendant de la Rumba ou de la Capoeira. C’est aussi un style de fusion sui generis, dont la musique comme la gestuelle reflètent l’atmosphère des ghettos noirs américains avec leur énergie et leur violence, et où la pulsation régulière de la musique mixée s’est complètement substitué aux polyrythmies complexes des tambours. De plus, le travail de stylisation opéré par les chorégraphes du film lui ajoutent une touche de perfection formelle et de maîtrise scénographique qui l’éloignent quelque peu de la spontanéïté de la rue pour la transformer en une œuvre de spectacle à part entière.
Cette observation me conduit à une réflexion plus large sur l’apport de l’industrie des loisirs nord-américaine à l’évolution et à la diffusion des cultures populaires du nouveau monde, qu’il s’agisse de musique ou de danse. En les transformant en produits culturels de masse au rayonnement mondial – qu’il s’agisse hier de la Rumba, puis du Mambo, de la Salsa, aujourd’hui du Break et Hip Hop – celle-ci opère à mon avis bien autre chose que la dénaturation commerciale dont on l’accuse souvent. Elle dégage ce qu’il y a d’universel dans chacun culure locale pour mettre celle-ci à la portée d’un public immense. Et ceci constitue en soi un acte créatif majeur, qui, au milieu d’inévitables médiocrité commerciales, peut donner lieu à la réalisation d’œuvres artistiques de grande qualité, comme l’est You Got Served. Mille mercis donc aux Etats-Unis – que cela plaise ou non aux obsessionnels détracteurs d’Hollywood ou de la Fania – de servir de creuset à l’invention à la diffusion de cette culture populaire universelle !!!
Fabrice Hatem
Pour en savoir plus ce sur film : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=54024.html