Tous les jours en allant danser
La Salsa et le Merengue
Près d’la station Arts et Métiers
Je passais rue des Gravilliers
Pour acheter mon p’tit diner
Dans une boulangerie de quartier.
Elle ne payait pas trop de mine
Cette boutique aux murs écaillés
Pizzas, croissants, chocolatines
Semblaient flasques ou bien desséchés
La vendeuse avait l’air chagrine
Et la porte était déglinguée.
Mais dans ce quartier gentrifié
Courageusement elle résistait
Comme le vestige dépassé
Du Paris de mes jeunes années
J’aimais venir y respirer
L’air d’un siècle qui s’éloignait.
On voyait qu’c’était difficile
D’affronter le supermarché
Les clients préféraient la clim
De l’épicerie fine d’à côté
Et c’est vrai que question cuisine
Y’avait pas de quoi être épaté.
Chaque soir en passant par là
Je jetais un petit œil inquiet
J’avais peur tout au fond de moi
De voir la boutique fermée
Et puis, ouf ! C’était pas le cas
La petite lumière brillait.
Mais, arrivant mardi dernier
Comme d’habitude j’ai regardé
L’enseigne n’était pas allumée
Alors je me suis approché
Et, derrière les stores baissés
J’ai vu l’affiche « Bail à céder ».
J‘ai senti mon cœur vaciller
Comme si une porte se refermait
Et qu’un peu d’ma vie basculait
De ma jeunesse vers un passé
Plein de lancinants regrets…
Un coup de vieux bien assené !!!
Bientôt s’ouvrira ici
Une bonbonnière bien décorée
Pleine de petites choses hors de prix
Et de clients bobos à souhait
Moi, ma pauvre boulangerie
Je la pleurerai en secret.