Fiction brésilienne de Cecilia Amado, 2011, 96 minutes
Dans les années 1950, à Salvador de Bahia, une bande d’adolescents des rues vole pour survivre. Leur refuge ? Une usine en ruine des faubourgs de la ville, où ils forment une sorte de communauté réunie autour des personnalités charismatique de leur chef, Pedro Bala, et du cerveau de la bande, El Professor, artiste à ses heures quand il ne planifie pas les mauvais coups. Entre cambriolages et parties de cartes dans les bars mal famés, amours avec des prostituées de la ville basse et bagarres entre clans rivaux, apprentissage de la Capoeira et cérémonies afro-brésiliennes, leur vie s’écoule cahin-caha, jusqu’à l’arrivée dans leur repaire d’une jeune orpheline, Dora. Celle-ci déclenche les désirs concurrents des jeunes hommes, provoquant drames et bagarres, jusqu’à ce qu’un amour réciproque l’unisse finalement, pour le meilleur et pour le pire, au chef de la bande, Pedro.Tiré d’un roman célèbre de Jorge Amado, ce film est le premier long-métrage de la petite-fille de l’écrivain, Cecilia. A son crédit, on peut porter une reconstitution très soignée du Salvador de Bahia des années 1950, la description très réussie du clivage entre classes sociales de la ville, l’atmosphère vivante des scènes de rue, le rendu superbe de la luminosité du ciel et de la mer. Ajoutons au panier des compliments la saveur des personnages secondaires et le jeu très correct des jeunes acteurs.
Le film est cependant gâché par le parti-pris esthético-idéologique consistant à idéaliser les comportements, l’existence et les sentiments de le bande des jeunes voleurs. Ce choix, ajouté à un certain nombre de clichés cinématographiques, contribuent à décrédibiliser le récit en l’aseptisant. Les bordels de la ville basse semblent tout droits sortis d’un film de Fellini, et les scènes de bagarre entre bande, de West Side Story. Le bar mal famé est à peu près aussi réaliste que la taverne de Pirates de Caraïbes. Les scènes de cérémonies afro-brésiliennes pourraient être avantageusement recyclées dans un clip publicitaire d’agence de voyage. Quant à la vie des enfants dans le bâtiment en ruine, elle fait irrésistiblement penser à celui d’une colonie de vacances, entre cours de capoeira et parties de baignade. Félicitons enfin l’héroïne féminine, Dora, pour son teint de pèche lors de la scène de son décès, ainsi que l’ensemble des membres de la bande pour leur expression aisée, au vocabulaire assez châtié, qui ferait presque oublier qu’ils sont censés n’avoir suivi aucune scolarité.
Bref, cette vision romantique de la vie de gamins des rues est à peu près invraisemblable. Toute la deuxième partie du film, largement organisée autour des démêlés sentimentaux entre Dora et ses deux prétendants, à la fois rivaux et amis – Pedro et El professor – traîne de plus en longueur et ne suscite pas d’empathie chez le spectateur.
Le film reste cependant regardable, à la fois comme témoignage de l’atmosphère du Brésil des années 1950, et comme introduction à l’œuvre du grand romancier Jorge Amado.
Fabrice Hatem
(Vu au festival Filmar en America latina, à Genève, le mardi 20 novembre 2012)
www.filmar.ch