2 juin 2020
Face à la situation américaine actuelle, les deux lobbes de mon cerveau se font comme d’habitude la guerre.
Le lobbe droit pense, avec Donald Trump, qu’il faut mater les émeutiers et les pillards qui défient la loi républicaine par la violence.
Mon lobbe gauche se félicite, avec Jean-Luc Mélenchon, que la population se soulève contre l’arbitraire d’un Etat répressif.
Bon, me direz-vous, maintenant choisis. Tu es incohérent. Arrête de dire tout et son contraire.
Mais si au fond, j’avais complètement raison de dire ces deux choses en même temps ? Ou bien complètement tort, ce qui revient en fait exactement au même ?
Je m’explique.
Je suis convaincu – et c’est d’ailleurs la thèse centrale de mon prochain livre – que les démocraties occidentales – et tout particulièrement, mais pas seulement, la française – sont actuellement engagées dans une dérive mortifère présentant deux faces profondément complémentaires.
– D’une part, une dérive autoritaire : volonté de tout réglementer et de légiférer sur tout, volonté de tout surveiller en utilisant de manière de plus en plus massive les technologies de contrôle social, enfin volonté de réformer notre conduite personnelle en la soumettant notamment aux normes de la nouvelle doxa multiculturaliste (féminisme, écologie, égalité, respect des minorités, etc.). C’est que certains ont appelé l’Etat illibéral, C’est ce que j’appelle moi-même, en pensant très fort à l’exemple français, « l’Etat autoritaire multiculturaliste » (terme qui d’ailleurs a des allures d’oxymoron).
– D’autre part, une difficulté croissante de ce même Etat à imposer son autorité sur une population rétive à son oppression de plus en plus arbitraire ; une population elle-même fragmentée par le multiculturalisme en différent « communautés » ne respectant plus les mêmes systèmes de valeurs et dont certaines contestent les fondements même des démocraties libérales.
Le dynamique conjointe de ces deux tendances conduit à une surenchère fort peu réjouissante : l’accroissement de l’arbitraire répressif provoque des résistances sociales de plus en plus fortes, qui ouvrent inévitablement la voie aux dérives violentes des franges contestataires les plus radicales, justifiant à leur tour un nouvel accroissement de la répression policière Ce processus aboutissant à une situation associant, de manière apparemment paradoxale mais au fond parfaitement logique, autoritarisme étatique et chaos social.
C’est ce processus que Rafaele Alberto Ventura a analysé de manière limpide dans son livre ‘La guerre de tous contre tous ».
C’est exactement ce qui se passe en France depuis 2 ans : la violence réformatrice ou hygiéniste exercée par l’Etat contre la société entraînant une crise majeure de contestation (Gilets jaunes, réformes des retraites, demain sans doute post-Covid), elle-même émaillée de violences légitimant un nouveau tour de vis répressif.
C’est exactement aussi ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis, avec cette dangereuse surenchère entre les tentations dialectiques de la répression armée et de la violence insurrectionnelle, surenchère dont les principales victimes seront de toutes manières les valeurs de la démocratie libérale.
Et c’est pour cette raison que j’ai à la fois parfaitement raison et parfaitement tort d’apprécier et dénoncer la fois le soulèvement des manifestants américains et la volonté affichée de Trump de rétablir l’ordre par tous les moyens. Ou l’inverse, si vous préférez.
Ps : des fois, je dis des choses si intelligentes que, même moi, je ne comprends pas bien ce que j’ai voulu dire en me relisant…