L’une des étapes obligées pour s’imprégner d’une culture nationale est de comprendre sa langue. Et pas seulement, bien sûr, la langue cultivée, mais aussi la langue populaire, avec toutes ses expressions savoureuses qui permettent, mieux que de lourdes étude sociologique, de pénétrer l’âme et la vie quotidienne d’un peuple.
L’ouvrage du linguiste Samuel Feijóo, publié en 1981, répond largement à ce besoin. En 370 pages, il nous présente à peu près tout ce que la langue cubaine contient de proverbes, de jeux de mots, de petites blagues, de compliments, de devinettes, de ritournelles, de surnoms… Il y en a vraiment de toutes les couleurs et pour tous goûts. Une lecture fort divertissante, qui permet aussi de faire la part, dans la sagesse et l’humour populaire, de ce qui est commun à tous les peuples – du moins, ici aux peuples latins – et de ce qui est propre à Cuba.
Je ne résiste pas ici à vous proposer un petit florilège de proverbe cubains, choisis pour leur drôlerie, leur profondeur philosophique, ou leur côté « couleur locale ». Certains ont un équivalent direct en français – parfois moyennant quelques changements de décor ou de personnage. D’autres ont une saveur plus spécifiquement cubaine, reflétant les particularités de l’histoire et de la géographie de ce pays, ou tout simplement le mode de pensée particulier de ses habitants.
Samuel Fejóo, Del Piropo al dicharacho, Ed. Letras Cubanas, 1981, La Havane
Annexe
Quelques proverbes cubains et leur traduction
El diablo no es sabio par diablo pero por viejo. Le diable est savant, non parce qu’il est le Diable, mais parce qu’il est vieux.
Caimán no come caimán. Les caïmans ne se mangent pas entre eux.
El que poco agradece, menos merece. Celui qui remercie peu, mérite encore moins.
Cuando más oscura está la noche va a salir el sol. C’est quand la nuit est la plus noire que va se lever le soleil.
Mientras más grande es el caballo, más grande es la caída. Plus grand est le cheval, plus grande est la chute.
Hizo de gato caza ratón. Le fils du chat chasse le rat.
El que juega con candela, algún día se quema. Celui qui joue avec les bougies, un jour il se brûle.
Lo que fácil se da, fácil se va. Ce qui se donne facilement, s’en va facilement.
El último buey bebe agua sucia. Le boeuf arrivé en dernier boit de l’eau sale.
Si es pato, sabe dónde está la laguna. Si c’est un canard, il sait où est la lagune.
El jinete hace al caballo. C’est le cavalier qui fait le cheval.
La papaya no pare naranjas. Le papayer ne donne pas d’oranges.
Hay que coger la cosas buenas, porque las malas vienen solas. Il faut saisir les bonnes choses, car les mauvaises arrivent toutes seules.
Si no siembra el granite de maíz, no te comerás la mazorca. Si tu ne sèmes pas le grain de mais, tu ne mangeras pas l’épi.
El que madruga sabe donde va. Celui qui se lève tôt sait où il va.
Por mucho que corra la gallina, siempre el gallo le cae encima. La poule peut toujours courir, la coq finit toujours par lui tomber dessus.
A la gallina callejera le come el huevo el vecino. La poule qui va se promener, le voisin lui mange son oeuf.
Nadie sabe lo que tiene hasta que lo pierde. Personne ne sait ce qu’il possède jusqu’à ce qu’il le perde.
Vale más un peso en la mano que cien volando. Mieux vaut un peso dans la main que cent qui volent.
Abajo de la confianza duerme el peligro. Aux pieds de la confiance, dort le péril.
Con buena frase se saca al cimarrón del monte. Avec de bonnes paroles, on peut faire sortir le cimarron (le noir fugitif) de la forêt.
Los años no pasan por gusto. Les années ne passent pas par plaisir.