Documentaire de Gary Keys, Etats-Unis, Cuba, 2000 (DVD piblié en 2004), 72 minutes
Ce film, réalisé par un spécialiste de la musique afro-américaine, a pour ambition de nous montrer, à travers une grande diversité d’images – orchestres, spectacles, rituels religieux, scènes de rue – le rôle fondamental joué par la musique dans la vie quotidienne des habitants de la Havane. L’influence de la musique cubaine sur le jazz New-Yorkais est également évoquée, à travers des entretiens avec les musiciens Billy Taylor, Candido Camero et Chico O’Farrill.
Il y a dans ce film un mélange d’excellentes choses et de superficialité prétentieuse. Dans la première catégorie, rangeons par exemple l’intuition fulgurante, exprimée par Billy Taylor, selon laquelle la musique et la danse populaire constitueraient pour les cubains un langage à part entière, expliquant leur omniprésence dans la vie de tous les jours. Le film rend également assez bien compte de l’atmosphère de la Havane : belles maisons coloniales délabrées, rues animées, bruits de toutes sortes (dont bien sur la musique), etc.
Le documentaire reste cependant d’une grande superficialité. On a parfois le sentiment que le réalisateur est allé passer quinze jours de vacances à la Havane, guide du routard à la main, et en a simplement ramené une grande quantité de vidéos touristiques : le Calejon de Hamel, la Casa de la Amistad, le bar Floridita… Il ne prend pas vraiment la peine de distinguer les différents genres de musique cubaine, accorde une importance disproportionnée aux spectacles de cabarets pour touristes, néglige très largement la timba et totalement l’afro-cubain (ce qui est un comble compte tenu des orientations idéologico-musicales affichées du réalisateur), et n’aborde finalement la musique cubaine qu’à travers la ville de la Havane. Le lien entre danse et musique n’est par ailleurs qu’effleuré. Mal conduit par un Gary Keys projetant ses certitudes et ses idées fixes, l’entretien avec Chico O’Farril sur les relations entre musiques cubaine nord-américaine est particulièrement décevant.
De longs passages sont par ailleurs consacrés à la question de l’embargo américain et de ses conséquences supposément néfastes. Outre que ce thème n’est, comme les autres, traité que de manière brouillonne et superficielle, le fait même qu’il soit évoqué sans raison est, me semble-t-il, la marque d’un manque de rigueur dans la conception du documentaire : champ mal défini, problématique floue, construction bancale. A cela s’ajoute un Gary Keys un peu prétentieux, nous assénant tout au long du film, au volant de sa grosse voiture américaine, ses certitudes sur Cuba et sur la musique cubaine.
Au total, vous pouvez zapper sans états d’âme sur ce documentaire de facture très médiocre.
Fabrice Hatem
Pour commander le film : http://mvdb2b.com/s/CubaIslandOfMusic/MVD5170D
Pour visionner quelques extraits de ce documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=8PTcLHAGpBU