Rafael Polar, Pérou, 2012, 87 minutes
Santiago de Cuba, La Havane, Nouvelle-Orléans, Carthagène, Salvador de Bahia, Buenos Aires, Montevideo : autant de ports d’Amérique latine où les mélanges ethniques liés à des apports de populations africaines et européennes, parfois greffés sur une souche indienne autochtone, ont crée des cultures métissées, reliées entre elles par des relations de cousinage plus ou moins étroites.
La musique de Lima s’est construite selon une dynamique comparable. C’est là, dans les ruelles des vieux quartiers populaires, avec leurs maisons familiales bourrées d’enfants leurs salles de réunion musicale, que s’est inventée et transmise, à l’occasion de peñas et d’interminables fêtes, la musique populaire de la ville : un genre d’influence essentiellement hispanique, au répertoire largement fondé sur le dialogue chant-guitare, et enrichi de quelques éléments rythmiques d’origine africaine, dont la présence reste cependant plus limités que par exemple dans la musique cubaine.
Le réalisateur Rafael Polar nous entraîne à la rencontre d’une douzaine de vieux musiciens et chanteurs porteurs de cette tradition, qui, encore récemment, était uniquement transmise d’oreille. Interprètes professionnels ou amateurs – chauffeurs de taxi, employés des eaux, travailleurs du port, le plus souvent retraités – on les voit jouer dans leur maison, dans leur ruelle, souvent entourés de toute leur famille… des lieux où certains d’entre eux se sentent visiblement beaucoup plus à l’aise que dans des studios d’enregistrement dont ils ne sont pas tous très familiers…
Chaleur humaine des peñas où toute une famille reprend en chœur un refrain, modestie et talent de ces vieux artistes fragiles dont certains décédèrent au cours du tournage, inquiétude pour la tranmission d’un répertoire qui risque de disparaître avec eux : Rafael Polar, dans ce documentaire d’une grande sensibilité, parvient à nous transmettre l’empathie qu’il éprouve pour ce genre musical et pour les artistes qui l’incarnent. Son film complète agréablement, pour introduire le néophyte à la musique populaire de son pays, ceux réalisée avec la participation de la chanteuse Suzana Baca sur les traditions afro-péruviennes, comme « Musica afroperuana : tras la larga noche » et « Suzana Baca : Memoria Viva ».
Fabrice Hatem
Vu au 15ème festival filmar en América Latina, novembre 2013, Genève