Les récentes mésaventures des propriétaires de coqs traînés en justice par les voisins incommodés par le chant matinal de ces gallinacés m’a rappelé une petite aventure amusante que j’ai moi-même vécue à Cuba il y a quelques années.
Donc à l’époque, j’étais dans ma phase de découverte émerveillée de la culture populaire cubaine, et j’avais beaucoup entendu parler des « prégones ».
Les « prégones », ce sont des petites chansons un peu répétitives que les marchands ambulants (vendeurs de fruits et légumes, de petites pâtisseries, etc.) chantent dans la rue pour vanter leur marchandise.
Ces « prégones » ont joué un rôle très important dans la culture populaire cubaine, car ils ont servi de matrice ou de vivier, comme vous voulez, à tout un répertoire de chansons populaires, qui, une fois mises en forme par des musiciens professionnels, ont parfois connu un succès mondial, comme « El Manisero » (voir vidéo en lien).
Ils constituent donc en quelque sorte le symbole même de l’inventivité artistique spontanée du peuple cubain.
Donc, en me rendant à Cuba, j’espérais, sans trop y croire, entendre des pregones. mais je me disais aussi que, le temps ayant fait son oeuvre, il ne devait pas en rester beaucoup dans les rues.
En arrivant à Santiago de Cuba, je m’installe donc dans ma jolie chambre d’hôte de la Rue Padre Pico, une des plus typiques de la vieille ville.
Et, là, le premier matin, miracle !!! Sur le coup de 5 heures, j’entends passer un marchand de petits pains qui chante son pregon.
J’étais fou de joie et d’émotion !! J’ai voulu l’enregistrer, mais je me suis un peu embrouillé dans mes appareils, et quand j’étais prêt, il était déjà passé.
Alors, j’ai attendu toute la journée, le coeur battant, qu’il repasse le lendemain. J’étais tellement excité en l’attendant que je n’en ai presque pas dormi pendant la nuit.
Je venais, justement, de m’endormir un peu, lorsque le marchand ambulant, fort ponctuel, passe à 5 heures du matin, toujours en chantant son pregon.
Un peu ensommeillé, mais toujours enthousiaste, je saute du lit pour l’enregistrer.
Après, j’ai été un peu vaseux toute la journée, mais j’étais si heureux d’avoir pu recueillir ce précieux témoignage de l’authentique culture populaire cubaine !!!
Ensuite, je suis resté deux mois à Santiago, et j’ai été réveillé TOUS LES JOURS entre 4h30 et 5H00 du matin par le même invariable pregon du même marchand ambulant.
Vers la fin de mon séjour, je n’espérais plus qu’une chose : c’est que Cuba s’ouvre enfin aux investissements étrangers pour qu’on y installe plein d’hypermarchés Casino à la périphérie des villes et que tous les petits commerces du centre-ville soient massacrés comme en France.
Comme ça, je pourrai à ma prochaine visite faire la grasse matinée sans être réveillé tous les matins à 5 heures par ces foutus emmerdeurs de chanteurs de pregones.