C’était rue du Ruisseau, en face d’un coiffeur
Dans une fente du trottoir l’arbuste avait germé
Il donnait même parfois quelques petites fleurs
Comme tu berçait mon cœur, grâce miraculée
Au cours de mes voyages tout autour de la terre
J’ai vu de la misère jaillir tant de beauté
Eblouissants éclats d’émotion éphémère
Constamment menacée, mais qui toujours renaît.
Ce gamin loqueteux, joueur subtil de bongo
Cette putain sans papiers qui aimait tant Picasso,
Cet accordéoniste mendiant dans le métro,
Ce petit employé, enivré de Tango
Cette chanteuse de Son à la jambe galeuse
Ces concerts de piano dans une maison lépreuse
Cette femme de ménage aux rêves de danseuse
Ce chauffeur de taxi à la voix somptueuse
Ce jazzman noir paumé, aux notes inspirées
Ce garçon de café lisant du Mallarmé
Ce peintre guinéen aux amis massacrés
Et ce danseur cubain dans sa chambre inondée
Ce poivrot aviné, merveilleux guitariste
Ce vieillard survivant pour l’amour des artistes
Ce garde-barrière fou, grand peintre expressionniste
Et les doigts arthrosés de ce vieux violoniste
Il y a quelques jours, en allant au marché
J’ai vu mon p’tit arbuste tout cassé, arraché,
Il n’en restait qu’une tige abîmée, maculée
Piétinée … oh mon dieu, quelle peine cela m’a fait !
Mais depuis, tous les soirs, dans la rue du Ruisseau
Je passe le cœur battant, devant mon p’tit coiffeur
Espérant ardemment voir renaitre à nouveau
Une promesse fragile, plus forte que le malheur.
Nb : je n’ai pas inventé une ligne dans ce poème. Tout est vrai.