Documentaire d’auteur et de date inconnue, 2001(?), 47 minutes (extrait ?)
Ce documentaire, déniché sur internet, n’aurait en principe pas dû figurer dans ma sélection de films de tango. Incomplet, mutilé, d’auteur et de date inconnus, de titre incertain, il ne répondait en effet pas aux critères de sélection que je me suis fixé (un référencement clair et complet…). Mais sa très grande qualité m’a décidé à consentir une exception à ces principes.
Il propose en effet un excellent survol des principaux bandonéonistes de tango, depuis les années 1940 jusqu’à nos jours. Il a le bon goût de laisser une large place, aux côtés des artistes les plus célèbres comme Troilo ou Piazzolla, à d’excellents musiciens un peu moins connus, mais qui jouèrent un rôle central dans les grands orchestres de la période d’or : Julio Omara, Roberto di Filippo, Antonio Rios, Julio Ahumado, Osvaldo Ruggiero (premier bandonéoniste de Pugliese, dont la sonorité est encore omniprésente dans nos bals), Eduardo Rovira (grand innovateur des années 1950 à 1970, à l’œuvre injustement méconnue), ainsi que Leopoldo Federico (trait d’union entre la période d’or et l’époque contemporaine). Et quelques autres encore…
Ces grandes figures artistiques sont évoquées, outre d’abondante images et enregistrements d’archive, à travers des entretiens avec des bandonéonistes contemporains, comme, entre autres Nestor Marconi, Dino Saluzzi, José Libertella, Walter Rios, Felipe Ricciardi Julio Pane, Rodolfo Mederos, Ernesto Franco, Daniel Binelli. Ceux-ci, qui souvent furent leurs disciples ou membres de leurs orchestres, sont particulièrement bien placés pour analyser de manière très précise, instrument à la main, le style et l’originalité de chacun.
A mesure que le film progresse vers l’époque contemporaine, ces musiciens d’aujourd’hui passent eux-mêmes du rôle de témoin à celui de sujet d’investigation. Ce qui donne lieu à des séquences très instructives, comme par exemple sur la fusion jazz-tango-folklore très personnelle opérée par Dino Saluzzi. Une conclusion assez courte évoque les musiciens de la jeune génération, comme Marcelo Nisinman.
Si l’essentiel du documentaire est consacré aux artistes, plusieurs passages évoquent également les caractéristiques du bandonéon en tant qu’instrument et aborde certaines questions relatives à son interprétation : manière de jouer les variations à la fin des morceaux, diversité des styles orchestraux, positions possibles du musicien (assis avec l’instrument sur les genoux ou debout, un pied sur une chaise ?).
Tout cela est fort bien fait. Il manque cependant à ce film une séquence consacrée aux grands interprètes des trente premières années du XXème siècle : Eduardo Arolas, Juan Maglio « Pacho », Ciriaco Ortiz, Pedro Maffia ou Pedro Laurens… La lacune est si évidente et contraste tant avec la qualité du reste du documentaire que je me demande si celui-ci n’est pas en fait composé de deux parties dont la première n’aurait pas été « uploadée » sur Internet. Cela est fort possible compte tenu de l’imprécision – parfois de l’indélicatesse – avec laquelle ces œuvres sont parfois saccagées et mutilées au moment de leur mise en ligne.
En attendant, regardez sans hésiter ce magnifique extrait. Et si, par bonheur, l’un d’entre vous parvenait à mettre la main sur le film complet et/ ou à un découvrir l’auteur, qu’il n’hésite pas à m’en informer….
Fabrice Hatem
Pour visionner ce documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=mAMJ7tbcD-w