Ayant posté récemment sur Facebook quelques textes dénonçant l’exil fiscal auquel sont désormais poussées les classes moyennes supérieures par la voracité du fisc français, j’ai reçu de nombreuses marques de soutien et d’approbation.
Mais j’ai également fait l’objet de critiques, parfois insultantes, axées autour de cinq thématiques : l’exilé fiscal serait en effet : 1) un irresponsable ; 2) un égoïste ; 3) un profiteur ; 4) un délinquant ; 5) un lâche. Je voudrais ici défendre l’idée que l’exilé fiscal n’est rien de tout cela, mais simplement un homme normal qui cherche légitimement à mettre le produit de son travail à l’abri de la spoliation de l’Etat français.
1. L’exilé fiscal n’est pas un irresponsable. Cette accusation d’irresponsabilité repose sur l’idée que l’impôt est nécessaire pour financer le fonctionnement des services collectifs, assurer un environnement stable et, partant, créer les conditions même de l’enrichissement de chacun. Ne pas consentir à l’impôt constituerait dans ces conditions un comportement irresponsable puisque le contribuable rétif ne se rend pas compte qu’il détruit ainsi la base partagée de sa propre prospérité personnelle.
Comment ne pas souscrire, à ce niveau de généralité, à cette affirmation ? Comment refuser l’idée que nous avons collectivement besoin d’écoles, d’hôpitaux, de routes, de policiers ? l’Etat et ses services sont bien sûr nécessaires à notre société, comme le cœur ou le foie sont nécessaires à notre corps humain.
Mais il peut également très bien arriver que ces organes tombent malades et donnent des signes de dysfonctionnement : le foie grossit démesurément, le cœur s’emballe, ses artères sont bouchées. Il faut alors les soigner. Dira-t-on alors du médecin qui diagnostique une cirrhose ou une artériosclérose et prescrit au malade une cure d’amaigrissement qu’il est irresponsable car il nie l’utilité même du cœur ou du foie ?
De la même manière qu’un organe vital, un Etat peut tomber malade, pour beaucoup de raisons : des ambitions trop larges, une multiplication quasi-cancéreuse des niveaux et des formes d’intervention, des modes dépassés de gestion du personnel, des politiques mal conçues, mal mises en oeuvre et mal évaluées, une gestion financière laxiste… Tout cela conduisant à une hausse sans fin de la ponction fiscale qui finit par peser de manière insupportable sur tous les aspects de la vie économique Or, de nombreux travaux tout à fait scientifiques et/ou officiels montrent que c’est aujourd’hui le cas en France (voir entre beaucoup d’autres, le rapport de France Stratégie, Quelle France dans 10 ans, publié en 2014). Tous ces travaux mettent en évidence que le niveau extrêmement élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays (45 % du PIB) n’est pas, loin de là, justifié par la qualité des services publics qu’ils sont censés financer. Bref, pour faire simple, il y a énormément de gaspillage, et il serait sans possible de (beaucoup) mieux avec (beaucoup) moins d’impôts.
Dans ces conditions, le contribuable surtaxé et qui cherche par tous les moyens possibles à réduire la pression fiscale qui pèse sur lui en France n’est pas un irresponsable : son attitude est au contraire parfaitement légitimée par le fait qu’il SAIT POSITIVEMENT que l’argent qu’il va payer en impôts sera mal utilisé. En particulier, s’il part de France (où ses impôts élevés sont mal utilisés) pour aller dans un pays moins taxé (mais où les impôts plus faibles qu’il paye sont mieux utilisés) il a une attitude totalement responsable car il contribue ainsi, au niveau planétaire, à une meilleure utilisation de l’argent public.
2. L’exilé fiscal n’est pas un égoïste. Cette accusation d’égoïsme repose sur le double postulat que : 1) l’impôt permet de combattre la misère en assurant une forme de redistribution entre catégories sociales et 2) L’Etat est dans la société française le seul acteur légitime de la solidarité. Donc, celui qui refuse l’impôt serait de ce fait un égoïste insensible à la misère des autres et refusant de faire preuve de solidarité. Encore un fois, ces affirmations trop rapides sont entachées d’une double erreur logique :
– D’une part, il n’a jamais été prouvé que l’augmentation des impôts permettrait, par une sorte d’opération de redistribution spontanée type « Robin des Bois », de faire reculer la misère. Bien au contraire, le cas français montre que l’excès de charges sociales pesant sur les salaires (ainsi que leur constante augmentation) a constitué l’une des causes principales des destructions d’emplois (à travers notamment les délocalisations industrielles), elles-mêmes génératrices de chômage de masse et partant, de généralisation de la misère.
– D’autre part, la prétention de l’Etat (et des collectivités locales) à s’arroger une sorte de monopole de la solidarité me paraît parfaitement contestable. Pourquoi dénier aux individus (et notamment aux plus aisés d’entre eux, bien sûr), la capacité à exercer autour d’eux une solidarité de proximité, de mille manières : en donnant du travail à des gens modestes, en faisant des dons individuels, en finançant des associations caritatives ? Ce type de solidarité existe d’ores et déjà largement, il possède un important potentiel de développement, comme le montre l’exemple des Etats-Unis. Bien entendu, si les gens aisés sont écrasés d’impôts au nom de la prétendue solidarité d’Etat, il leur restera moins d’argent pour exercer, de manière autonome, cette solidarité individuelle.
Dans ces conditions l’exilé fiscal n’est pas nécessairement un égoïste : c’est quelqu’un qui proteste à sa manière, contre l’abus d’imposition créateur de chômage et de misère en France, et qui préfère aller exercer sa solidarité personnelle dans un autre pays en y donnant du travail aux gens et en en aidant éventuellement d’autres sans contrepartie avec l’argent qui lui reste.
3. L’exilé fiscal n’est pas un profiteur. Le raisonnement de l’accusation est ici le suivant : les exilés se sont enrichis en profitant des conditions favorables qui leur étaient offertes en France grâce l’existence de l’Etat-providence. Maintenant qu’ils sont devenus riches, ils refusent de renvoyer l’ascenseur en contribuant à leur tour à financer les bienfaits dispensés par cet Etat. Cette accusation me semble spécieuse pour trois raisons :
– D’abord parce que ces gens se sont essentiellement enrichis, non grâce à l’aide de l’Etat, mais par leur travail et leurs efforts.
– Ensuite parce que pendant toutes les années où ils ont travaillé en France, ils ont contribué par leurs impôts au fonctionnement de cet Etat-providence ;
– Enfin parce que les conditions ont changé, que le taux de prélèvements obligatoires a augmenté au fils des ans de manière inacceptable (de 30 % en 1960 à 46 % aujourd’hui), et cet accroissement intolérable justifie parfaitement qu’à un moment donné, ils en aient assez et décident de quitter la France pour y échapper.
Bref, non seulement les candidats à l’exil fiscal ne sont redevables en rien à l’Etat (ils sont en effet quittes, puisqu’ils ont contribué à financer ses activités pendant qu’ils vivaient en France), mais en plus ils ont parfaitement le droit de considérer que la hausse vertigineuse de la pression fiscale constitue une forme de rupture du contrat social qu’ils avaient accepté jusque-là et qu’ils peuvent légitimement refuser de ce fait de continuer à financer par l’impôt un Etat français devenu insupportablement glouton.
4. L’exilé fiscal n’est pas un lâche. La critique vient ici, curieusement, plutôt des milieux de la droite patriote. Elle consiste en gros à reprocher à l’exilé de renoncer peureusement de défendre son pays et son peuple contre l’agression invasive des islamo-gauchistes totalitaires. Je réfute cette accusation car je suis bien décidé, quel que soit l’endroit où je serai dans le monde, à faire entendre ma parole et mon vote pour que mon pays reste ou plutôt redevienne celui que j’ai toujours aimé et que je continuerai toujours à aimer.
5. L’exilé fiscal n’est pas un délinquant. Est-il même utile de préciser ici la différence existant entre un fraudeur, qui cherche à dissimuler ses ressources imposables, et un exilé, qui cherche, dans le respect des lois existantes, à préserver son patrimoine et ses revenus contre la voracité du fisc français ? La libre circulation des personnes et des biens constitue l’une des règles fondamentales que la France a décidé de respecter dans ses relations internationales. Comment pourrait-on alors reprocher à ses citoyens d’utiliser à leur profit, dans la légalité, ce droit fondamental s’ils considèrent que par ailleurs la voracité du fisc français les empêche de jouir tranquillement du fruit de leur travail et de leur patrimoine dans leur propre pays ?
En conclusion, je voudrais souligner que l’exil fiscal, désormais, n’est plus le seul fait des super-riches détenteurs de fortunes gigantesques. D’autres catégories de population, plus modestes mais au rôle social souvent essentiel, sont tentées de faire de même : jeunes ingénieurs très qualifiés, retraités aisés, entrepreneurs, détenteurs de petits patrimoines immobiliers… Si l’on n’y prend garde, ce mouvement finira par prendre les dimensions d’une hémorragie qui affaiblira considérablement l’économie française et génèrera encore plus de misère !!!!