Film musical de Milos Forman, musique de Galt Mac Dermot, avec John Savage, Treat Williams, Beverly D’Angelo, Etats-Unis, 1979, 121 minutes.
Pendant la guerre du Vietnam, Claude (John Savage), un jeune homme venu de l’Oklahoma, arrive à New-York pour être incorporé dans l’armée américaine. En attendant le conseil de révision, il rencontre à Central Park un groupe de hippies gravitant autour de Georges Berger (Treat Williams), ainsi qu’une jeune fille de la haute société, Sheila (Berverly d’Angelo), avec laquelle il noue une relation sentimentale. L’amour sera-t-il plus fort que la guerre ?
Hair est inspiré d’une célèbre comédie musicale du même nom, créée en 1968 à Broadway, et qui marqua un tournant à la fois artistique et de civilisation dans le monde occidental. Cette œuvre fut en effet l’un des principaux porte-parole de la grande vague contestataire hippie des années 1960, dont les thèmes sont exprimés par les paroles très engagées du livret : antimilitarisme (Let the Sunshine in, Three-Five-Zero-Zero), libération sexuelle (Sodomy,…), critique des conventions bourgeoises et des hiérarchies (I Got Life, Hair), anti racisme (Black Boys, White Boys), mépris de l’argent, des biens matériels et de la société de consommation, intérêt pour des spiritualités exotiques (Aquarius,...), utilisation des drogues censées favoriser l’éveil de la conscience (Manchester, Hare Krisna…), etc.
Cette révolution des mœurs se traduit également sur le plan artistique. Rompant avec l’esthétique de la comédie musicale traditionnelle, les chorégraphies empruntent largement au registre de la danse contemporaine, privilégient les scènes de ballet par rapport aux solos et laissent une place importante à l’improvisation voire à l’interaction avec le public. Dans le domaine musical, le compositeur, Galt McDermot, accorde une très forte place à des formes d’expression populaires souvent issues du patrimoine afro-américain : Rockabilly (Don’t Put it Down), Folk Rock (Frank Mills, What a Piece of Work is Man) Protest Rock (Ain’t Got No, The Flesh Failures), Mainstream Pop (Good Morning Starshine) et surtout Rhythm’d Blues (Easy to Be Hard). Celui-ci, modernisé par l’adjonction d’instruments électriques et de percussions, évolue souvent vers le Funk (Colored Spade, Walking in Space).
Le film de 1979 apporte plusieurs modifications importantes au scénario. La posture militante de la comédie musicale contre la guerre du Vietnam ou en faveur de l’amour libre y perd en effet quelque peu de sa force au profit d’une intrigue plus sentimentale plus classique au sein d’un groupe de jeunes hippies. Cette transformation avait suscité à l’époque de fortes réserves de la part des créateurs de la comédie musicale, Gerome Ragni and James Rado, qui y voyaient une dénaturation de l’esprit original de Hair. Et les images du groupe de jeunes dépenaillés, menant une vie de bohème et de désoeuvrement dans les bosquets de Central Park en égrénant le mantra de la contestation post-soixante-huitarde, apparaît effectivement aujourd’hui comme la partie du film qui a le plus mal vieilli.
La partie dansée est également un peu décevante, pour deux raisons. La première est liée aux choix de mise en scène de Milos Forman, pour lequel les images de danse ne constituent qu’un recours expressifs parmi d’autres, essentiellement destiné à illustrer la thématique de la vie joyeuse et conviviale d’un groupe de hippies. Cet intérêt limité accordé à la danse est particulièrement visible dans l’illustration des scènes chantées, où les références aux réalités exprimés par les paroles sont souvent privilégies au détriment de la danse pure. Par exemple, la scène de l’interprétation de Walking in space superpose des images d’entraînement militaire et d’enfants vietnamiens victimes de la guerre. La scène d’Aquarius juxtapose des images du voyage de Claude et de son arrivée à New York, d’un groupe de hippies marchant ou dansant dans Central Park, de cavaliers chevauchant dans les allées et de la chanteuse Ren Woods.
Quant aux chorégraphies elles-mêmes, réalisée par Twyla Tharp, elles avaient visiblement pour ambition d’exprimer la libération des corps et des esprits liée à la révolution hippie. Mme Tharp utilise pour cela dans un matériau de danse contemporaine privilégiant les scènes de groupe, mais où chaque danseur interprète une partition très personnelle. Si l’on ajoute à cela des tenues vestimentaires dépenaillées et hétérogènes, on obtient in fine un rendu joyeux, mais brouillon, avec des danseurs qui semblent parfois sauter et gesticuler sans coordination tous les sens.
La musique du film reprend le livret de la comédie musicale, mais avec de nombreuses amputations et modification, voire la suppression pure et simple de certaines chansons. Le combo Jazz originel, cède également la place à une formation élargie intégrant cordes et instruments à vents. Mais la qualité de la musique reste excellente, avec, entre autres, un Aquariuslumineux (photo ci-contre), unI Got Lifevivant et enthousiaste, unManchesteraux belles influences Godspel et un Black Boys White Boysplein d‘humour coquin.
Assez bien accueilli à sa sortie par le public et la critique, le film se regarde encore aujourd’hui avec plaisir même si certaines des thématiques contestataires des années 1960 ont quelque peu vieilli. Les ultimes images de Berger partant en guerre au Vietnam sur la musique de Let the Sunshine In pour y trouver la mort (photo ci-contre), conservent en particulier une réelle force émotionnelle.
Pour en savoir davantage sur le film, consulter la fiche Wikipedia. Pour visionner la bande-annonce, cliquez sur : Trailer.
Fabrice Hatem