Documentaire de Patricia Ferreira, Espagne, 2011, 55 minutes
Le long des côtes caraïbes du Belize, du Honduras et du Guatemala, vivent des populations d’origine africaine, les Garifunas. Ceux-ci descendent de Noirs échappés à la traite des esclaves, qui s’installèrent d’abord dans l’île de la Dominique avant d’en être déportés par les anglais au XVIIIème siècle. Arrivés sur les côtes atlantiques d’Amérique centrale, ils s’y sont mélangés avec les autochtones, créant ainsi une langue et une culture syncrétiques, où l’élément africain est cependant dominant.
Au nombre de quelques centaines de milliers, installés dans de petits villages où l’on a parfois l’impression que peu de choses ont changé depuis 200 ans, ils vivent très pauvrement de pèche et d’agriculture vivrière.
Ils ont aussi une musique à eux, la Parranda, que nous découvrons en compagnie du jeune chanteur-compositeur Aurelio Martinez. C’est une musique rapide, rythmée, assez joyeuse, interprétées par de petites formations à base de percussions et de cordes pincées (tambours, calebasse, guitare, basse, guiro). Elle ressemble par moments à la Morna du Cap Vert, mais ou y reconnaît aussi très nettement la présence de la Clave. Les paroles, très simples, parlent de la vie quotidienne des gens, de leurs amours, de leurs démêlés avec leurs voisins ou des relations au sein de leur famille. On y retrouve souvent un dilaogue entre soliste improvisateur et chœur répétitif caractéristique des styles chantés d’influence africaine.
Aurelio nous fait découvrir les derniers vieux musiciens ambulants et autodidactes de Parranda, comme Juni Aranda, qui interprètent leurs chansons et improvisent sur les places de villages et dans les petits troquets à ciel ouvert. Mais il nous chante surtout, accompagné par son groupe, son propre répertoire, qui renouvelle le style garifuna avec des thèmes comme Tumari Tibarima, Santo Negro ou Tili Bagudara. Parfois, des danseuses l’accompagnent, ou bien il esquisse lui-même quelques pas… et la ressemblance avec la Rumba cubaine devient alors saisissante.
C’est une musique pleine de fraïcheur et de vitalité qu’Aurelio interprète devant de petits publics locaux à la sympathique simplicité, comme ce jeune garçon utilisant la tête de son frère cadet pour battre des rythmes de tambour. Mais on perçoit aussi la fragilité de cette culture, incarnée par un nombre assez limité d’artistes. Une situation qui reflète celle du peuple Garifuna. Revêtant pour l’occasion ses habits d’homme politique (il est député au parlement du Honduras), Aurelio décrit un avenir lourd d’inquiétudes : pêche industrielle surexploitant les ressources marines, immigration massive des hommes adultes vers les Etats-Unis, jeunes abandonnant la pratique de la langue traditionnelle, flux et revenus touristiques captés par les grands complexes hôteliers voisins, terres vendues à de riches étrangers… Menacé dans sa survie même, le peuple Garifuna saura-t-il maintenir vivante sa culture musicale ?
Fabrice Hatem
Pour visionner ce documentaire : https://www.rtve.es/alacarta/videos/todo-el-mundo-es-musica/todo-mundo-musica-honduras-belice-aventura-garifuna/1070122/