Dans ce livre, considéré par la critique comme l’un des plus importants de la littérature cubaine contemporaine, Guillermo Cabrera Infante décrit l’errance nocturne, dans les années immédiatement antérieures à la révolution, d’un groupe d’amis appartenant à la bohème intellectuelle de la Havane, avec son sexe facile, ses coups de cœur artistiques, ses virées et ses fêtes plus qu’arrosées, ses interminables discussions littéraires….
Il nous fait ainsi côtoyer les personnages typiques de cet univers : chanteuses de variétés sophistiquées, danseuses de Rumba au talent inné, femmes entretenues par de puissants et riches protecteurs…. Nous découvrons des boites de nuit aux atmosphères variées, comme le Sky club, leLas Vegas, le Bar Celeste, le Mambo Club, leCapri, le Tropicana avec ses fabuleux spectacles. On rencontre aussi, au fil des pages, un ville de dépravation, avec ses trafics de drogue, ses spectacles pornographiques, ses prostituées et filles faciles de tous styles et de tous niveaux… Et comme nos héros sont des intellectuels et des journalistes, le livre nous parle aussi la vie culturelle de l’époque, avec ses revues comme la fameuse Bohemia ou ses radios comme Radio Reloj.
J’ai du mal à me prononcer sur la valeur littéraire de texte volontairement décousu, éclaté, aux facettes multiples comme celles d’un kaléidoscope, au style aussi hétérogène que les visions du monde et les caractères des personnages qu’il fait s’exprimer. Mais cette oeuvre présente aussi pour les passionnés d’histoire de la musique cubaine le grand intérêt de décrire, de l’intérieur, la vie nocturne de la Havane à la fin des années 1950, telle qu’elle a été vécue par les personnages bohèmes et un peu décadents qui s’y côtoyaient alors.
Fabrice Hatem
Cabrera Infante Guillermo, 1970, Trois tristes tigres, trad. Albert Bensoussan, éd. Gallimard / l’imaginaire, 463 pages