Mercredi 1er septembre 2010, La Havane
Il arrive fréquemment à Cuba de rencontrer, pratiquement au coin de la rue, d’excellents orchestres dont on se demande vraiment pourquoi ils n’ont pas connu le même succès international que Buena Vista Social Club, Eliades Ochoa y su Cuarteto Nacional ou Michael Blanco.
La Gloria Matancera est de ceux-là.
Je l’ai découverte presque par hasard, en retournant à l’UNEAC (Union des écrivains et artistes cubains) le mercredi 1er septembre pour y assister à une peña dite « de trova », c’est-à-dire de de chanson et musique populaire[1]. Cette formation fut la dernière à se produire, après un défilé de chanteurs de boléros ou de variétés de valeur parfois excellente, mais un peu inégale.
Des la première note de musique, je compris que j’allais passer un moment extraordinaire. L’orchestre avait une solidité rythmique absolue, une syntonie parfaite, une sonorité éclatante, une énergie communicative. Et, très vite, il se passa ce qui se passe toujours à Cuba dans ces cas-là : les gens se mirent à danser devant le perron qui servait de scène – pas très nombreux d’ailleurs, mais suffisamment pour emplir cet espace relativement étroit. J’ajoute que je ne fus pas le dernier à le faire. J’ouvris même le bal avec une charmante cubaine à la table de la laquelle j’étais installé, et qui se révéla être une excellente danseuse de Son.
Le répertoire était celui de la musique cubaine traditionnelle : surtout des Son, des boléros et des rythmes brésiliens, plus quelques Rumbas et Tcha-Tcha-Tcha. Il faut dire que la Gloria Matancera, comme d’ailleurs plusieurs autres orchestres cubains comme le Septeto Ignacio Piñero, a des allures d’institution historique : fondée dans les années vingt, elle n’a depuis lors jamais cessé d’exister, accueillant successivement plusieurs générations de musiciens qui se transmirent l’une à l’autre l’héritage musical de la formation.
Cela ne veut pas dire que cet orchestre est resté figé dans son état originel. Au contraire, il a évolué, incorporant de nouveaux styles au cours des ans prenant, selon les époques, la forme et nom d’un septeto, d’un conjunto, et d’une sonora. C’est sous cette dernière forme, c’est-à-dire celle d’une orchestre composé, outre les chanteurs et les percussions, d’un piano, d’une guitare (électrique) et de cuivres (trompette), que j’ai pu l’écouter Mercredi.
Impressionné par la qualité musicale de cette formation, et assez ignorant en matière de musique cubaine, je m’approchai de l’organisateur de la Peña, Andrès Pedroso Alvarez, pour lui demander si cette orchestre était bien la prestigieuse « Sonora Matancera », un groupe très connu des danseurs de Salsa. Ce n’était pas le cas, mais ma question était malgré tout très pertinente. Ces deux orchestres sont en fait pratiquement jumeaux : nés à très peu d’années de distance, ils firent souvent appel aux mêmes musiciens, qui passaient d’une formation à autre. Mais, poussée sur le devant de la scène par la mode de la Salsa qu’elle a su incorporer à son répertoire, la Sonora Matanceraa acquis au cours des trente dernières années une immense notoriété internationale, la Gloria Matancera, qui est restée fidèle à une sonorité et un style plus traditionnels, moins adaptés peut-être au goûts du jeune public d’aujourd’hui, est par contre restée un peu dans l’ombre. Une ombre relative d’ailleurs, car la formation est assez connue à Cuba et part parfois en tournée à l’étranger, comme encore récemment en Colombie.
Tout cela, Andrès Pedroso ne se contenta pas de me le dire en aparté. Lorsqu’il remonta sur scène pour présenter les musiciens, il m’y appela également pour demander au responsable artistique de la formation, Aristides Diaz «Tillo » Almeida, de m’expliquer de vive voix, devant tout le public, l’histoire de cette formation. Anecdote qui révèle l’esprit d’ouverture et de communion de cette Peña, dont les animateurs ont un mot gentils ou une attention particulière, dès qu’ils en ont l’occasion, pour chacun des participants. On se sent ici de ce fait accueilli, apprécié, aimé… C’est vraiment très chaleureux.
Les membres de l’orchestre, ont, malgré les cheveux grisonnants de plusieurs d’entre eux, une pêche d’enfer. Les chanteurs, dont l’un ressemble vraiment beaucoup à Oscar de Léon, feraient presque oublier la grande qualité de leur voix par leur attitude détendue et facétieuse – en fait un signe supplémentaire de leur maîtrise artistique. Le joueur de bongo noir a un extraordinaire jeu de pieds, et la magie rythmique de ses pas attire le regard comme un aimant.
Le public était conquis, heureux, et la soirée se termina par une Carrioca endiablée et joyeuse dans les jardins de l’UNEAC.
Fabrice Hatem
[1] Pour une présentation de L’UNEAC et de ses peñas, voir mon précédent article, « Pena de Boléro à l’UNEAC ».
[1] Pour une présentation de L’UNEAC et de ses peñas, voir mon précédent article, « Pena de Boléro à l’UNEAC ». [1] Pour une présentation de L’UNEAC et de ses peñas, voir mon précédent article, « Pena de Boléro à l’UNEAC ». [1] Pour une présentation de L’UNEAC et de ses peñas, voir mon précédent article, « Pena de Boléro à l’UNEAC ».