Film dramatique de Sanjay Leela Bhansali, musique de Ismail Darbar, avec Shahrukh Khan, Aishwarya Rai Bachchan, Madhuri Dixit, 2002, Inde, 183 minutes.
Bengale, début du XXème siècle. Devdas (Shahrukh khan), le fils cadet d’une riche famille de propriétaires terriens, revient du Royaume-Uni après 10 ans d’absence. Il souhaite épouser son amie d’enfance Paro (Aishwarya Rai Bachchan), qu’il aime d’un amour partagé. Mais ses parents s’opposent à cette mésalliance, et Paro épouse, par dépit, un riche veuf. Désespéré, Devdas sombre alors dans l’alcoolisme. Chandramukhi (Madhuri Dixit), une jeune courtisane amoureuse de lui, et Paro, qui l’aime toujours et brave pour lui les convenances sociales, parviendront-elles à le sauver de la déchéance ?
Adaptation du célèbre roman éponyme de Sharat Chandra Chattopadhyay paru en 1917, ce film à grand spectacle nous offre une superbe tragédie, qui émeut profondément malgré quelques excès mélodramatiques caractéristiques du cinéma indien.
La liste des qualités du film est impressionnante. Citons, pêle-mêle : des décors intérieurs grandioses (même si certains extérieurs sentent parfois un peu le carton-pâte de studio) ; une image et des prises de vue de très bonne qualité ; un montage plus soigné que dans la plupart des films indiens ; enfin, des personnages pour l’essentiel crédibles dans leur complexité et interprétés avec talent (la scène de l’humiliant refus public, par la mère de Devdas, de la proposition de mariage que lui adresse celle de Paro, étant par exemple remarquable d’intensité haineuse),
Devdas offre également des scènes de danse à grand spectacle, chorégraphiées avec goût et interprétées par des ballets aux costumes somptueux comprenant plusieurs dizaines d’artistes.
Une prise de vue très élaborée, avec des mouvements de caméra complexe et de très beaux plans en surplomb, permet d’apprécier la danse sous des angles très divers.
Ces scènes de danse peuvent être regroupées en quatre catégories principales. On trouve tout d’abord des danses de séduction, où la femme attise le désir de l’homme par ses mouvements gracieux et suggestifs.
C’est par exemple le cas des deux danses interprétées par la courtisane Chandramukhi, dans l’atmosphère luxueuse d’une maison de plaisir, pour séduire Devdas (Maar Dala, Kaahe Chhed Mohe).
D’autres danses illustrent une scène de fête pleine de gaieté. C’est par exemple le cas du ballet où Paro et la courtisane Chandramukhi dansent ensemble joyeusement dans la maison seigneurale du mari de Paro, ce qui ne manque pas de provoquer un terrible scandale. Ou encore de la scène de beuverie entre hommes, qui se poursuit par un ballet débridé avec les courtisanes (Chalak Chalak).
La troisième catégorie, celle des « danses de cérémonie » est illustrée par la danse de mariage interprétée par la mère de Paro avant que sa proposition d’union avec Devdas ne soit repoussé de manière humiliante par la mère de celui-ci.
Enfin, le superbe ballet Silsila ye Chaahat ka, a pour objet d’illustrer, malgré son caractère de scène à grand spectacle, un sentiment d’ordre très intime : en l’occurrence l’amour fidèle de Paro pour Devdas, symbolisé par la petite lampe qu’elle s’est juré de ne jamais éteindre tant que son amant serait éloigné d’elle, et qu’elle tient entre ses mains pendant toute la durée de la séquence.
On trouve également dans le film de nombreuses chansons évoquant les états d’âme des principaux protagonistes : chanson triste de Paro sur le point d’être mariée contre sa volonté (Hamesha Tumko Chaha) ; chanson d’amour de Paro pour Devdas (Bairi Piya) et de Devdas pour Paro (Woh Chand Jaise Ladki) ; chanson en voix off évoquant l’amour qui unit les deux personnages pendant que défilent à l’écran des images de leurs heureux marivaudages (Morey Piya)…
Le roman Devdas, très célèbre en Inde, a fait l’objet aux cours du XXème siècle d’un très grand nombre d’adaptation cinématographiques, dont deux pour la seule année 2002.
La version de Sanjay Leela Bhansali, dont je fais ici le compte-rendu, est cependant celle qui a, de loin, remporté le plus grand succès auprès de la critique comme du public indien.
Malgré un rythme un peu lent pour le goût occidental et un dilection très marquée pour les situations mélodramatiques – caractéristique d’ailleurs communes à presque tous les films indiens -, le succès de Devdas a même largement dépassé les marchés traditionnels du cinéma de Bollywood. Il a en effet également séduit un large public dans les pays développés et même été nominé pour la Palme d’or du festival de Cannes en 2002.
Pour en savoir davantage sur le film, consulter la fiche Wikipedia. Pour le visionner (en quatre parties), cliquez sur D1, D2, D3, D4.
Fabrice Hatem