Issues des marges défavorisées de la société, initialement interprétées dans toutes sortes de lieux mal famés, puis largement diffusées avec le soutien plus ou moins direct de réseaux criminels, les musiques afro-latines expriment leur statut de contre-culture dans les paroles de leurs chansons. Les putains, les voyous, les gangsters, les rebelles, les victimes d’un ordre social oppressif y tiennent donc une place importante. Et les lieux de relégation où vivent ces anti-héros – de l’arrabal portègne au ghetto nord-américain en passant par le solar cubain – ont naturellement servi de cadre à cette poésie. Quant à la langue des chansons elle-même, elle emprunte de nombreuses expressions aux jargons typiques de ces quartiers, dont le vocabulaire hétéroclite et vigoureux reflète la diversité ethnique des populations qui les habitent ainsi que leur situation de distance vis-à-vis de la société dominante.
Bien sûr, cette poésie des marges ne constitue qu’un sous-ensemble minoritaire de la chanson afro-latine. Le répertoire du Tango, de la Rumba ou du Jazz n’est pas seulement composé de couplets argotiques en l’honneur des voyous. Au sein même de leur berceau populaire, l‘aspiration à l’élégance du langage, le goût pour les thèmes romantiques sont déjà présents. Et la diffusion de ces musiques vers l’ensemble de la société s’accompagne fréquemment d’une mutation radicale de leur corpus littéraire, qui abandonne son caractère plébéien pour revêtir les habits nouveaux d’une sentimentalité lyrique désormais exprimée dans une langue décente voire recherchée. Sauf lorsqu’une tendance « revival » conduit justement à vouloir retrouver, depuis les salons confortables où cette musique est désormais écrite et écoutée, les authentiques accents rebelles de ses origines…
Je vous propose de partir dans ce chapitre à la découverte de cette poésie des parias et des mauvais lieux. Pour mieux souligner le fait que ses différentes expressions historiques ou géographiques se rattachent à mon sens, au-delà de leur diversité apparente, à la même racine commune, j’abolirai dans mon analyse les barrières de genre, en mélangeant volontairement les chansons de Tango, de Rumba, de Samba, de Salsa, de Hip Hop ou de Jazz. Le texte lui-même sera structuré autour de trois grands thèmes : les lieux de relégation et de débauche, les filles perdues et les putains, les mauvais garçons et les gangsters. En route pour ce petit voyage vers la misère, le crime et la perdition !!!
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