Editeur : Anima/Edisud, notes et études Anima n°11, 92 pages
Auteur : Fabrice Hatem (sous la direction de), assisté de Anne-Claire Vu
La filière automobile dans la région euroméditerranée (2005)
Le secteur de l’automobile jouait jusqu’à une époque récente un rôle relativement limité dans les économies méditerranéennes, qui n’avaient pas développé de filières puissantes et ne s’imposaient pas comme des acteurs majeurs au niveau mondial ni même régional. Aujourd’hui encore, la production et les exportations totales des pays MEDA n’atteignent qu’un niveau relativement modeste, aussi bien pour les équipements que pour les véhicules automobiles, et leur solde commercial vis-à-vis de l’extérieur reste très déficitaire.
On a cependant observé au cours des vingt dernières années une évolution favorable : développement des flux de sous-traitance pour la fabrication de certains équipements, implantation d’équipementiers principalement européens, voire de constructeurs dans le cas de la Turquie. Ce pays donne l’exemple, pour l’instant unique dans la région MEDA, de la constitution progressive d’une véritable filière automobile, enclenchée par l’implantation, dès les années 1970, de quelques constructeurs étrangers, suivis par leurs fournisseurs, enfin par le développement d’une industrie d’équipementiers locaux. Aujourd’hui, après le décollage massif des années 1990, cette industrie couvre une part croissante du marché local et exporte également de plus en plus massivement, principalement vers l’Europe de l’Ouest.
D’autres pays développent également, de manière plus modeste, leur industrie automobile, et tout particulièrement la Tunisie, où s’est développée une activité de production de composants et d’équipements à destination des sites d’assemblage d’Europe de l’Ouest, et le Maroc.
Actuellement, les constructeurs et les équipementiers actifs sur le marché européen expriment un intérêt de plus en plus marqué pour une localisation dans les pays du sud de la Méditerranée et notamment du Maghreb, où l’on peut trouver, à proximité des marchés d’Europe de l’Ouest, une main d’œuvre abondante à coûts relativement modérés. La partie est cependant loin d’être gagnée pour les pays MEDA. Outre que seuls quelques-uns d’entre eux (Turquie, Maroc, Tunisie notamment..) satisfont aux pré-requis des entreprises en matière de stabilité politique, de sécurité juridique, de qualité des infrastructures et/ou de niveaux de coûts salariaux, l’avenir de l’industrie automobile est menacé, même dans ces pays, par plusieurs mouvements concomitants :
– d’une part, la montée en puissance des industries automobiles d’Europe de l’Est, vers lesquelles s’orientent des flux massifs d’investissements et de contrats de sous-traitance en provenance d’Europe de l’0uest ;
– d’autre part, la concurrence des industries extra-européennes, qui devrait encore s’accroître dans les années à venir.
– Enfin, la montée du contenu technologique de ces activités, qui induit des exigences croissantes en matière de qualité de la main-d’œuvre, d’environnement industriel, des réseaux logistiques, etc.
Confrontées au double défi d’une concurrence accrue sur le marché européen et sur leur marché domestique, les pays méditerranéens doivent donc redoubler d’effort en termes de modernisation et de création d’un environnement d’affaires adéquat s‘ils veulent saisir la chance qui leur est offerte par les stratégies actuelles d’internationalisation et de délocalisation des entreprises automobiles originaires des pays développés.
Quant à la filière automobile européenne, après la crise des années 1980 due à la montée en puissance de la concurrence japonaise, elle a connu un redressement significatif, accompagné par un puissant mouvement d’internationalisation. Celui-ci a pris pour une part la forme de délocalisations, au profit notamment de l’est du continent. Représentant une opportunité pour les pays à bas coûts de main d’œuvre (par exemple, la Roumanie), ce mouvement est symétriquement perçu comme un facteur de désertification industrielle pour les pays dont les coûts intérieurs sont élevés (par exemple, la France), et constitue une concurrence et une menace directe pour les pays MEDA désireux de se développer sur les mêmes créneaux.
Il est donc intéressant d’étudier cette activité dans une perspective systémique éclairant à la fois les problématiques des pays développés d’Europe de l’Ouest et celles de pays situés à différents stades d’industrialisation comme ceux de la région MEDA et les pays de l’Est. C’est ce que nous proposons dans ce rapport, qui lie les deux points de vue, pour examiner ensuite dans quelle mesure des politiques industrielles coordonnées sont possibles ou souhaitables.
L’analyse de la filière fait cependant apparaître les spécificités fortes des segments industriels amont (équipements) et aval (construction automobile), dont les caractéristiques technico-économiques assez différentes se traduisent par des comportements de localisation spécifiques. C’est ainsi que l’industrie de la construction automobile, très concentrée, se localisera plus volontiers dans des zones offrant un environnement industriel très structuré, des infrastructures de qualité et une proximité au marché final. Quant aux industries d’équipement, leurs critères de localisation peuvent être très variable selon les cas. Les activités intensives en main d’œuvre peu qualifiée (ex : câblage…) seront davantage sensibles à la question des coûts salariaux, tandis que d’autres, à plus haut niveau technologique (ex : certains composants électroniques) seront plus attirées par l’existence d’un environnement industriel de bon niveau et d’une offre satisfaisante de main d’œuvre qualifiée. Mais toutes seront sensibles à la possibilité d’approvisionner de manière fiable et rapide les sites d’assemblage, ce qui suppose, soit l’existence d’une logistique de qualité, soit une implantation à proximité directe de ces sites.
Dans la première partie, nous analysons les structures de la filière automobile et les grandes tendances actuellement à l’œuvre concernant l’offre, la demande et les évolutions technologiques. Dans la seconde partie, nous examinons les évolutions en cours dans la géographie des activités au sein de la région euro-méditerranéenne et leurs conséquences pour les différents groupes de pays concernés, et tout particulièrement ceux de la région MEDA. Nous proposons en conclusion quelques pistes d’action destinées à améliorer l’attractivité de ceux-ci pour la filière automobile : intensification de l’effort de coopération régionale, amélioration de l’environnement local des affaires, effort accru de connaissance des marché et de promotion de l’offre MEDA.
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