Documentaire de Carmen-Luz Parot, 1999, 100 minutes
Consacré au grand auteur-compositeur Victor Jara, fondateur du mouvement de la Nueva Canción latino-américaine et assassiné par les militaires chiliens pendant le coup d’Etat de 1973, ce documentaire est à la fois passionnant sur le fond et relativement insatisfaisant quant à la forme.
Basé sur un matériel d’archives de très grande qualité – photos, films, concerts télévisé, entretiens – il retrace de manière très complète les principales étapes de la vie de l’artiste : sa naissance dans une famille rurale modeste et sa jeunesse dans un quartier pauvre de Santiago ; l’essor de sa vocation musicale et ses premiers pas de guitariste et de chanteur ; ses débuts plus que prometteurs dans une carrière théâtrale, puis son orientation définitive vers celle d’auteur-compositeur ; son intérêt, stimulé par l’influence de Violeta Parra, pour la chanson folklorique chilienne dont il fera l’une de ess principales sources d’inspiration ; son rôle dans la naissance de la Nueva Cancion, style musical associant l’héritage de la chanson populaire et l’évocation de thématiques sociales et politiques contemporaines ; enfin, son engagement aux côtés des mouvements progressistes latino-américain et notamment du gouvernement de gauche de Salvadore Allende. Scène après scène, chanson après chanson, se forme l’image d’un homme sensible et réservé, mais dont la voix chaude et tendre, accompagnée de sa seule guitare, possède un pouvoir véritablement magnétique.
La forme du documentaire est cependant un peu décevante. Tout d’abord, le choix d’un récit strictement chronologique, encore alourdi par une évocation très impersonnelle en voix « off » des principales étapes de la vie de l’artiste, donne au film une allure un peu plate de curriculum vitae illustré. Un espace trop restreint est en particulier laissé à l’analyse littéraire et musicologique de l’œuvre de Victor Jara : thématiques, choix esthétiques, sources d’inspiration… Son rôle dans le développement de la Nueva Cancion, son influence sur les auteurs progressistes latino-américains des années 1960 et 1970, ne sont par exemple évoqués que de manière très allusives. A l’inverse, une place disproportionnée (près de 40 minutes) est donné, à mon goût, aux circonstances tragiques de sa mort, même si cela donne lieu à plusieurs témoignages extrêmement émouvants, comme celui de sa veuve Joan.
On sort donc de ce documentaire heureux d’avoir beaucoup appris sur Victor Jara et ému par la destinée tragique de cet homme sensible et talentueux. Mais on est également un peu soulagé d’en avoir fini avec ce film assez long qu’un montage trop linéaire rend ennuyeux et qui déçoit par la superficialité de ses analyses musicologiques.
Fabrice Hatem
Renseignement : www.fundacionvictorjara.com