Editeur : Le nouvel économiste, n°1269, 3 septembre 2004
Auteur : Fabrice Hatem
Le Maghreb, nouvel Eldorado des call-centers ?
Qu’y-a-t-il en commun entre Webhelp, Clientologic, Arvato, B2S ? Toutes ces entreprises ont annoncé, au cours des derniers mois, l’ouverture de centres d’appels au Maroc, avec plusieurs centaines d’emplois à la clé. Ces nouveaux sites viendront s’ajouter aux 40 déjà opérationnels dans le pays, employant environ 4000 personnes pour un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros : CEGETEL/SFR, Bouygues Telecom, Tele, AOL, Tiscali, Dell, Wanadoo….
Un centre d’appel (« call center » en anglais) est un service permettant d’établir une relation à distance entre une entreprise et son client, par téléphone, internet, serveurs vocaux, etc. Des call centers, il y a en a dans presque tous les secteurs d’activité : banque, maintenance informatique, grande distribution… Il y a de toutes sortes : des petits et des gros ; des services internes à l’entreprise ou destinés à sa clientèle ; des activités très « basiques » avec de gros volumes de transactions et des services à haute valeur ajoutée faisant appel à des compétences très pointues. Tout cela représente un marché mondial de 50 milliards de dollars, avec un rythme de croissance à deux chiffres.
Des call centers, il y en a aussi partout dans monde. Quand vous appelez un service de renseignement par téléphone, il se peut que l’opérateur qui vous répond dans votre langue – et sans accent, car on donne des cours de diction aux salariés – soit situé à des milliers de kilomètres de chez vous, au Sénégal ou .. au Maroc. Incitation supplémentaire à la délocalisation, l’investissement nécessaire est en général peu élevé : location d’un espace, acquisition de mobilier et de matériel de télecom : c’est tout. Rien à voir avec un gros projet industriel. Les seules contraintes : disposer sur place d’un personnel techniquement compétent, parlant la langue du client, prêt à accepter des horaires de travail inhabituels, et d‘un système de télécommunications efficace à coûts raisonnables.
Tout cela, on peut le trouver au Maroc, même si les réseaux de télécommunication ou les ressources en main d’œuvre qualifiée restent moins attractifs que dans les pays « off shore » les mieux dotés, comme l’Inde. Par contre, au Maroc, comme en Tunisie, on parle le français..
Le résultat, c’est un début de croissance de cette activité au Maghreb, autant d’ailleurs du fait d’entrepreneurs locaux que d’entreprises étrangères. En Tunisie, plus d’une quinzaine de projets ont été annoncés au cours de l’année 2003. Certaines sociétés ont connu des évolutions brillantes. Par exemple, Teleperformances employait 1400 salariés en 2003, contre 100 en 2001. Une quarantaine de centres d’appels sont opérationnels sur l’ensemble du territoire. Il existe, dans la proche banlieue de Tunis, une cité technologique des télécommunications, qui devrait accueillir d’ici peu des bâtiments dédiés aux centres d’appel.
Ces évolutions montrent que la frilosité des investisseurs vis-à-vis du Maghreb se dissipe quelque peu. Une bonne nouvelle pour ces pays, mais aussi pour nos entreprises et pour toute la région euro-méditerrannéenne, qui bénéficiera ainsi d’un supplément de croissance : nouveaux marchés et nouvelles compétences. Mais à court terme, pour les salariés français, c’est plutôt l’inquiétude. Jusqu’ici nous n’avons pas mal réussi, avec une moyenne de 1500 à 2000 implantations étrangères par an, soit 10 % du marché européen, face à des îles britanniques sur-dopées (près de 50 % du marché européen), à une Allemagne trop chère et une Europe de l’est défavorisée par la faible pratique de l’anglais. Mais l’irruption de nouveaux concurrents, qui plus est francophones, change la donne. Et pas dans le bon sens.
Pour une étude plus complète sur les centres d’appel en Méditerrannée : /2005/01/03/les-centres-d-appel-et-de-services-partages-dans-la-region-euromediterraneenne/