16 juin 2020
Je suis frappé de la fièvre éruptive qui semble s’être emparée de notre pays depuis le déconfinement. Manifestation d’anti-racistes racistes ou de policiers ne respectant pas la loi, batailles de rues entre minorités ethniques, saccage sous des prétextes absurdes de notre patrimoine historique et culturel, sans compter quelques brusques démarrages de conflits sociaux un tout petit peu plus classiques… Tous ces événements qui semblent se succéder à grande vitesse ont en commun trois caractéristiques :
– Leur survenance extrêmement brutale, quelques messages sur les réseaux sociaux parvenant parfois à rassembler des dizaines de milliers de personnes (manif « anti-raciste » du 2 juin dernier…) ;
– Leur forme très nouvelle voire exotique, drainant des acteurs souvent hétéroclites dans des démonstrations de type inusité (manifestation de policiers en uniforme…).
– Enfin le caractère parfois apparemment irrationnel de certaines revendications ou de certains comportements (saccage de statues du général De Gaulle « esclavagiste » (???)).
Il se semble que ces accès de fièvre en apparence imprévisibles et échappant aux catégorisations existantes peuvent assez largement s’expliquer si l’on tient compte des éléments suivants :
– Une crise économique déjà latente, mais qui, démultipliée au-delà de toute prévision par la pandémie, a plongé des catégories entières de population (jeunes, salariés précaires, indépendants, victimes de plans sociaux, je cite en vrac…) dans l’inquiétude profonde, le désoeuvrement, voire demain le désespoir… D’où la forte disponibilité de très nombreuses personnes pour toutes les formes possibles de passage à l’acte (manifestation spontanée de la population de Maubeuge contre la fermeture possible de l’usine Renault…) ;
– Un Etat (et un gouvernement..) qui, par ses étranges palinodies, associe, en un mélange déstabilisant, autoritarisme arbitraire (le confinement brutal) et laxisme total (le vidage des prisons et la non-exécution des peines par les délinquants) – sans compter une bonne dose de propagande mensongère parfaitement identifiée comme telle par la population (les écoles soi-disant « ré-ouvertes » qui en fait n’accueillent aucun élève..). Ce comportement incohérent, dans ses actes comme dans ses paroles, de l’institution en principe chargée de « dire la norme » provoque au sein de la population des sentiments mêlés de colère, d’injustice, d’anxiété, et finalement de déstabilisation psychologique qui expliquent bien, par exemple, les manifestations de policiers (et d’ailleurs aussi, et manière en quelque sorte symétrique, celles des soi-disant « victimes des violences policières »).
– Une idéologie multiculturaliste (féminisme, défense des minorités de toutes sortes..) qui n’ouvre en fait la voie qu’à la division de la société (par sexe, âge, religion, race, couleur de peau, etc.) et à l’abolition de toute norme commune dominante, sans proposer en fait de modèle viable de rechange. D’où une éruption de revendications séparatistes de toutes sortes, qui faute d’un idéal partagé, débouche en fait très rapidement sur des comportements d’intolérance et de violence (les émeutes entre tchétchènes et maghrébins à Dijon…). Bref, une « guerre de tous contre tous », encore favorisé par l’incapacité à faire régner l’ordre de la part d’un Etat inefficace et tétanisé.
– Sans compter les réseaux sociaux et la perméabilité de leurs utilisateurs à toutes sortes de ragots absurdes qui peuvent contribuer à enclencher n’importe quelle mobilisation de masse brutale aux revendications d’autant plus mobilisatrices qu’elles seront biscornues.
Bref, il faut s’attendre dans les semaines et les mois qui viennent à une succession de surprises qui au fond n’en sont pas vraiment. Désespérées, déboussolées, désoeuvrées, dégoûtées, déscolarisées, désinhibées, toutes sortes de populations très hétérogènes vont manifester leur profond mal-être par des actions en apparence imprévisibles ou incohérentes, mais qui sont simplement révélatrices de la crise profonde et polymorphe (à la fois économique, sociale, culturelle, identitaire, etc.) dans laquelle est progressivement rentré notre pays.
Au fond, il n’y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Si nous sommes aujourd’hui surpris par ces débordements et ces violences éruptives d’un type souvent inusité, c’est simplement, parce que, pendant des années, nous avons pratiqué une cécité volontaire par rapport à la dégradation de la situation, en particulier en criminalisant certains lanceurs d’alerte. La crise du COVID, en accélérant simultanément TOUTES ces évolutions négatives, à peut-être servi de catalyseur à l’explosion d’une crise ouverte dont les manifestations chaotiques vont maintenant apparaître dans toutes les directions et de toutes les manières possibles sous nos yeux éberlués.
Bref, quand le chaos devient la norme, la seule chose qu’on peut encore prévoir, c’est qu’on ne peut plus rien prévoir….
… et pendant ce temps-là, nos gouvernants continuent à nous pondre des « plans » et des lois, comme un canard sans tête qui court dans tous les sens ou un décorateur de village Potemkine qui veut masquer sous des apparences séduisantes une réalité sinistre qu’il ne maîtrise plus…