Engagé dans la rédaction d’un livre consacré à la diversité des expressions salseras autour du monde, j’ai constitué aux cours de ces derniers mois une petite bibliographie sur le sujet. Je vous propose ici un premier parcours sur ces livres de référence.
C’est bien sur dans les musiques populaires des Caraïbes qu’il faut chercher les origines de la salsa. Le livre d’Angel G. Quintero Rivera Salsa, Sabor y Control a pour ambition de montrer que ces musiques reflètent, aussi bien dans leur structure instrumentale que dans leurs textes ou la manière dont elles sont pratiquées, les caractéristiques de l’environnement social au sein duquel elles sont créées, exprimant ainsi la vision du monde des populations concernées. Très centré sur le cas portoricain, ce livre pourra utilement être complété concernant Cuba par la lecture des nombreux ouvrages de musicologie que j’ai pu rassembler et analyser lors de mes voyages dans ce pays, dont deux chapitres de mon site web (Carnet de voyage 2011 à Cuba et La musique et les musiciens) proposent une présentation.
Les Etats-Unis et plus particulièrement la ville de New York ont constitué le creuset dans lequel s’est forgé la Salsa, musique urbaine née d’un métissage entre rythmes caribéens et afro-américains. Deux livres sont particulièrement instructifs sur ce thème. L’ouvrage de Vernon Boggs, Salsiology, Afro cuban music and the Evolution of Salsa in New York City décrit la saga de la Latin music new-yorkaise depuis les années 1940 puis le développement de son expression modernise, la Salsa, sur la base d’entretiens de première valeur avec des protagonistes majeurs de ces événements. Le livre de Cesar Miguel Rondon, El libro de la Salsa, cronica de la musica del Caribe urbano, plus centré sur la période-clé des années 1960 et 1970, constitue une source inépuisable d’analyses musicographiques détaillées sur les différents orchestres et chanteurs y ont participé à l’émergence de la Salsa, complétant son analyse très fouillée de la scène New-Yorkaise par d’intéressants développements sur les cas de Porto-Rico et du Vénézuéla.
La Salsa va ensuite connaître un mouvement d’internationalisation dont les différentes dimensions sont analysées, selon des angles d’approche différents, par trois des ouvrages que j’ai pu consulter. Situating salsa : global markets and local meaning in latin popular music, de Lise Waxer, repose sur l’idée que la globalisation la Salsa s’est traduite par l’apparition à travers le monde de formes d’expression locales très diverses qu’elle parcourt à travers un très riche ensemble de monographies. Danses latines, le désir des continents, un recueil d’article dirigé par Elizabeth Dorier-Apprill, insiste sur l’idée que l’appropriation des musiques d’origine caribéennes par les classes moyennes des pays développés s’est accompagnée d’une mutation dans leur fonction sociale : elles auraient en effet perdu au cours de ce processus leur caractère d’expression identitaire locale pour devenir porteuses d’une image fantasmée de sensualité exotique et d’un appel à la jouissance instantanée. Enfin, le danseur Esteban Isnardi nous livre dans Le monde autour de la salsa un précieux témoignage personnel sur les différentes communautés salseras qu’il a pu visiter autour du monde, à l’occasion de ses participations à différents stages et festivals.
Plusieurs pays d’Amérique latine, proches géographiquement et culturellement des Caraïbes, se sont largement ouverts à la Salsa dès la fin des années 1960. C’est tout particulièrement le cas de la Colombie et du Vénézuéla, sur lesquels le cinéaste Yves Billon a réalisé deux intéressants documentaire : Colombie, un pays tropical et Vénézuéla, visa pour les barrios. J’ai essayé, sans succès, de compléter ce tour d’horizon des pays d’Amérique du sud par la lecture d’ El vinculo es la salsa, de Juan Carlos Baez, et de La historia de la Salsa en Peru, d’Eloy Jauregui, deux ouvrages de référence respectivement consacrés aux cas vénézuélien et péruvien. Mais je n’ai malheureusement pas réussi à me les procurer pour l’instant.
La ville colombienne de Cali a constitué l’un des principaux foyers de développement de la Salsa en Amérique du sud. Il s’y est même créé un style de danse spécifique, connu aujourd’hui sous le nom de « salsa colombienne ». L’ouvrage de Lise Waxer, The city of musical memory nous offre une description vivante et précise de cette histoire. Il trouve son pendant littéraire dans de roman d’Andrès Caicedo, ¡Que viva la música !, qui décrit la dérive hallucinée d’une jeune fille issue de la bourgeoisie aisée de Cali. Happée par le vertige de la musique et de la danse, celle-ci s’enfonce au fil des nuits dans la sensualité frénétique des fêtes de Salsa, pour sombrer peu à peu dans la drogue, la violence et l’érotomanie.
Concernant les autres villes de Colombie, j’ai beaucoup regretté de ne pas avoir pu visionner le documentaire Medellin en Su Salsa, qui décrit l’histoire et l’atmosphère salseras de cette ville. Je m’en suis un peu consolé en lisant Salsa e identidad juvenil urbana, une analyse sociologique fort intéressante sur les jeunes habitués d’un bar salsero underground de Medellin, El Tibiri.
La Salsa est arrivée un peu plus tardivement en Europe. Même si certains prémisses de sa présence remontent jusqu’au années 1980, c’est surtout après 1990 qu’elle devient un phénomène de masse sur le Vieux continent. Deux ouvrages de Saul Escalona, La salsa en Europa : rompiendo el hielo, et Ma Salsa défigurée, nous livrent de précieuses informations sur la construction de la scène salsera dans plusieurs grands pays européens comme l’Espagne, l’Allemagne, la Suède et la France. L’auteur y qui développe en outre l’idée polémique selon laquelle la version européenne de la Salsa, reposant sur une image galvaudée de l’exotisme tropical, constituerait une dénaturation de la Salsa originelle des barrios populaires latinos, à la tonalité âpre et rebelle. Ce tour d’horizon européen peut être complété par la lecture de l’ouvrage de Patria Roman-Velasquez, The making of Latin London, sur la construction et le fonctionnement de la scène salsera londonienne, avec une intéressante analyse des sous-groupes qui la constituent.
Pour vérifier que les informations et analyses contenues dans les précédents ouvrages ont été correctement assimilées, on pourra lire le petit livre de José Arteaga La Salsa : Un estado de ánimo. Cet in-octavo fournit, en une trentaine de courts chapitres très pédagogiques, l’essentiel de ce qu’il faut retenir sur l’histoire de la Salsa jusqu’à la fin du XXème siècle.
Enfin, les cinéphiles pourront compléter ces lectures en visionnant quelques-uns des très nombreux films – documentaires ou de fiction – consacrés à la Salsa, et sont je présente un large échantillon dans l’une des sections de mon site Web, Reflets des cinémas cubain et de salsa.
Il me reste maintenant à utiliser ce matériau bibliographique, dûment compléter par des voyages et des rencontres, pour entreprendre la rédaction de mon ouvrage. A bientôt donc, pour une première livraison, sans doute constitué d’un chapitre consacré à la Salsa en Amérique du sud.
Fabrice Hatem