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Tangueros et tangueras

Danseurs « TGV » ou Tangueros grands voyageurs

Editeur : La Salida, n°37, février-mars 2004

Auteurs : Henri Vidiella et Catherine de Rochas

Danseurs « TGV » ou Tangueros grands voyageurs

Catherine et Henri, grandes figures du tango en France, sillonnent notre pays depuis de nombreuses années. Ils égrènent pour nous quelques-uns de leurs souvenirs de danseurs TGV, comme on les appelle parfois.

A la faveur d’un récent déménagement, nous avons retrouvé nos carnets de tangueros voyageurs. A les feuilleter, on s’aperçoit que nous avons pris le train dans trois des quatre coins de France ( il nous manque le quart Nord-Est ), et que ces voyages forment déjà une belle toile dont le centre est curieusement double, puisque notre vie se partage entre Paris et le Gard, ce qui multiplie les allers-retours et parfois complexifie les trajets ; cela nous vaut d’avoir été baptisés « les danseurs TGV ».

Parmi les pages inoubliables de ces documents préhistoriques, bien sûr le premier stage : c’était en 1987 dans un gymnase montagnard pour quarante grenoblois pionniers, en sandales et espadrilles essayant, comme nous, de reproduire le spectacle de « Tango Argentino ». Certains, nullement découragés, sont toujours là et l’association, toujours vivante.

Le second cliché, haut en couleurs, est pris à Lézignan-Corbières ( Aude). Soirée à la mairie avec Isidoro (chanteur argentin) et son orchestre. On voit « l’abrazo » bizarre et frénétique d’un cavalier tout petit, faire remonter ma robe à un niveau alarmant ; une minute plus tard, il nous montrait sa jambe de bois et déclarait que les bandonéons et notre démonstration avaient réveillé sa passion irrésistible !

Là, photo panoramique d’une foire commerciale à Perpignan, derrière les portes d’un immense chapiteau. Entourée de buvettes-restaurants , la grande scène est pour « Che Bando » et les plantes vertes. A nous deux, les cent mètres carrés de piste et la poursuite ! Mais il faudra danser trois heures devant de chaises vides, la nocturne ayant été supprimée…

Nous gardons aussi le tableau naïf des stages tourangeaux à mille lieues des manifestations « nationales » rodées aux interventions de haut vol : c’est le théâtre de la Fronde dont l’animateur nous cueille à la gare dans son camion bourré de décors pour rejoindre son petit village. Aux cours, adultes et ados, tous se connaissent et partagent ensuite de grands repas et le vin d’Anjou ; l’image était passée à la télévision régionale intriguée par ce tango rural.

Les pages se succèdent, certaines ont pâli, d’autres épaissies par les multiples poèmes, photos, dédicaces, programmes, tickets de bal et portraits, composent un véritable kaléidoscope d’émotions.

Aujourd’hui, les occasions de danser « ailleurs » se multiplient, les associations grandissent, mais je crois que nos souvenirs les plus forts sont attachés à des évènements modestes, portés par des bénévoles animés par la foi de faire partager leur passion. Ces week-ends sont souvent une course pour les organisateurs et l’on manque de temps pour « sentir » l’atmosphère de la ville. On n’a pas vu la mer, ni les violettes, ni les pruneaux, les rillettes ou le fameux pont, car déjà, c’est le retour.
Il faut s’arracher après les derniers remerciements, encouragements et baisers à la sauvette, sauter dans le train pour enfin allonger les jambes ! Puis bercés par les roulements, on revit doucement les moments les plus intenses, on déguste les marques de sympathie, on regrette de ne pas avoir pu donner plus.

Et surtout, on a encore envie de danser ; sans explications, sans démonstrations, danser enfin pour nous deux. Heureusement, nous avons déjà nos billets pour le prochain voyages !

Henri Vidiella et Catherine de Rochas

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