Editeur : Le nouvel économiste, n°1278, 5 novembre 2004
Auteur : Fabrice Hatem
Composites : une industrie en or pour la France
Des prothèses de hanche en céramique poreuse hydroxyapatite ; des bouteilles biodégradables à base de soja ; des balles de tennis ultra-rapides en nanocomposites ; des murs porteurs en plastique renforcé de fils de verre ; des pneus de tracteurs tous terrains en caoutchouc synthétique ; des céramiques en carbide de silicium capables de résister au choc d’un obus ; des équipements médicaux en composites anti-microbiens. Science-fiction ? Poésie surréaliste ? Non. Les matériaux nouveaux sont déjà en train de révolutionner notre économie et de pénétrer notre vie quotidienne .
Les phases successives de l’histoire humaine sont souvent désignées par le nom du matériau qui les caractérise : on parle ainsi de l’âge de la pierre, du bronze, du fer, et, pour la période moderne, de l’acier ou du plastique. Mais il s’agissait jusqu’ici de produits monolithiques, aux caractéristiques peu évolutives, directement dépendante de celles du produit naturel dont ils étaient tirés.
Aujourd’hui, il dévient possible de créer pratiquement à la carte, en fonction des besoins de chaque type d’utilisateur, toutes sortes de matériaux aux propriétés améliorées en matière de légèreté, de résistance aux chocs, aux tensions, à la corrosion ou à la chaleur. De telles qualités expliquent la croissance rapide des débouchés, qu’ils s’agisse de produits « de masse » comme dans l’automobile ou le bâtiment, ou d’applications à haute technologie, comme pour la défense, les matériels médicaux ou l’aéronautique. Certains de ces marchés sont encore naissants : nanocomposites, biopolymères issus de l’agriculture ou des biotechnologies. D’autres ont déjà atteint des ordres de grandeur substantiels, de l’ordre de 10 à 15 milliards d’euros chacun au niveau mondial : céramiques avancées incorporant de la stéatite ou de l’alumine, caoutchoucs synthétiques à base de sous-produits pétroliers, nouveaux alliages métalliques. Mais le marché le plus important est celui des composites, qui frôle aujourd’hui les 50 milliards d’euros dans le monde et les 15 milliards d’euros en Europe.
Un composite, c’est une matrice en plastique dans laquelle est introduit un matériau de renfort, en général à base de carbone ou de verre (si la dimension de chaque granulat de renfort est très faible, de l’ordre du nanomètre, on parlera alors de nanocomposite). Ces produits, à la fois très légers, souples et résistants, représentent d’ores et déjà, selon une étude réalisée par Nodal Consultants pour le compte du Ministère de l’économie, 10 % du marché mondial des matières plastiques, avec des taux de croissance de 6 à 8 % par an.
De quels atouts disposons-nous en France pour développer ou attirer ces activité d’avenir ? Examinons les trois points-clés en la matière : industries de base, plasturgie, capacité globale de recherche-innovation en génie des matériaux. Côté industries de base, la situation française est plutôt bonne, avec quelques très grands groupes industriels qui ont su prendre le virage des matériaux nouveaux, comme Saint Gobain Vetrolex avec son composite Twintex ou Michelin avec son pneu synthétique Xeo lib.
Côté plasturgie, nous disposons de pôles de compétence régionaux forts, comme la Bourgogne, le Centre, la Normandie, le nord de la France. Mais le plus puissant est Rhônes-Alpes. Principaux atouts : la « Plastics Valley », autour d’ Oyonnax, avec ses 650 entreprises, ses 16000 salariés et son « Pôle européen de la plasturgie », un grand centre d’innovation, de support technique et de formation ; la zone de Chambéry, avec le technopole « Savoie Technolac » – dont les matériaux avancés constituent l’une des spécialités – et le site Saint Gobain Vetrotex, dont la capacité de production en Twintex vient d’être augmentée de 50 %. Globalement, l’industrie française des composites, avec 15 % de la production européenne, se situe, selon Nodal Consultants, au 2ème rang du continent.
La partie cependant, n’est pas gagné. Le véritable leader européen dans les composites est l’Allemagne, avec près de 30 % de la production totale. Notre capacité d’innovation, quoique réelle, reste nettement inférieure à celle des grands concurrents : 100 brevets « composites » sont en moyenne déposés chaque année en France, selon les chiffres de l’Observatoire des sciences et des technologies, contre 200 pour l’Allemagne ou le Japon et 800 pour les Etats-Unis. Et la plasturgie française reste un monde de PME, qui ne disposent pas toujours de la masse critique suffisante en matière d’innovation et de modernisation de l’outil industriel. Des entreprises qu’il faut aider à franchir ce cap si nous voulons participer pleinement à la révolution en cours.