Belleville, 1900. Une prostituée à la magnifique chevelure blonde, surnommée Casque d’or, tombe amoureuse d’un ouvrier menuisier, Manda. Furieux, le souteneur de Casque d’or, Roland provoque alors celui-ci en duel au couteau. Mal lui prend, car Manda le tue et s’enfuit. Mais Leca, le chef de la bande dont faisait partie Roland, et qui est aussi indicateur, balance à la police l’ami de Manda, Raymond, qui a conservé le couteau du crime. Il espère ainsi conserver pour lui seul Casque d’or, qu’il désire, en poussant Manda à se livrer pour faire libérer son ami Raymond. Celui-ci se dénonce effectivement, mais il s’évade grâce à la complicité de Casque d’Or et tue Leca. Il se laisse ensuite arrêter, est condamné à mort et est guillotiné au petit matin sous les yeux de Casque d’or.
Inspiré d’un fait réel, la rivalité qui opposa au début du XXème siècle, deux voyous de Charonne, Leca et Manda, pour l’amour d’Amélie Elie, dite « Casque d’or », ce chef-d’œuvre de Jacques Becker élève une histoire d’amour venue des bas-fonds vers les sommets d’une tragédie antique. Instrument involontaire d’un destin implacable, Casque d’or, malgré son, âme généreuse, semble en effet apporter la mort à tous les hommes qui la désirent : son souteneur Roland qui la jalouse, Manda qu’elle aime d’un amour passionné, Leca, qui tente de la posséder… Sans oublier Raymond, le malheureux ami de Manda, qu’elle conduit à la mort en tentant de le libérer.
Mais ce film a surtout à mes yeux l’immense mérite de restituer avec une grande puissance évocatrice le passé du quartier de Belleville, tel que l’on pouvait l’imaginer aux alentours des années 1900. Avec, bien sûr, ses bandes d’« apaches », ces voyous qui hantaient les rues des quartiers populaires de l’est parisien, de Charonne à la Goutte d’or, emplissant la presse des échos de leurs forfaits violents. Mais aussi avec ses habitants ordinaires et ses lieux du quotidien : petits débits de vins aux comptoirs de zinc, bastringues où les bourgeois en goguette venaient s’encanailler, guinguettes du dimanche au bord de la Marne, petites ruelles sombre et étroites avec leurs bicoques délabrées, ateliers d’artisans menuisiers ou serruriers…
Les esprits chagrins pourront souligner le caractère parfois un peu artificiel de cette reconstitution. Par exemple en rappelant que la véritable histoire dont est inspiré Casque d’or ne se déroula pas en fait à Belleville, mais un peu plus au sud, du côté du quartier de Charonnes.
On encore, pour gâcher un peu plus notre plaisir, en indiquant que la plupart des scènes d’intérieur que l’on voit dans le film – par exemple la soirée dansante au café de l’Ange Gabriel ou encore le bal-musette en bord de Marne – sont en fait des décors entièrement reconstitués dans les studios de Boulogne.
Plusieurs séquences du film, notamment en extérieur, furent cependant tournées en décors naturels à Belleville et Ménilmontant. C’est par exemple le cas de la scène d’amour où Casque d’Or vient, de manière impromptue, retrouver Manda devant son échope d’ébéniste pour échanger avec lui un baiser fougueux, avant d’apprendre de la bouche de sa fiancée, avec laquelle il était attablé, que la place n’est pas à prendre. Cette scène célèbre a été tournée dans un terrain vague aujourd’hui remplacé par le Parc de Belleville, face à la rue Vilin (dont on distingue nettement ce célèbre escalier typique aujourd’hui disparu) et juste en contrebas des rues Piat et des Envierges (où l’on aperçoit en arrière-plan le grand porche en demi-lune de la vieille cité ouvrière Faucheur). Elle nous fait également entrevoir l’admirable vue sur Paris, que l’on peut aujourd’hui contempler depuis le belvédère de la rue Piat. Une rue où a sans doute aussi été tournée l’arrivée du fiacre amenant Casque d’or à sa rencontre galante, puisque l’on y distingue nettement, vu cette fois d’en haut, l’escalier sommital de la rue Vilin.
Un peu plus haut, vers Ménilmontant, la rue des Cascades a aussi servi de décor à plusieurs séquences.
Les scènes d’intérieur de la villa de Leca furent ainsi tournées dans une petite maison aux allures provinciales du 44, rue des Cascades.
C’est aussi dans cette rue que, selon le site des-gens.net, furent tournées les scènes d’extérieur à l’entrée du café de l’Ange Gabriel, quartier Général de la bande de Leca.
Enfin, selon le site lagoutted’or.net, quelques scènes de rue auraient également été tournées dans le quartier de la Goutte d‘or. C’est notamment le cas de la poursuite finale de Leca par Manda, qui aurait été filmée entre la rue des Gardes, la rue Polonceau et le passage Léon, nous permettant à l’occasion d’admirer un magnifique omnibus à cheval.
Ces images vivantes et inspirées ce qu’était Belleville avant la grande rénovation des années 1970-1980 ne peuvent que susciter une émotion profonde chez tous les amoureux de ce quartier. Elles ajoutent ainsi une dimension très personnelle à mon immense admiration pour ce chef-d’œuvre qu’est Casque D’or.
Casque d’or, mise en scène de Jacques Becker, avec Serge Reggiani, Simone Signoret, Claude Dauphin, musique de Georges Van Parys, 93 minutes, 1952