Film musical de Bob Fosse, livret de Fred Ebb (paroles) et John Kander (musique), avec Liza Minnelli, Joel Grey, Michael York, Helmut Griem, Etats-Unis, 1972, 124 minutes.
Berlin 1931. Sally Bowles (Liza Minnelli), une jeune chanteuse américaine de cabaret en recherche d’elle-même, rencontre Brian Roberts (Michael York), un étudiant anglais aux orientations sexuelles encore indécises. Leur amour bohème et libertin pourra-t-il se transformer en une relation plus solide, alors que se précise la montée du nazisme ?
Reprise d’une célèbre comédie de Broadway, mais tourné en Allemagne, Cabaret a connu à sa sortie en 1972 un immense succès. Les chansons de ce chef d’œuvre du film musical, comme Mein Herr ou Two ladies, ont bercé les rêves de jeunesse des «quinquas » de ma génération. Cette oeuvre a été honorée par de très nombreuses distinctions académiques et été ensuite de nouveau portée à la scène, pratiquement sans discontinuer jusqu’à aujourd’hui, dans différentes adaptations théâtrales.
Le film juxtapose deux atmosphères distinctes, mais dont chacune participe à la même narration : d’une part, un drame psychologique classique, ayant pout toile de fond les prodromes de la plus grande tragédie historique du XXème siècle ; et d’autre part, les scènes musicales du cabaret le Kit Kat club où chante Sally, dont chacune apparaît comme une illustration ou un contrepoint de l’intrigue principale.
La partie non musicale nous offre une reconstitution très soignée de la vie quotidienne des berlinois dans l’Allemagne de Weimar à l’agonie. La ruine économique et le délabrement social n’y empêchent pas quelques privilégiés de continuer à jouir de la vie dans les cabarets interlopes. Pendant ce temps, le nazisme progresse dans un climat de violence, mais suscitant aussi une adhésion populaire croissante, illustrée par la chanson Tomorrow belongs to me. Le scénario, très crédible, met en scène dans ce contexte lourd de menaces la rencontre de deux personnages déracinés, à la fois séduisants et fragiles, mais au caractère très opposé : Sally Bowles, à la fois délurée et un peu immature y domine en effet par son exubérance un Brian Roberts au relief plus lisse et réservé.
Les chansons interprétées dans Cabaret sont en partie des reprises de la comédie musicale éponyme (Willkomen…), tandis que d’autres (Mein Herr ; Money, Money…) ont été spécialement écrites pour le film. Leurs paroles ont une saveur d’humour un peu amer qui reflète, dans une tonalité cynique et désabusée, différents aspects de la crise morale traversée par la société allemande des années 1930. Elles sont servies par l’interprétation superbe de Liza Minnelli (Maybe this Time, Mein Herr, Cabaret), mais aussi et peut-être surtout de Joël Grey (Willkomen, Two Ladies, If You Could See Her) magnifique dans son rôle de meneur de revue ambigu, associant burlesque et perversité.
Les chorégraphies, d’un érotisme provoquant, renforce encore l’atmosphère décadente et interlope du cabaret, qui prend par moment des allures de maison close : danseuses déshabillées et outrancièrement maquilliées se tortillant sur des chaises dans des poses suggestives, travestis aguicheurs, orchestres de femmes, combat de catch entre filles très dévêtues…
Ce climat de sensualité malsaine est servi par des prises de vues très originales, qui multiplient, dans une semi-obscurité, les angles non conventionnels: gros plans sur les jambes nues, corps partiellement sortis du cadre, vue du « show » depuis les coulisses, vision déformée et inquiétante du cabaret à travers un verre à Cognac, etc. Et le panoramique final, qui nous fait découvrir une salle désormais envahie par les chemises brunes et les croix gammées, nous laisse deviner que la fin de l’histoire n’aura, pour une fois, rien d’heureux …
Fabrice Hatem
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