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Carnet de Voyage 2011 à Cuba

La Tumba francesa, c’est joli

Santiago de Cuba, Vendredi 8 juillet 2011

Pour consulter directement la vidéo associèe à cet article, cliquez sur le lien suivant : Mason

site9 L’une des caractéristiques les plus attachantes de Cuba est le mystérieux génie de la conservation dont font preuve les habitants de l’île. Ici, tout au long de l’histoire du pays, beaucoup d’objets ou de traits culturels ont été apportés de l’extérieur: les religions, les danses folkloriques, les voitures, les vêtements… Or, il y a parfois bien longtemps qu’ils ont disparu de l’endroit même dont ils sont originaires. A Cuba, au contraire, ils restent bienvivants, participant au quotidien des habitants d’aujourd’hui. Et c’est leur coexistence, leur étrange et fascinant métissage, leur bric-a-bracbigarré qui crée cette atmosphère si particulière à notre île aimée, celle d’une sorte de grand conservatoire vivant – et vibrant – à ciel ouvert.

site8 Vous voulez rouler en voiture américaine des années 1950 ? Ou peut-être préférez-vous une Lada soviétique des années 1960 ? Vous voulez assister à un spectacle de dansesdes Orishas venues d’Afrique, ou bien un menuet français du XVIIIème siècle ? Vous voulez faire l’expérience du marché noir dans une économie communiste ? N’allez pas aux Etats-Unis, ni en Russie, ni au Nigéria, ni en Chine populaire, ni en France. Vous n’y trouverez plus rien, ou presque, de tout cela. Par contre, si vous allez à Cuba, il vous sera très facile de héler une Buick décapotable modèle 1953 sur le Malecon pour aller entendre des tambours sacrés Yoruba. Ou bien de négocier avec le chauffeur d’une vieille Lada brinquebalante le prix d’une course clandestine pour aller voir danser le menuet au son des rythmes africains, comme je l’ai fait hier soir sur la place Cespedes de Santiago de Cuba.

site5 Car cette extraordinaire capacité cubaine à préserver, à métisser et à réinventer a aussi quelque chose à voir avec la France. A la fin du XVIIème siècle, comme vous le savez sans doute, les colons français de Haïti, chassés par les révoltes noires, trouvèrent refuge dans l’Oriente cubain. Ils amenèrent, outre unbon nombre d’esclaves noirs fidèles qui les suivirent dans leur exil, leurs patronymes, leurs instruments de musique, leurs habits élégants et leurs danses. Voilà pourquoi tant d’habitants de Santiago et de Guantanamo, y compris les Noirs descendants desesclaves, portent des noms français. Ici, les Courreaux, les Despaigne et les Duverger sont presque aussi nombreux que les Rodriguez, les Castillo ou autres Fuentes.

site6 Le folklore cubain incorpore des traces non négligeables de cette influence française. La Danse nationale du pays, le Danzon, peut être considérée comme une héritière directe des contredanses européennes. La présence de la flûte et du violon dans les orchestres de Charanga constitue une réminiscence des orchestres de bal qui animaient les soirées des colons français de Haïti.

Et surtout, il y a la Tumba francesa, que je connaissais déjà de nom, mais que je n’ai vraiment découverte qu’hier soir, sur la place Cespedes de Santiago de Cuba. La Tumba Francesa, c’est à la fois une forme d’expression culturelle et d’organisation sociale.

site7 Le terme Tumba francesa désigne d’abord des sociétés de secours mutuel et divertissement regroupant des Noirs de l’Oriente Cubain d’ascendance haïtienne. Venues des temps de l’esclavage, souvent placées sous la discrète protection de Saints ou de Dieux d’origine africaine, certaines de ces associations sont toujours actives aujourd’hui. La plus connue à Santiago de Cuba s’appelle La Sociedad de la Caridad de Oriente. Elle joue un rôle majeur, en liaison avec la Casa de los Caribes de Santiago, dans la préservation et la transmission du patrimoine culturel afro-franco-cubano-haïtien.

site4 Mais la Tumba Francesa est surtout connue, à l’extérieur de Cuba, comme une forme particulière de danse et de musique populaire. Les samedis et les jours fériés, les esclaves Noirs des plantations de Café de Saint-Domingue étaient autorisés par leurs maîtres français à se réunir pour se divertir et pratiquer leurs rites religieux. De ces fêtes naquit la Tumba Francesa, qui migra à Cuba avec ses pratiquants au début du XIXème siècle.

site2 Au cours de ses deux siècles d’existence, celle-cia créé un très riche répertoire d’œuvres musicales, chantées et dansées mélangeant l’apport africain et européen en une étrange et fascinante synthèse. Tout dans cette expression culturelle est en effet métissage, à commencer par son nom : Tumba, car la musique est fortement influencée par l’Afrique, avec une instrumentation dominée par les tambours battant les rythmes Noirs, originaires notamment de l’ancien Dahomey et du Congo ; et Francese, parce qu’une partie des danses, en particulier celle appelée Masun ou Mason, estdirectement influencée par le menuet et la contredanse des maîtres Blancs (une autre partie, comme le Yubá ou le Frenté,est plus typiquement africaines et peut être considérée commeun antécédent direct de la Rumba).

site10 Le Mason, la plus connue des expressions de la Tumba Francese, est une danse collective particulièrement agréable à regarder, avec ses figures de quadrilles, ses rondes, ses carrousels, ses ponts, ses marches.Les paroles de ses chansons utilisent un dialecte particulier, mélangeant les langues africaines, l’espagnol et le français. Quant aux costumes, ils sont fondamentalement inspirés de la mode européenne… du XVIIème siècle. Les hommes portent des chemises bien amidonnées aux cols brodés, des gilets, des fracs et des pantalons à la française. Les femmes ont de longues et amples robes en coton de couleur pastel – rose, bleu, vert, blancs – traînant légèrement sur le sol, avec de larges cols, de grandes bordures ouvragées, des volants et des parements. Pendant la danse, ces robes volent dans les airs, comme des ailes de lumière. Bien sûr elles portent à la main un éventail. Mais cette influence européenne et aristocratique est quelque peu amodiée par la présence de quelques éléments vestimentaires d’origine plus rurale et/ou africaine : foulards ou turbans de couleur vive appelés Duvan, châles, colliers…

site1 J’ai eu la chance de voir hier danser un Mason, sur la place Cespedes de Santiago de Cuba, dans un spectacle donné par le ConjuntoFolklorico de l’Oriente à l’occasion du festival des Caraïbes. J’ai pris de nombreuses photos, dont je vous propose de découvrir une sélection dans le diaporama suivant : mason

siite3 Je vous promets également, dans les jours qui viennent, de vous faire parvenir des entretiens avec de véritables spécialistes Santiagueros qui vous permettront de mieux connaître ces coutumes. En attendant, bonne vision et bonne découverte pour ceux qui ne connaissaient pas ce charmant héritage lointain de nos provinces, aujourd’hui disparu chez nous…

Fabrice Hatem

Pour en savoir plus sur la Tumba francesa :

http://www.archivocubano.org/vizcaino_15.html

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