12 avril 2020
La crise actuelle fait apparaître un saisissant paradoxe :
– D’une part, la dictature étatique se renforce à vive allure par l’accumulation des atteintes de plus en plus graves et massives aux libertés individuelles, par la transformation d’une part gigantesque de la population en assistés, par le dirigisme économique et par la spoliation fiscale.
– D’autre part, la position personnelle des dirigeants politiques qui sont à l’origine de ces décisions s’affaiblit, sous le poids de la contestation politique de leur gestion et des menaces des procès qui ne manqueront pas de s’abattre sur eux une fois cette crise terminée.
Bref, nous trouvons dans la situation paradoxale d’une dictature sans dictateur : un état extrêmement autoritaire et intrusif d’un part, des dirigeants politiques en situation très précaire de l’autre.
Cela signifie, à mon sens, que la dictature qui est en train de s’instaurer en France n’est pas celle d’un homme ou d’un groupe d’hommes mais celle d’une institution étatique dont l’expansion incontrôlée s’effectue de manière largement autonome par rapport à la volonté même de ceux qui sont placés à sa tête.
Toujours plus de lois et de règlements, toujours plus de dépenses publiques, toujours plus d’impôts, toujours plus de surveillance, toujours plus d’interdits, même si beaucoup de nos dirigeants politiques, pas plus bêtes et moins lucides que nous, souhaiteraient moins de lois, moins de dépenses publiques, moins d’interdits et moins d’impôts.
Pourquoi donc personne ne parvient-il à freiner cette expansion délirante, cancéreuse, de la sphère publique ? Pourquoi ceux-là même qui sont les plus conscients de cette dérive insensée (comme notre actuel Président l’était pas exemple au début de son quinquennat) s’en font-ils in fine les artisans ? Quelle est cette force obscure, irrésistible, qui transforme l’Etat-protecteur en un Moloch oppresseur de la société ?
A mon sens, cette force vient des tréfonds de la société elle-même, ou plutôt de la nature du pacte qu’elle a conclu avec son Etat.
Ce pacte fondamental, qui pousse ses racines dans l’histoire longue de notre pays, mais a pris sa forme contemporaine, à l’issue de la seconde guerre mondiale, avec la mise en place de l’Etat providence, tient finalement que quelque mots : c’est l’échange d’une renonciation assez large aux libertés économiques contre la promesse d’une protection généralisé accordée par l’Etat contre les aléas de la vie.
Cela s’appelle concrètement : sécurité sociale, services publics, régimes de retraites par répartition, grands programmes d’équipement, logement social, éducation nationale, régimes d’assurance-chômage, etc. Apparemment, c’est donc très sympathique.
Le problème de ce pacte, c’est qu’après avoir assez bien fonctionné pendant quelques dizaines d’années, il s’est progressivement déréglé, notamment sous les coups de boutoir de la mondialisation et de l’ouverture des frontières, au cours des trente dernières années.
S’est alors déclenchée une sorte de fuite en avant mortifère. Des fractions de plus en plus importantes de la population (chômeurs, précaires, zones de non-droit, villes industrielles ruinées par la crise, etc.) ont échappé au filet de sécurité tissé par l’Etat-providence. D’où une demande sociale toujours plus forte pour que celui-ci continue à tenir sa promesse de protection absolue. D’où de nouvelles aides, de nouveaux programmes sociaux, de nouvelles lois (de plus en plus souvent de simple affichage d’ailleurs) pour combler les trous de plus en plus nombreux du filet protecteur.
Mais pour financer tout cela, il fallait de l’argent, beaucoup d’argent. Or, on pouvait le prendre ni sur les pauvres qui n’en n’avaient plus, ni sur les très riches et les grandes multinationales habiles à contourner l’impôt.
Restaient alors deux solutions : l’endettement et la spoliation fiscale des classes moyennes (petites entreprises, petits épargnants, petits propriétaires bailleurs, etc.).
S’est alors enclenché un terrible cercle vicieux : on prélevait des impôts toujours plus lourds sur une classes moyenne toujours plus fragilisée pour d’une part financer des aides sociales toujours plus coûteuses à destination d’une population dépendante toujours plus nombreuse et d’autre part assurer le service d’une dette toujours plus élevée.
L’aboutissement ce processus était au fond assez simple à entrevoir : un Etat, qui après avoir totalement spolié et appauvri la classe moyenne laborieuse, se trouve privé de ressources et mis dans l‘impossibilité financière, aussi bien de tenir sa promesse de protection vis-à-vis des populations dépendante de ses aides que de rembourser la dette qu’il a contracté pour combler ses déficits.
Bref, une faillite à la fois économique, financière, politique, sociale. L’effondrement du pacte fondateur de la France d’après-guerre.
Je pensais naïvement que nous disposions peut-être encore d’une dizaine années avant d’arriver à ce terme fatal. Mais les décisions prises à l’occasion de la crise sanitaire me semblent de nature à accélérer considérablement sa réalisation, tout en se situant dans le droit fil du cercle vicieux que j’ai décrit plus haut :
– Mise à mort économique d’une partie importante des TPE et travailleurs indépendants par le confinement, effondrement concomitant de la base fiscale qu’ils représentaient, et transformation de ceux-ci en millions de chômeurs assistés ;
– Mise en place d’un programme proprement délirant de dépenses publique bien sur non financées, destiné à compenser les conséquences catastrophiques de la décision de confinement ;
– Crise à venir prévisible de la dette souveraine malgré la nouvelle spoliation fiscale inévitable des petits épargnants que l’on justifiera, pour faire taire les grincheux, par l’exigence de solidarité.
Et, à l’issue de cette espèce de « potlatch » géant et suicidaire, notre Etat-protecteur bienveillant et généreux se sera définitivement transformé en Moloch autoritaire en faillite.
Bienvenue donc dans le Nouveau monde d’après Coronachose !!!