5 mai 2020
Avec l’épidémie actuelle, l’Etat-protecteur s’est découvert un nouveau et ultime rôle : celui de nous protéger de la mort.
Comme évidement cette protection est impossible à réaliser quelle que soit l’ampleur des moyens mobilisés, cette utopie ouvre une boite de Pandore sans fond : celle de l’extension sans aucune limite des interventions de l’Etat dans tous les aspects de notre vie.
De manière presque plus efficace et radicale que le nazisme, le communisme ou le multiculturalisme, cette étrange idéologie de l’Etat-protecteur-contre-la-mort peut constituer la base d’un nouveau totalitarisme.
Je n’exagère pas en utilisant ce mot. Pour Anna Arendt, en effet, le totalitarisme repose sur deux fondements : une idéologie utopique de transformation radicale de la société et l’isolement des individus par la terreur. Or, quoi de plus utopique que de prétendre nous protéger de la mort ? Et n’est-ce pas la logique profonde du confinement, que d’isoler les individus par la terreur ?
Exactement comme à l’époque bolchévique, nous voyons donc se préciser le visage à double-face de cet Etat-totalitaire : d’un côté, la face souriante de celui qui nous promet survie et protection généralisée ; de l’autre la face grimaçante de celui qui nous interdit tout, nous prend tout et nous punit pour tout.
Et, comme à l’époque bolchévique, cet Etat se révélera à la fois incapable de nous protéger – parce qu’il sera bientôt ruiné par ses propres erreurs et contractions et que, de toute façon, nous finirons par mourir – et incapable de vraiment nous contrôler – parce que la société s’auto-organisera au dehors de lui, comme elle l’a fait hier en Europe de l’est et comme elle essaye aujourd’hui de le faire à Cuba.
Alors, un jour ce Moloch aux deux visages s’effondrera dans une faillite cataclysmique. Mais combien de nos concitoyens aura-t-il auparavant dévoré pour nourrir son culte ruineux ? Et combien d’entre nous écrasera-t-il dans sa chute finale ?
Ce qui est certain, c’est que la société qui se reconstruira sur ces ruines devra remettre l’Etat à sa place : toute petite, étroitement délimitée, et où il ne prétendra pas faire notre bonheur malgré nous.