Film musical de Jacques Demy, Musique de Michel Legrand, avec Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, Gene Kelly, Michel Piccoli, Georges Chakiris, Danièle Darrieux, 1967, France, 120 minutes.
Dans les rues de Rochefort, plusieurs personnages se croisent à la recherche du bonheur : deux sœurs, l’un danseuse, Delphine, l’autre musicienne, Solange (Catherine Deneuve et Françoise Dorléac) ; leur maman patronne de snack-bar, Yvette (Danielle Darrieux) ; un vendeur d’instruments de musique récemment installé dans la ville, Simon Dame (Michel Piccoli) ; un jeune peintre terminant son service militaire, Maxence (Jacques Perrin) ; un célèbre compositeur américain de passage en France, Andy (Gene Kelly) ; deux vendeurs de motos ambulants, Etienne et Bill (Georges Chakiris et Grover Dale)… De rendez-vous manqués en rencontres écourtées, parviendront-ils chacun à trouver l’âme-sœur pourtant si proche ?
Avec les Demoiselles, Jacques Demy affirme et amplifie les choix esthétiques de ses deux précédents longs métrages : Lola (1961) et le célèbre film musical Les Parapluies de Cherbourg (1964) : même localisation de l’intrigue dans les villes portuaires de l’Ouest atlantique, région où Jacques Demy a passé son enfance ; même poésie douce-amère du quotidien, transcendée par la musique et la danse…
On retrouve par exemple dans Les Demoiselles le mélange de réalisme et d’invraisemblance assumée qui avait fait le charme des Parapluies. D’un côté, des personnages à la vie ordinaire, chantant avec des mots simples les préoccupations de leur vie quotidienne, dans une ville de province tout à fait banale. De l’autre, l’improbable magie des couleurs (murs et mobilier urbain assortis aux costumes des acteurs…), un dialogue décalé en alexandrins au beau milieu d’un déjeuner de snack-bar, la présence poétique de passants-danseurs dans les scènes de rue…
mais ce sont surtout les inoubliables compositions de Michel Legrand, dont beaucoup résonnent encore aujourd’hui dans nos cœurs, qui font des Demoiselles un très grand film musical : Chanson D’Andy, Chanson D’Yvonne, Chanson De Delphine, Chanson De Maxence, Chanson De Simon, Chanson De Solange, De Delphine à Lancien, La Chanson D’un Jour D’été, La Chanson Des Jumelles, La Femme Coupée En Morceaux, Ma Seule Chanson D’amour, Marins, Amis, Amants Ou Maris, Nous Voyageons De Ville En Ville, Toujours Jamais….
Les Demoiselles présentent également de profondes différences avec Les Parapluies. Alors que celui-ci nous contait l’histoire amère d’un échec amoureux sur fond de guerre d’Algérie et de pesanteurs sociales, Les Demoiselles sont une comédie fraîche, gaie, et surtout optimiste. D’autre part, alors que Demy avait fait le choix audacieux de dialogues entièrement chantés dans les Parapluies, la présence de la musique dans Les Demoiselles est réduite à des séquences certes nombreuses, mais bien délimitées, entrecoupées de dialogues parlés.
Mais c’est surtout la forte présence de la danse qui différencie les Demoiselles des Parapluies, où elle était quasiment absente. Grâce à un budget très supérieur à celui du film précédent, Jacques Demy, grand amateur des comédies musicales américaines, a même pu faire appel à plusieurs grandes vedettes d’Outre-Atlantique, comme Georges Chakiris et Gene Kelly. Ceux-ci nous offrent des chorégraphies chatoyantes, rappelant selon les moments West Side Story ou un Americain à Paris, mais replacées dans le décor d’une petite ville de province française, avec sa Grand-Place et son pont transbordeur, comme dans la scène de danse introductive.
Le résultat : une féérie du quotidien joyeuse, légère et colorée, peut-être aussi la plus aboutie des œuvres de Jacques Demy… mais dont la tonalité optimiste sera pour toujours endeuillé, dans nos mémoires, par la mort accidentelle, trois mois après la sortie du film, de l’une de ses actrices principales, Françoise Dorléac.
Pour en savoir davantage sur le film, consulter la fiche Wikipedia. Pour visionner la bande-annonce, cliquez sur : Trailer.
Fabrice Hatem