A la fin du XIXème siècle, Nouvelle Orléans était une ville débauchée, violente, où la prostitution s’affichait dans tous les quartiers, y compris les plus honorables. La bourgeoise conservatrice souhaitait depuis longtemps mettre fin à cette situation de licence. L’un de ses représentants, Sidney Story, proposa donc, en 1897, de cantonner la prostitution dans un espace compact constitué de 18 pâtés de maison, derrière le carré français, afin d’en restreindre la pratique. Ce nouveau quartier réservé (photo ci-contre) fut rapidement surnommé Storyville en allusion au patronyme de son créateur.
Mais celui-ci est ses amis allaient être amèrement déçus dans leurs projets. Au lieu de permettre une limitation du fléau, Storyville allait bientôt jouir dans tous les Etats-Unis d’une réputation de lieu de plaisir exceptionnel, drainant vers Nouvelle-Orléans des hordes de visiteurs mâles solitaires. Dans ce quartier trépidant, on ne se livrait pas qu’aux plaisirs de la chair : on buvait et jouait beaucoup, on se bagarrait souvent et on dansait aussi. Tout cela au son d’une nouvelle musique, issue de la rencontre des traditions noires et créoles. Storyville servit ainsi, jusqu’à sa fermeture en 1917, de berceau aux premiers développements du Jazz.
Quel affreux paradoxe pour notre malheureux Sidney Story, conservateur protestant pétri de morale puritaine et de préjugés raciaux (qui s’étendaient bien sur au Jazz, musique noire par excellence), d’avoir associé pour l’éternité son nom au plus célèbre quartier réservé de tous les temps et à la plus influente des musiques afro-américaines !!!
Vraiment, la vie est parfois trop injuste !!!