Editeur : Le nouvel économiste, n°1281, 26 novembre 2004
Auteur : Fabrice Hatem
Valoriser le potentiel méditerranéen : l’exemple des logiciels
Le Japon a l’Asie du Sud-est. Les Etats-Unis ont le Mexique et l’Amérique du Sud. Pour assurer leur compétitivité, les industries d’Europe de l’ouest ont elles aussi besoin, sur leurs périphéries est et sud, de partenaires dynamiques, à bas coûts, en développement rapide, avec lesquels mettre en place des schémas efficaces de division internationale du travail. Si les PECO peuvent jouer en partie ce rôle, leur taille reste cependant modeste par rapport, par exemple à celle de la Chine. C’est pourquoi il est vital d’exploiter le potentiel d’autres partenaires, comme par exemple les pays du sud de la Méditerranée : 250 millions de personnes et un PNB qui frôle les 600 milliards de dollars. Mais, malgré la signature des accords d’association, malgré la mise en œuvre du processus de Barcelone, malgré certains succès économiques réels, l’image de cette zone reste floue dans les pays du Nord, et son potentiel réel, quelque peu sous-estimé.
Un exemple parmi beaucoup d’autres : le développement des logiciels. Savez-vous que les microprocesseurs de ST Microelectronics sont en partie conçus en Tunisie et au Maroc, puis en partie assemblés en Europe de l’Ouest, pour être ensuite principalement vendus en Asie ? Le monde à l’envers, direz-vous. Mais aussi un modèle d’organisation fort efficace qui témoigne du potentiel méditerranéen.
Reprenons les choses dans l’ordre. La localisation des centres de conception logiciels peut se faire assez librement dans le monde en fonction des avantages comparés des différents pays d’accueil en matière de coûts et surtout de qualité de la main d’œuvre. On observe donc depuis quelques années un mouvement de délocalisation de ces activités, qui, au sein des pays en développement, a particulièrement profité à l’Asie (Inde notamment), et, plus récemment, aux pays de l’est européen.
Mais les pays méditerranéens ont aussi enregistré des succès, certes globalement modestes, mais réels, au cours des deux dernières années. Citons par exemple, au Maroc, l’implantation des français SQLI, Unilog et Sitel, ou encore de l’américain Tech Access. En Tunisie, plusieurs projets ont été également annoncés, notamment dans la cité technologique des communications de Ghazala, près de Tunis. Dernier en date : l’irlandais Stonesoft, leader dans la sécurité informatique, en 2004. Autre terre l’accueil, le Liban – avec son pôle technologique Berytech à Beyrouth – où se sont récemment implantés, entre autres, le français Unilog, l’américain Computer Associates M.East, et le canadien Metaforms.
Mais c’est Israël qui a réalisé les performances les plus significatives Plusieurs milliers de salariés y travaillent actuellement dans le développement de logiciels pour le compte de sociétés étrangères, notamment américaines. Parmi les principales firmes, on peut citer Intel (plusieurs centaines de chercheurs notamment en microélectronique), Microsoft, (logiciels pour le e-commerce), Hewlet-Packard (logiciels pour les systèmes d’impression couleur haute performance), Motorola (plusieurs centaines de chercheurs dans le domaine de la communication sans fil), IBM (près de 2000 chercheurs dans les domaines des bases de données, des systèmes informatiques et de la microélectronique). Des groupes à l’implantation parfois anciennes (Motorola depuis 1954, IBM depuis 1950), qui ont ensuite étendu leurs activités à travers notamment l’acquisition de start-up locales (Indigo par Hewlett Packard, Dialogics et DSPC par Intel).
Malgré la situation politique, les projets ont continué à affluer au cours des 2 deniers années : nouveau centre de développement d’IBM, spécialisé dans les composants électroniques, à Haïfa ; extension de l’usine Intel de Lachish Kiryat Gat ; implantation par l’américain Parametric Technology d’une unité de développement logiciels ; rachat par l’américain Cisco Systems de la start-up Actona, basée à Haifa. L’existence d’un important vivier de population qualifiée dans le domaine des sciences de l’information, le dynamisme des start-up locales et la réputation internationale du centre universitaire Technion de Haïfa, où sont localisé la plupart des grands centres de recherche (comme le fameux HRL d’IBM) donnent en effet à Israël des atouts majeurs dans le domaine des NTIC.
Certes, les chiffres globaux demeurent modestes : l’ensemble des pays du sud méditerranéen ne représentent en effet, selon le dernier rapport sur l’investissement de la Cnuced, que moins de 2 % de implantations mondiales de centres « off shore » dans le technologies de l’information. Mais le mouvement est tout de même suffisant pour nous rappeler qu’il existe sur notre façade sud des réelles capacité d’expertise en NTIC.