Documentaire de Otto Guzmán, Cuba, 24 minutes (accompagné d’un CD de 19 titres), 2007
Produit par la Egrem, ce coffret de deux disques (DVD+CD) a pour point fort la richesse de son matériel sonore. Mais il souffre d’une conception superficielle et d’une réalisation négligente.
Le DVD documentaire nous propose d’abondantes images d’archives sur les principaux artistes cubains ayant contribué à l’histoire du Boléro. Il comporte également de nombreuses interprétations, par des musiciens contemporains, des Boléros les plus célèbres. Les images des lieux de la Havane et de Santiago où cette musique est aujourd’hui jouée rempliront de bonheur les amoureux de Cuba. Enfin, le texte de commentaires est dit avec grâce par une charmante présentatrice qui se révèle soudain, au milieu du film, être elle-même une bonne chanteuse de Boléros.
Ce DVD est heureusement complété par CD un comportant une vingtaine d’enregistrements, souvent rares, parfois de grande valeur historique, de grands thèmes de Boléros et de Boléros-Son. La plupart sont interprétés par leurs propres compositeurs ou par l’orchestre qui les étrenna. Nous avons donc le plaisir d’entendre, réunis sur un seul album, Sindo Garay, le trio Matamoros, Teresa Vera, Pablo Milanese, le conjunto de Roberto Faz, Omara Portuondo, Amaury Pérez, etc. C’est donc un document exceptionnel qui justifie amplement à lui seul l’achat du coffret.
Ces grandes qualités sont malheureusement gâchées par la conception superficielle et le montage négligent du documentaire. Tout ce que j’en ai retenu est que le Boléro cubain est un genre musical chanté, d’inspiration romantique, ne dans l’oriente cubain à la fin du XIXème siècle, adopté au cours des années vingt par les cabarets de la Havane, popularisé dans le monde entier par la radio et le disque, et qui a ensuite donné naissance au genre dit « Feeling » sous l’influence de la musique nord-américaine. C’est peu et, pour tout dire, je le savais déjà.
Par contre, le DVD ne dit que très peu de choses sur les caractéristiques exactes – musicales, instrumentales, mélodiques rythmiques – de ce style, ni en quoi en quoi il se distingue de formes musicales voisines, comme le Boléro mexicain ou le Boléro-Son. Les étapes de son développement au cours du XXème siècle ne sont par ailleurs évoquées que de manière très superficielle, brouillonne et allusive. En particulier, si les conditions de l’apparition du Boléro dans l’oriente cubain sont bien décrites, le film se contente ensuite de nous montrer une succession désordonnée d’images fugitives sur les artistes qui l’ont incarné au cours du XXème siècle, et dont les noms ne sont même pas mentionnés à l’écran pendant la séquence (il faut attendre le générique final !!!). Rien n’est dit, par exemple sur César Portilllo de la Luz, un des principaux fondateurs du genre « Feeling » dans les années 1940, ce qui me semble une lacune totalement inacceptable.
La plupart des thèmes musicaux illustrant le DVD sont interprétés par des artistes contemporains peu connus, ce qui ne permet donc pas de retrouver la sonorité des enregistrements d’époque. Le travail de recherche iconographique est également très défaillant, le réalisateur se laissant trop souvent aller à la facilité d’images-clichés, souvent à la limite de la vulgarité, de couples modernes en train de s’enlacer sur fond de musique langoureuse. Enfin, le sous-titrage en français est honteusement bâclé.
Malgré la médiocrité de ce DVD documentaire, le coffret, grâce à la précieuse compilation musicale du CD, mérite de justesse de figurer dans la collection d’un mélomane cubanophile.
Fabrice Hatem
Renseignements : www.egrem.com.cu