Charmant week-end de Pentecôte à Tarascon, avec ma compagne Mireille, entre musique cubaine, aïoli, mojitos et fleurs de Provence !!!
En descendant du train de Nîmes, ce samedi 26 mai à midi, nous voici immédiatement plongés au cœur du festival Encuentros Taras’Kuba. Déjà, depuis le hall de la gare, nous commençons à percevoir les échos d’un rythme de salsa. Déjà, nous distinguons, en sortant sur la grand’place triangulaire qui fait face à la gare, la tente blanche de la grande buvette, les tréteaux de la scène, les petits stands d’exposition… Et en nous approchant de la grande piste de plein air en lino, nous voyons des enfants s’initier à un pas de la danse cubaine sous la houlette d’animateurs souriants, parmi lesquels je peux distinguer les visages de professeurs aussi connus que Pachucho Pedroso, Yanet Ochun Chango ou Yoannis Tamayo…
Il faut vous dire qu’une grande partie des activités de Taras’kuba se déroulent, non dans une salle fermée, mais à ciel ouvert, en plein cœur de la ville. C’est en effet la volonté des organisateurs de faire de ce festival – dont c’était cette année la deuxième édition – l’occasion d’une rencontre entre la culture cubaine et la population locale.
Un choix qui oriente aussi la nature des activités proposées : dans la plupart des autres manifestations de ce type, les journées sont en effet consacrées à des cours payants, donnés dans un gymnase ou une école de danse, et réservés à des participants préalablement inscrits. Taras’Kuba, au contraire, offre des animations gratuites, ouvertes à tous, sur l’une des principales places de Tarascon, la place de la gare. Chacun peut ainsi, pendant trois jours, choisir entre découvrir les percussions cubaines, s’initier à la Salsa, danser l’après-midi au rythme d’un orchestre de Son, de jazz Latino ou de Rumba, ou encore suivre l’un des nombreux défilés de Cumparsas qui se déroulent dans les rues de la ville[1].
Le passage de ces Cumparsas au milieu du marché aux fleurs, qui avait lieu en même temps que le festival, et à deux pas de celui-ci, a donné lieu d’agréables et colorés mélange des genres et des couleurs : les grand’mères provençales en tablier de cuisine et les femmes arabes voilées voisinant avec les danseuses tropicales, emplumées et provocantes, du groupe Fruta bomba. Un mélange d’ailleurs apparemment voulu par les organisateurs : dans le programme même du festival Taras’Kuba, figuraient en effet des références au marché aux fleurs, au marché artisanal, et même à une « animation country » qui nous permit de voir quelques étranges étrangers en chapeaux de cow-boy et ceinturon à grosse boucle argentée se mêler aux défilés de Congas et d’Orishas bien de chez nous.
Des mélanges inattendus qui rythment aussi la vie des participants : c’est aussi que, sortant affamé d’une rumba endiablée, je m’installai à la terrasse d’un restaurant voisin pour déguster un aïoli provençal : que je me voyais aimablement offrir, au stand de l’association France-Cuba, une carte de l’île tandis que ma femme faisait l’acquisition au marché provençal d’à côté d’un joli plumbago aux reflets mauves ; que je lisais, sous le stand de buvette, les désopilantes aventures du héros local, Tartarin de Tarascon, en attendant que l’excellent orchestre de Latin Jazz Akemis y su quarteto ait achevé le réglage un peu laborieux de sa sono ; que je profitai des calmes matinées – les activités du festival, décalage horaire à la cubaine oblige, ne commençant que vers midi – pour visiter quelques-uns des multiples sites touristiques de la région : l’imposant château du roi René, ressemblant paraît-il à l’ancienne forteresse parisienne de la Bastille ; de l’autre côté du Rhône, Beaucaire, avec ses étroites ruelles moyenâgeuses et son château haut perché à l’immense donjon ; ou encore, à moins de 20 minutes en car, Arles et ses splendides vestiges romains. Et puis, il y avait ce chapeau Panama d’origine acheté sur un stand du marché artisanal, ces parfaits mojitos cubains préparés par d’expertes mains tarasconnaises, préludant à la dégustation d’une estouffade de taureau au riz de Camargue…
Autre originalité du festival : l’importance accordé à l’aspect culturel, avec les expositions de photos de Patrick Bonnard et Bertrand Fevre, proposant d’intéressantes visions en noir et blanc des coulisses des concerts de salsa et des images attachantes du Malecon ; les peintures naïves de Jenny Alfonso Relova et Aurora Murillo, prenant pour sujet les hommes, les femmes et les rues des Caraïbes ; des documentaires sur le théâtre expérimental de Cuba ; des conférences parfois très animées sur la littérature cubaine, où les clivages idéologiques se révélèrent solubles dans l’amour de la poésie et des belles lettres…..
Ce festival fut également pour moi l’occasion de retrouvailles ou de rencontres émouvantes avec beaucoup de ceux qui m’ont accompagné aux cours de ces dernières années dans ma découverte de la culture cubaine. Dès mon arrivée, Stephan Lautier, l’un des organisateurs du festival, et aussi l’un des animateurs du site Fiestacubana, se précipita pour nous accueillir, moi, ma femme et les musiciens de l’orchestre la New Sonora avec lesquels nous avons fait le voyage depuis Nîmes ; puis je retrouvais Yanet Ochun Chango, qui m’avait si aimablement invité chez sa mère lors de mon dernier séjour à Santiago en Juillet 2011 ; Papucho Pedroso, qui guida à Genève avec Flecha mes premiers pas vers la culture cubaine ; mes amis Leonel et Pascualito, piliers du site Fiestacubana, qui me firent l’honneur de m’accueillir il y a un an dans leur équipe ; Ahinama, le discret et souriant fondateur du site, et que, ne le connaissant pas encore, j’avais imaginé, je se sais pourquoi, sous les traits d’un parrain redoutable et autoritaire ; Deejay Tumbao et Axel Cubadicto, avec lesquels j’avais réalisé un entretien mémorable avec le chorégraphe Juan Teodoro Fiorentino à Santiago de Cuba ; la charmante et toute bouclée Aurélie Lilimba, avec laquelle j’avais déjà tant échangé de-mail sans jamais la rencontrer en chair et en os ; et puis aussi, des danseurs professionnels que ne je connaissais encore que de réputation, comme Milie Timbera, ou encore Yanis Tamayo, dont j’avais admiré les talents rumbero sur Youtube.
J’eus cette fois le plaisir de voir ce danseur de petit gabarit, mais doté d’une formidable énergie, improviser in vivo un magnifique Guaguanco, au son de l’orchestre Okilakua, en compagnie de Sandrine Santiaguera. Ah ! Oui, Sandrine, une autre de mes « amies facebook » présente à tous les « mauvais coups » de ces trois journées : joueuse de tumbadoras enthousiaste, congueras et rumbera de choc, salseras, timbera, sonera, et fervente spectatrice de tous les concerts du soir.
Bref, il n’avait pas vraiment moyen de s’ennuyer à Tarascon ce week-end. D’autant qu’après deux heures de danse endiablée l’après-midi en plein air, au son des orchestres Akemis ou Son Yuma, on avait aussi bien envie de se reposer une heure ou deux avant d’affronter les épreuves du soir…
Celles-ci nous attendaient un peu en dehors de la vieille ville, dans une ancienne caserne de cavalerie nommée « Quartier Kilmaine », et apparemment au cours de transformation en lieu d’animation social et culturel. Tout au fond de cet immense espace, on trouve un grand manège couvert, très spacieux et haut de plafond. C’est là, sur le sable où l’on pouvait encore voir l’empreinte des sabots de chevaux, qu’avaient été installée scène, piste de danse en parquet flottant, coulisses, régie et buvette.
Deux soirs de suite, nous pûmes danser et assister à de très beaux concerts : quatre au total, s’il vous plaît, car les organisateurs nous en proposaient rien moins que deux par soirée. Je pus ainsi découvrir successivement, le samedi soir, Hector Gomez et sa New sonora, puis l’énergie communicative de Pedrito Calvo Junior. Quant au dimanche, après une sympathique et tonique entrée en matière dansée sur la musique du groupe de Salsa Afincao, je fus littéralement emporté par le « cyclone » Tirso Duarte – un véritable fauve sur la scène – accompagné par l’orchestre toulousain La Mécanica Loca. Une soirée inoubliable, dont Pascualito, qui a tout filmé, vous donnera bientôt une meilleure idée que moi sur www.fiestacubana.net.
Un mot pour finir : outre la danse et les à-côtés culturels, le point fort du festival Taras ‘Kuba est incontestablement la richesse de sa programmation musicale. En trois jours nous avons ainsi pu voir défiler pas moins de 10 orchestres, couvrant très largement le spectre des différents genres musicaux cubains : Sons, Cumparsas de carnaval, Rumba, Afro-Cubain, Salsa, Latin Jazz, Timba, Regaetton… Une volonté, revendiquée par les organisateurs, de sensibiliser le public français à la diversité et à la richesse de cette culture, qui va bien au delà de la seule danse de loisirs. Une démarche courageuse, appréciée par tous ceux qui étaient présents à ces journées… et qui fait d’autant plus regretter que le public n’ait pas été plus nombreux au rendez-vous. Alors, si vous n’étiez pas là – et a fortiori si vous y étiez – n’oubliez surtout pas d’inscrire sur vos tablettes la troisième édition de Encuentros Taras’Kuba, au printemps 2013. Si nous avons la chance qu’elle ait bien lieu…
Fabrice Hatem
[1] Consulter le programme complet du festival sur : https://www.frequence-sud.fr/art-13944-encuentros_taraskuba_tarascon.html