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Reflets du cinéma latino-américain

El Misterio de las Lagunas. Fragmentos Andinos (Le Mystère des Lagunes. Fragments Andins)

Documentaire de Atahualpa Lichy, Vénézuela, 2011, 92 minutes

ImageOn a envie d’y croire très fort. Ce magnifique documentaire nous entraîne dans le monde hors du temps des Andes vénézuéliennes. Là, perdus dans des montagnes à la végétation foisonnantes, se nichent des villages reculés où se sont encore arrivés ni Internet ni même la télévision. Une radio communautaire diffuse les nouvelles locales et le bibliothécaire parcourt les sentiers à dos de mulet  pour apporter les livres aux enfants des hameaux isolés.

Dans cet univers sans doute idéalisé par l’œil du réalisateur, on se croît soudain transporté dans une sorte de paradis pré-industriel, un monde rural préservé et coloré, où des hommes simples mènent une vie paisible, libre et saine, rythmées par les travaux des champs, en perpétuant leurs traditions ancestrales. A la fête de Saint Isodore, patron de la fertilité, les bœufs défilent dans les rues du village, les cornes ornées de fleurs. Dans les champs, les chevaux semblent danser au  son de la musique andine. Le blé aux belles couleurs dorées est battu sur l’aire, et la paille est séparée du grain, ensuite moulu dans d’antiques meules de pierre. Sur la place du village, des gauchos en costume martial font parler la poudre de leurs pétoires en l’honneur du libérateur des Andes, Simon Bolivar.

La musique est la danse sont omniprésentes. L’artisan luthier nous montre des violons fabriqués à partir de carapaces de tatous ou des calebasses, puis va en jouer sur la colline avec ses apprentis, dans un sublime décor de montagnes. Le coiffeur offre un petit récital de chansons folkloriques à son client tout en lui taillant la moustache. Le paysan qui sarcle ses caféiers se révèle bientôt être aussi un violoniste virtuose. Toutes les générations se mêlent dans de grands défilés, où des danseurs masqués ou grimés, aux costumes colorés défilent au son des tambours et des flûtes.

Petit à petit, sans jamais prendre un caractère didactique ou ennuyeux, le documentaire nous entraîne vers une compréhension plus profonde des cultures et des croyances locales, mélange de traditions indiennes précolombiennes de catholicisme d’origine espagnol et. Comme ces étranges chants collectifs aux accents andins qui accompagnent la Paradura, la parade du petit Jésus dans les rues du village au premier de l’an. Comme cette antique coutume des « angelitos », consistant à promener dans les rues du village, déguisé en anges, les dépouilles des jeunes enfants morts, censés apporter le bonheur et la prospérité. Une pratique que l’on comprend mieux à la lumière des anciens rites indiens, qui offraient leurs premiers-nés en sacrifice aux dieux.

Au terme de ce voyage initiatique, on trouve en effet les traces des antiques religions précolombiennes et de leurs divinités : le dieu-serpent, l’arc en ciel,  le soleil, la lune. Et aussi les lagunes, qui revêtaient aux yeux des anciens habitants un caractère sacré dont on trouve encore aujourd’hui l’écho dans différentes coutumes et superstitions.

Mais le résumé précédent, trop analytique, trop descriptif, ne rend pas compte du climat envoûtant de ce documentaire aux allures de voyage vers un paradis perdu : beauté mystérieuse des lagunes sous la lumière de la lune, touchante poésie des chants folklorique qui illustrent chacune des 10 ou 15 courtes séquences du film, couleurs, magnifiques des paysages et des costumes…. Sans doute la réalité est-elle par moments un peu enjolivée, mais le cinéma n’est-il pas fait pour rêver ?

Fabrice Hatem

(Vu au festival Filmar en America latina, à Genève, le vendredi 23 novembre 2012)

www.filmar.ch

 

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