Je fais souvent le même rêve
Je marche dans les rues d’un vieux quartier
Un faubourg populaire de Paris peut-être
Il n’y a personne, c’est désert,
Il est peut-être en ruines, je ne suis pas sur
Mais par contre je sais qu’avant
C’était un endroit chaleureux et vivant.
Tout à coup, de l’autre côté d’une rue
Qui monte tout droit vers un ciel vide
En traversant un terrain vague
Je tombe devant la haute carcasse désossée
D’une sorte de tour en béton colorée
C’était peut-être le départ d’un funiculaire
Que je prenais souvent pour me balader.
Derrière, dans une rue dévastée,
Je vois la charpente d’un grand immeuble
Elle est complètement décharnée, vidée de l’intérieur
Il ne reste qu’une façade percée de trous
Cela fait penser aux orbites menaçantes d’un crâne
Les démolisseurs ont bien fait leur travail
On voit encore le panneau du chantier.
Tout à coup je reconnais cet immeuble
C’est là qu’habitait une femme
Gentille, modeste, pas une beauté
Que j’ai aimée et qui m’a aimée
J’allais souvent la voir pour dormir avec elle
J’essaye de repérer l’endroit où se trouvait sa chambre
Voyons, c’était au troisième étage à gauche.
Je l’ai trouvé, c’est là
Derrière un trou béant de la façade
On voit encore un bout du papier peint
Tout à coup le cœur me serre
En pensant que je ne sais pas ce qu’elle est devenue
Et que pendant tant d’années
Je ne m’en suis même pas préoccupé
Alors je me réveille en sursaut
J’ai la gorge nouée
Je pense à toutes les femmes que j’ai connues
Dans ce quartier ou dans un autre
Plein de vie, d’espoir, de petites embrouilles
Mais maintenant il n’a plus rien, tout a disparu
Elles ne sont plus là depuis longtemps, je suis seul
Alors tout à coup c’est irrépressible
En pensant à ce passé martyrisé
Par les flics ou par les bombes
Ou par les promoteurs je ne sais pas trop
En pensant à ces femmes dispersées
Qui peut-être n’ont même pas réalisé
Le tout petit rêve qu’elles me confiaient
Les larmes me viennent et je me mets à sangloter.