C’était un soir de l’hiver 2009, dans mon petit studio du Plateau de Champel, à Genève, où j’habitais alors. Je venais de regarder une magnifique chorégraphie de Tango : un duo de Julio Bocca et Cecilia Figaredo sur la musique de El Último Café. C’était sensuel, tragique, violent. On comprenait que ces deux-là s’aimaient vraiment très fort, mais qu’une puissance maléfique s’opposait à leur bonheur. J’étais ébloui par le sentiment dramatique puissant, un peu désespéré, qui émanait de cette danse.
Et puis, tout de suite après, je suis tombé par hasard sur une vidéo de Son cubain. L’orchestre de Félix Chappotin et le chanteur Miguel Cuni interprétaient un thème intitulé Cucarachita, Cucarachon. J’ai sans doute l’esprit mal tourné, mais l’accolement musical de ces deux mots, l’un féminin et l’autre masculin, constamment répétés par le chœur, évoquait irrésistiblement en moi d’autres rapprochements, fort naturels et fort joyeux. C’était très drôle et cela m’a mis de très bonne humeur (après vérification auprès d’amis sud-américains, le double-sens coquin est effectivement avéré).
Alors je me suis dit : « Ces Argentins en font trop. L’amour à la cubaine, c’est quand même nettement plus simple. Ce n’est pas parce qu’un texte ou une musique sont entraînants et comiques qu’ils ont une moindre valeur artistique ». Et, puis, tout de suite après, j’ai pensé : « Mais quand même, le Tango dansé par Julio Bocca, c’est très beau » ; et puis, finalement, je me suis posé cette question : « Mais pourquoi les visions de l’amour dans le Tango Argentin et dans le Son cubain sont-elles si différentes ? ».
Bref, j’étais lancé dans une démarche de littérature comparée entre ces deux cultures poétiques cousines d’Amérique latines. Après des années d’écoute, de traductions, de danse et de recherches, je crois être aujourd’hui être en mesure de pouvoir dire ce qui les distingue, et aussi ce qui les rapproche au delà de leurs apparentes différences.
La différence essentielle – la plus évidente aussi – c’est que la poésie du Tango est focalisée autour du thème de la tragédie amoureuse, alors que les paroles du Son et de la Trova cubaine décrivent de manière beaucoup plus large les divers aspects de la comédie humaine.
La seconde différence, c’est que, lorsque le Tango – rarement – rit, c’est d’un rire un peu grinçant et méchant, alors que lorsque le Son est triste, il ne perd jamais tout à fait l’espoir, l’humour et le goût de vivre.
La troisième – et la plus profonde – différence, c’est que le Tango est le chant d’un homme sans problèmes matériels majeurs, mais inhibé en amour, alors que le Son exprime l’âme d’un homme pauvre, mais aimant jouir de tous les plaisirs de la vie.
Enfin, la quatrième et dernière différence, d’ordre historique celle-là, c’est qu’alors qu’elles se ressemblaient beaucoup il a 120 ans, les paroles du Tango se sont blanchies, moralisés, et embourgeoisées, alors que celles du Son sont restés beaucoup plus proche de leur originelle gouaille populaire et métisse.
Chacune de ces affirmations trop schématiques appelle, bien sur, de nombreux contre-exemples, comme nous allons le voir maintenant…
Tragédie portègne et comédie cubaine
Tango : le lamento du Cocu abandonné ?
Il y a plus de dix ans, lorsque j’avais commencé à m’intéresser à la poésie du Tango, j’avais tenté de dresser un portrait-type de la chanson tanguera, à partir d’une analyse statistique des contenus – thèmes, personnages, situations, climat psychologique – de cent textes de tangos parmi les plus célèbres.
Le résultat de ce travail montrait qu’une part très significative des chansons étudiées mettaient en scène un personnage masculin vivant dans une grande ville, s’exprimant à la première personne, n’ayant pas d’activités professionnelle ou sociale identifiables, et dont le principal sujet de préoccupation était l’absence – en général du fait d’une rupture ou d’un abandon – de son ancienne compagne féminine.
Un soir plus triste que la peine qui m’afflige / Elle a fait sa petite valise et elle m’a abandonné / Je ne lui ai pas dit une parole, émis un reproche ou une plainte / Je l’ai regardée qui partait en me disait «tout a une fin » (Amurado, José de Grandis, 1925).
Cette situation de solitude apparemment sans remède provoque en lui un comportement dépressif : attitudes de rumination nostalgique, état de prostration, sentiment de culpabilité, pulsion suicidaires …
Quand je regarde ma chambrette / Elle m’a l’air si en désordre / Si triste et abandonnée / Que ça me donne envie de pleurer/Je reste de longues heures / A contempler ton portrait /Pour pouvoir me consoler. (Mi noche triste, Pascual Contursi, 1916).
Que lui ont fait mes mains / Que lui ont-elles fait / Pour laisser dans ma poitrine tant de douleur ? (Naranjo en flor, Homero Exposito, 1944).
Ce mal-être peut également prendre des formes plus violentes : colère, jalousie, tendances à l’alcoolisme, pulsions homicides.
Mais c’est le vieil amour qui tremble, bandonéon / Et cherche dans l’ivresse de l’alcool / La cuite qui, à la fin, termine la comédie / En baissant un rideau sur le cœur (La Ultima Curda, Catullo Castillo, 1956).
De la voir aujourd’hui déchue, à d’autres bras enlacés / Fut pour moi un coup de poignard / Et je le jure, vrai de vrai /Je n’ai pas encore réalisé / Ce qui m’a retenu, à l’instant même, de la tuer » (Tomo y obligo, Manuel Romero, 1931).
Bref, le Tango décrit le désespoir amoureux dans tous ses états.
Son : une chronique de la comédie humaine
Bien que je n’aie pas réalisé un travail aussi approfondi sur la chanson cubaine[1], je vais tenter de démontrer que celle-ci possède plusieurs caractéristiques qui la distinguent profondément du Tango. J’en ai pour l’instant dénombré six : les lieux ; les thèmes ; le style narratif ; le climat psychologique ; le rapport à la littérature cultivée ; enfin, la structure et le mode d’interprétation.
1. Les lieux du Son et de la Trova, tout d’abord, ne sont pas nécessairement, comme pour l’immense majorité des Tangos, situés dans la grande ville. Si beaucoup de chansons cubaines ont pour décor la Havane ou Santiago, d’autres évoquent des localités de petite taille, et, très souvent, le monde de la campagne (dans les exemples suivants, les environs de Santiago de Cuba).
Siboney, je te chéris / Je me meurs d’amour pour toi / Siboney, dans ta bouche / On sent la douceur du miel / Siboney, quand frémissent / Les palmiers, je pense à toi (Siboney, Ernesto Lecuona, 1927).
Depuis Alto Cerdo, je vais a Marcané / Arrivé à Cueto, je vais à Mayari (Chan Chan, Francisco Repilado, 1987).
Plus précisément, la grande ville – notamment Santiago de Cuba, patrie du Son et de la Trova – reste, dans la chanson cubaine, largement ouverte sur son environnement rural. Dans le Tango, au contraire, Buenos-Aires, ville univers, semble se suffire entièrement à elle-même.
D’où viennent-ils donc / Tous ces beaux chanteurs, ah Maman ? Peut-être de la Havane, Peut-être de Santiago ? / Non, ils sont nés dans les collines / Et ils chantent dans la plaine (Son de la Loma, Miguel Matamoros, 1922).
Buenos Aires, ma terre tant aimée / Buenos Aires où naquit le Tango / Je voudrais pouvoir t’offrir / Toute mon âme dans mon chant (La cancion de Buenos Aires, Manuel Romero, 1932).
On retrouve là le reflet d’une différence fondamentale entre les trajectoires historiques du Son et du Tango. Ce dernier, né dans les villes du Rio de la Plata, a été coupé très tôt de tout contact avec le monde rural argentin. Le Son et le Punto, au contraire, ont vu le jour dans la campagne cubaine, avant de migrer avec leurs auteurs, leurs interprètes et leur public, vers la ville. Ils en ont longtemps gardé – comme d’ailleurs les villes cubaines elles-mêmes – une saveur rurale qui est presque entièrement absente dans le Tango[2].
Ay, sur le chemin de ma cabane / Un charretier tout joyeux passa / Et cett’ chanson sentant la campagne / Du fond du coeur, joyeux, il chanta ( El carretero, Guajira, Guilermo Portabales, vers 1935).
Messieurs, j’habite dans le centre / Dans le centre de la capitale / Je vis dans la rue Corrientes, / Presqu’au coin d’la rue Paraná (Senores, yo soy del centro, Milonga, Santiago Adamini).
2. Les thématiques du Son sont également beaucoup plus variées que celles du Tango, très largement focalisées, comme on l’a vu plus haut, autour de la nostalgie amoureuse. Bien sur, les préoccupations liées à l’amour sont très présentes – qui s’en étonnerait – dans la chanson cubaine, et tout particulièrement, presque par définition, dans le Boléro romantique. Mais le Son des années 1930 et 1940 parle aussi de beaucoup d’autres choses, au point que ce style a parfois été décrit comme une véritable chronique de la vie quotidienne : portraits de personnages attachants, références – parfois engagées – à des événements politiques ou sociaux, joies et tristesses de la vie de tous les jours, jugements moraux exprimant une forme de sagesse populaire…
La femme d’Antonio / Elle marche com’ça…/ Quand elle revient de la place / Elle marche com’ça…/Quand elle rapporte ses courses / Elle marche com’ça…/ La femme d’Antonio / Elle marche com’ça…/ Quand elle rapporte des tomates / Elle marche com’ça… (La mujer de Antonio, Miguel Matamoros, 1929).
Quand la rue est calme et tranquille, Petite dame de mon coeur, / Alors le marchand entonne son refrain / Et si la fillette écoute sa voix / Elle appellera de son balcon : / « Donne-moi un cornet de cacahuètes » (El Manisero, Moises Simons, 1927).
3. Le style narratif constitue la troisième différence – largement corollaire de la précédente d’ailleurs. Dans le Tango, la première personne est de rigueur : le personnage masculin, très autocentré, parle essentiellement de lui-même et de ses souffrances. La femme aimée n’est en fait évoquée, à la troisième personne, que de manière très sommaire, comme prétexte au douloureux monologue de l’amant abandonné.
Je ne peux, malgré tout, oublier /Le souvenir de celle qui fut mon unique amour / Pour elle, je dois être comme le trèfle odorant / Qui offre son parfum à celle qui l’arrache (Sentimiento Gaucho, Juan Andrès Caruso, 1924).
Lorsque celui-ci utilise la seconde personne, c’est souvent pour reprocher à son ancienne compagne son mauvais comportement et lui promettre un châtiment mérité.
Les faveurs accordées par toi / Je les ai chèrement payées / Mais s’il me restait par mégarde, une petite dette oubliée / Ajoute la donc sur le compte du gros corniaud qui t’entretient (Mano a Mano, Celedonio Flores, 1923).
Dans la chanson cubaine, au contraire, l’utilisation de la troisième personne est plus largement répandue. Le locuteur adopte en effet souvent le point de vue d’un observateur extérieur qui décrit un fait ou un personnage avec lequel il n’a pas nécessairement de lien direct ou personnel, ou sur lequel il porte un jugement moral.
Puis un couple de paysans / Sort avec les bras enlacés / Contre lui, il la serre très près / Elle l’embrasse en soupirant (Alborada Guarija, Raul Lima, vers 1940).
On nous parle à tire- larigo / De rythmes nouveaux, les copains / Mais le Batanga, le Cha cha cha, le Mambo / Sont nés de notre Son cubain (Mi Son Mi Son Mi Son, Luis Martínez Griñán, milieu des années 1950).
4. La quatrième différence tient au climat psychologique. Disons, pour faire simple, que celui du Son est nettement plus heureux que celui du Tango. Passons sur les très nombreuses chansons cubaines décrivant un personnage pittoresque ou une situation amusante (cf. supra), dont les exemples sont relativement rares dans le Tango – du moins dans les textes postérieurs à l’année-charnière 1916.
Le point essentiel sur lequel je veux insister ici est que le Sonero cubain semble nettement plus heureux en amour que son homologue Tanguero. Beaucoup de chansons d’amour, dans le répertoire du Son, du Boléro, et aujourd’hui de la Salsa, décrivent en effet l’étape de la séduction : l’homme est tombé amoureux, il espère, il cherche à attirer l’affection de la femme aimée. Les textes du Tango, au contraire, décrivent l’étape de l’abandon et du deuil nostalgique. Le répertoire cubain est ainsi est tourné avec espoir vers l’avenir, tandis que celui du 2X4 contemple avec une nostalgie amère un passé révolu.
Prends ces deux gardénias / Avec elles, je veux te dire : / Je t’aime, je t’adore, ma vie / Donne-leur toute ton attention / Car elles sont ton coeur et le mien (Dos Gardenias para ti, Bolero, Isolina Carrillo, 1947).
Cette femme, cette femme, cette femme, / Un jour, il faudra bien qu’elle m’aime…/ Même si ça doit prendre toute ma vie, /Même si ça laisse mon âme meurtrie (Esa mujer, Salsa, Gran combo de Puerto Rico).
Je t’aimais tant, que même ma sainte mère / Je faillis l’oublier tant je pensais à toi / Et regarde, ingrate, comme ont été détruits / Tous ces beaux rêves qui vivaient en moi (Quema Esas cartas, Tango-Valse, Juan Pedro Lopez).
5. Cinquième différence : l’ambition stylistique. Dès les années 1920, de nombreux auteurs venus des milieux de la poésie cultivée et du théâtre ont voulu donner au Tango, qui n’était jusqu’alors qu’un ensemble de chansonnettes sans prétentions, ses lettres de noblesse littéraires. Cadicamo, Discepolo, Manzi, Castillo, un peu plus tard Exposito produisirent alors, au cours des 30 années ultérieures, un corpus poétique ambitieux et de grande qualité. A l’inverse, peu d’auteurs venus des milieux littéraires cubains – à quelques exceptions près, comme le poète Nicolas Guillern – s’intéressèrent au Son qui resta donc davantage cantonné dans son statut de chansonnette populaire. Aux magnifiques métaphores d’Homero Manzi dans Sur, répond ainsi la gouaille faubourienne sans prétention – mais tout aussi efficace – de Ramón Castro Herrera dans Pintate los Labios, Maria.
San Juan et le vieux Boedo, ciel perdu / Pompeya, et un peu plus loin, l’inondation / Devant le terre plein tes vingt ans tremblant de tendresse / Sous le baiser qu’alors je te donnai / Nostalgie des choses passées, sable de la vie qui s’écoula / Tristesse des quartiers qui ont changé / Et amertume du rêve qui est mort (Sur, Homero Manzi, 1947).
Mais qu’elle mette du rouge à lèvres / et qu’elle arrête de broyer du noir !!! / Mets du rouge à lèvres, Maria, arrête tes conneries / Et viens donc danser le Son avec nous (Pintate los labios, Maria, Ramón Castro Herrera, vers 1950).
6. La sixième différence tient à la structure de l’œuvre et à son mode d’interprétation. Dans le Tango, les textes prennent le plus souvent la forme d’une succession de strophes de type ABAB, avec parfois introduction d’un refrain. Ils sont interprétés par un chanteur unique (plus rarement, par un duo), qui respecte les paroles originelles (en supprimant cependant assez souvent une partie du texte, par exemple la dernière strophe). Ce style est d’ailleurs également celui du Bolero ou du Punto cubains.
Par contre, trois différences majeures apparaissent dans le Son. La première tient à la construction même de l’œuvre, qui commence par l’exposé d’un thème, puis se poursuit par une longue alternance entre des couplets interprétés par le soliste et un refrain ou un groupe de mots répétés – presque obsessionnellement – par le chœur : « Pintate los labios, Maria », « La mujer de Antonio camina asi », « Yo no querio sufrir », etc. La seconde différence tient, justement, à la présence dans les orchestres de Son d’un chœur qui alterne avec le chanteur soliste et engage un dialogue avec lui. Enfin, la troisième différence tient au fait qu’après l’exposé initial du thème et des premières alternances couplet-refrain, le chanteur soliste effectue une improvisation personnelle, inventant alors des paroles nouvelles[3]. D’où d’ailleurs une difficulté inconnue dans le Tango pour le traducteur de Son, qui est confronté à un nombre de versions du texte presque aussi élevé que celui des interprétations de l’œuvre.
Quand le Tango rit, quand le Son est triste
De quelques contre-exemples
Je me rends bien compte, en relisant la section précédente, qu’elle ne décrit qu’une partie – une partie importante certes, mais une partie seulement – de la réalité des deux corpus poétiques. Il y a, bien sur, des chansons de Tango – des Milongas surtout d’ailleurs – gaies et optimistes, et des séducteurs milongueros heureux en amour.
C’est un vrai champion pour les filles / Avec sa parole facile / C’est une terreur pour les voyous / Avec son couteau qui vibre / C’est un vrai de vrai du pavé / Guetté depuis tous les balcons / Un mec heureux, sans aucun doute / Avec son âme de troubadour (Mozo Guapo, Milonga, Eusebio Lopez).
Et, bien sur, il y a des amoureux transis à Cuba, qui chantent des Son et des Boléros tristes et nostalgiques.
Que t’importe que je t’aime / Si toi, tu ne m’aimes plus ? /Quand un amour s’est enfui / On ne doit pas s’en souvenir / Je fus le rêve de ta vie / Un jour bien lointain déjà / Aujourd’hui je suis le passé / Et je ne peux m’y résigner (Viente anos, Bolero, Maria Teresa Vera, 1935).
Je suis cet arbre triste, tout empli d’émotion / Tu es la fille qui blessa mon tronc / Je chéris toujours ton nom dans mon cœur / Et toi, qu’as-tu fait de ma pauvre fleur ? (Y tu que has hecho, Boléro, Eusebio Delfin, fin des années 1920).
Comment donc affiner et compléter l’opposition un peu schématique de la partie précédente, destinée à faire ressortir les différences essentielles entre les deux corpus poétiques ? Comment rendre compte également de leurs ressemblances plus limitées, lorsque le Son pleure et lorsque le Tango rit ? Je vais pour cela essayer de montrer que les notions même de tristesse et de gaieté n’ont pas exactement le même contenu dans les deux cultures. Le rire du tanguero est en effet souvent grinçant et méchant, alors que les larmes du sonero laissent parfois subsister un peu d’humour et d’espoir.
Le rire grinçant du Tango
Précisons d’abord que le gaieté est en quelque sorte cantonnée aux marges du corpus poétique tanguero, dans la mesure où elle est presque exclusivement portée par trois styles bien déterminés.
Le premier est celui des proto-Tangos des années 1880 à 1910, qui décrivent, dans un style picaresque et joyeux, la vie et les caractères des personnages des faubourgs pauvres de la ville.
Il n’y en aucun qui m’égale / Pour séduire les nanas / C’est des histoires que j’leur raconte / Du pur baratin, rien de plus / Et en lui faisant la mine aimable, je l’embobine à mort / Pour assure la boustifaille / Avec le pognon qu’elle donnera (El portenito, Angel Villoldo, 1903).
Le second est celui de la Milonga, qui reprend, à partir des années 1930, les mêmes descriptions humoristiques de personnages hauts en couleur, dans une démarche « revival ».
Moi je garde la tête haute / Et je m’incline devant personne / Je fais qu’une bouchée du benêt / Qui chercherait à m’évincer / Et je saurai bien lui montrer / A celui qui s’met sur ma voie / C’que sont tango et milonga / Et comment on doit les danser (Compadreando, Mario Soto, 1942).
Enfin, la troisième catégorie est celle des chanteurs et auteurs « spécialisés » dans la veine comique, aux premiers rangs desquels on peut citer Tita Merello, et, un peu plus tard, Edmundo Rivero.
Si je suis laide, disons-le, / J’m’en suis pas encore rendu compte. / Et en amour, moi seule sait / Combien d’idiots j’ai pu planter / On peut médire, on peut causer, / Et murmurer, et puis brailler / Mais la laideur qu’Dieu m’a donnée / Plus d’une femme me l’a enviée (Se dice de mi, Ivo Pelay, 1943, écrit pour Tita Merello).
Mais quel est, au juste le contenu de ce Tango gai, la forme du rire qu’il provoque ? Si l’on exclut de l’analyse, pour des raisons que j’expliquerai plus tard, les textes des proto-tangos antérieurs au tournant de 1916, la conclusion est simple. Il y a quelque chose de méchant, de grinçant, voire de malveillant dans le rire du tango : une volonté de détruire, de ridiculiser publiquement, voire de diffamer un personnage.
Gamin qui naquit dans la zone (…) et dit qu’il vient d’une famille « bien »/ Tu sais que tu caches mal ton jeu / Et quand tu marche d’un air triomphant / on voit que t’a de la classe / Oui, pour rincer les verres derrière un comptoir (Nino Bien, Robert Fontaina, 1928).
Bien sur, le Son fait aussi un large part à la satire ou à la description de caractères grotesques ou ridicules. Mais, à la place de la méchanceté acide du Tango, on trouve une ironie plus légère, souvent teintée d’auto-dérision ou de tendresse pour le personnage que l’on caricature.
Marie Christine veut me gouverner /Et moi, je suis, je suis le courant / Parce que je ne veux pas que les gens disent / Que Marie Christine veut me gouverner (Maria-Cristina me quiere gobernar, Nico Saquito, fin des années 1940).
Elle était bien potelée /Avec tout c’qu’il fallait / Elle était à croquer / En résumé, colossale / Mais tout finit un jour par se savoir / Même sans aller le vérifier / On a appris que ses jolies formes / Ne sont remplies que de chiffons. / Comme elles sont malignes les femmes, / Elles essayent de nous filouter / Plus personne ne la regarde / Plus personne ne soupire / Et ses petits édredons / Personne ne veut les essayer (La enganadora, Enrique Jorrin, 1949).
Le Son est rarement totalement désespéré
Et lorsque la chanson cubaine devient triste, cette tristesse reste souvent nuancée d’une pointe de dignité, d’humour, voire d’espoir. L’amant malheureux cubain garde en effet un petit sourire amer au coin des lèvres, notamment pour se moquer un peu de lui-même, mais aussi pour commenter, parfois avec une tendresse résignée, parfois avec une violente et saine colère, les manigances féminines qui l’ont réduit à merci. Ceci lui évite de sombrer dans le même vertige dépressif et passif que son homologue argentin.
Tu t’es mi ton liqui liqui / Pour me tourner le ciboulot/ A toi, cela te plaît beaucoup /E t moi, ça va me rendre fou / Ave Maria Lola /(…) Avec moi, tu vas en finir (Ave Maria Lola, Sergio Gonzales Sabia).
Je n’ai plus confiance / Je n’ai plus confiance / Je n’ai plus confiance dans les femmes / Je n’ai plus confiance / Mais tout cela n’est qu’invention / Cela n’est qu’un simple Son / Car les femmes, vrai de vrai / Je les porte dans mon cœur (Fransciso Repilado, Huellas del pasado, fin des années 1920).
Pour un tout petit peu de temps / Que de toi je me séparais / Tu m’as bien trahi, Macusa / Et cela m’a tant attristé (Fransciso Repilado, Macusa, fin des années 1920).
Même quand l’espoir a disparu, les amants soneros conservent une énergie, une vitalité, qui leur permet de réagir et de continuer à vivre, à lutter, malgré leur peine.
Je la cherchai de tous côtés / Espérant ainsi éviter / Que ma jolie petite fleur / Dans un autre jardin / Ne vienne se faner / Je parcourus chemins, forêts / Sans pouvoir la retrouver / Alors je continuerai à jouer / Ma jolie tonada / Que j’ai toujours chantée (Se seco el arroyito, Francisco Repilado).
Tu voudrais me quitter, je ne veux pas souffrir/ Avec toi, j’irai, ma sainte / Même si je dois en mourir (Lagrimas negras, Miguel Matamoros, 1929).
L’amour : le pleurer ou le faire ?
Mais pourquoi donc la chanson populaire cubaine et de Tango présentent-elles des caractéristiques aussi différentes ? On pourrait tenter de l’expliquer en opposant, termes à termes, le Noir au Blanc, le tropical au tempéré, le sous-prolétaire au petit bourgeois, le vulgaire au cultivé, le rural à l’urbain … Toutes ces explications apportent chacune leur part de vérité, mais sont également fragilisées par de nombreux contre- exemples. C’est ainsi qu’une grande partie du répertoire de la chanson française, blanche et tempérée, de l’entre-deux-guerres, est désopilant de gaieté et de coquinerie, tandis que le ton dominant de la Morna du Cap Vert, expression de population métisses très pauvres, vivant sous un climat tropical, est celui de la tristesse.
Je propose ici de tester une hypothèse d’ordre plutôt psychologique et culturel. Celle-ci consiste à dire que la source première des différences entre Tango et Son réside dans un rapport différents de leurs auteurs et de leur public aux plaisirs du corps : amour physique, bien sur, mais aussi fête et bonne chère.
Les personnages des chansons de Tango n’ont pas apparemment de difficultés matérielles pour accéder à ces plaisirs. C’est du moins ce que l’on en déduit du fait que les problèmes de la faim, de l’injustice ou de la misère ne sont que très rarement évoqué dans les tangos – Yira Yira ou Acquafuerte constituant à cet égard plutôt l’exception que la règle.
Quand le destin, cette trainée / Te mène de débine en débine / Pour te laisser cassé, sonné / Quand tu seras a la rue, sans but et sans espoir (Yira Yira, Enrique Santos Discepolo, 1930).
Je pense à la vie /Les mères qui souffrent / les gamins qui traînent / Sans toit et sans pain / En vendant la Prensa / Pour gagner trois sous (Acquafuerte, Juan Carlos Marambio Catan, 1931).
Mais ce tanguero apparemment détaché des contingences matérielles fait preuve d’une grande pudeur, frôlant la pudibonderie, lorsqu’il s’agit d’évoquer les choses de l’amour. Les charmes féminins en effet, n’y sont en effet évoqués que de manière extrêmement allusive et désincarnée.
Elle était plus douce que l’eau / que l’eau douce / Elle était plus fraîche que la rivière / Oranger en fleurs (Naranjo en Flor, Homero Exposito , 1944).
Et même lorsque qu’il va danser, notre tanguero n’est pas tout à fait heureux. Le climat de la soirée est en effet souvent gâché par toutes sortes de préoccupations ou de chagrins. Parfois, c’est la concurrence des autres danseurs qui pose problème, comme dans Compadreando (cf. supra). Dans d’autres cas, plus fréquents, c’est le spectacle de jeunes femmes pauvres cherchant la protection d’un homme riche qui afflige notre narrateur. En bref, dans le Tango, le cabaret est décrit comme la scène d’un drame social, humain et moral.
Il est minuit, le cabaret s’éclaire / Des femmes, des fleurs et du champagne / Elle va commencer l’éternelle et triste fête / de ceux qui vient au rythme du Gotan (Acquafuerte, Juan Carlos Marambio Catan, 1931)
Les choses se passent de manière très différente dans le Son cubain. D’abord, les difficultés de la vie quotidienne – gagner sa vie, disputer son salaire à un patron trop avide, aller au marché – sont beaucoup plus présentes (sans même parler de la Nueva Trova, dont l’injustice sociale constitue le thème dominant).
Je trime tous les jours de ma vie / Et toutes les heures de mes jours / Pour le peu d’argent, tout petit / Qu’ils me paient pour sa sueur (Al vaiven de ma carreta, Nico Saquito, 1936).
Mais le cubain semble ensuite éprouver un plaisir sans états d’âmes à dépenser cet argent durement gagné en faisant la fête, en dansant et en mangeant, et il le dit dans ses chansons. Beaucoup d’entre elles évoquent en effet la préparation et le déroulement d’une fête ou d’un bon repas – quand elles ne donnent pas simplement la recette d’un plat succulent.
Rien n’me plait mieux que la nourriture / Qu’elle me cuisine /Rien n’me plaît mieux que le café / Quelle ne mouline (La Negra tomasa, Guillermo Rodríguez Fiffe).
Quelle fête, qu’elle est bien, cette fête, /Cha cha cha, c’est bien le Cha cha cha (Rico Vacilon, Rosendo Ruiz Quevedo, milieu des années 1950).
Je sortis de la maison, une nuit d’aventure / Cherchant un lieu de plaisir et de joie / Ah, mon Dieu / Que de plaisir !! /En un soupir, la nuit passa, /Je marchais, joyeux, dans ces lieux lumineux /Et j’arrivai à la fête …/ Dans cette chanson je répète / Ce que dit mon segundo / Il n’y a pas de saucisse au monde / Pareilles à celles que fait El Congo (Echale salsita, Ignacio Pineiro, 1929).
Comme c’est bon, le quimbonbon cuisiné avec de la farine, des crevettes, et de la viande de poule (Que sabroso es el quimbonbon, Los hermanos morenos)
Mais surtout, l‘attitude du sonero fae à l’amour physique est nettement plus décontractée que celle de notre tanguero inhibé. Que le cubain aime bien faire l’amour, cela sans doute ne le différencie pas beaucoup, à vrai dire, de l’Argentin, du Français ou du Lapon. Mais qu’il le dise dans ses chansons, voila quelque chose que l’on ne va jamais voir dans le Tango. Oh, bien sur, les Sones ne sont pas des poèmes érotiques, et Cuba autant qu’ailleurs, la présence d’expressions scabreuses dans les textes de chansons a longtemps été bannie. Mais, malgré tout, le double sens licencieux, l’allusion voilée à l’amour physique, arrivent très souvent à trouver leur voie dans la chanson cubaine, notamment dans le style « Guaracha ».
Tula est comme une flamme / Appelle les pompiers / Elle est vraiment brûlante, Tula !! / Eh ! Les gars !! Elle est chaude / Tendez les cuirs de vos tambours !! (El cuarto de Tula, improvisation d’Ibrahim Ferrer, sur un texte original de Gonzales Siaba Sergio Eulogio).
Quand Juanica et Chan Chan/ Dans la mer, le sable tamisaient / Et qu’elle remuait son petit panier / A Chan Chan, ça lui f’sait d’l’effet (Chan Chan, Francisco Repilado, 1987).
Je connaissais un cuisinier / Qui préparait le mabinga / Et il écrasait les gousses d’ail / Avec la tête de son mortier / Comme dansait la Tomasa / Dans le quartier de la Timba (La Negra tomasa, Guillermo Rodríguez Fiffe [4])
Petite chatoune et gros kiki (Cucarachita, cucarachon, Roberto Roena).
Voisine, prète-moi ton petit seau / Je ne peux pas te le prèter / Demande-le à mon mari / Il m’interdit de le prèter / Je ne peux pas te le donner (Vecina, prestame el cubo, Arsenio Rodriguez)
Le Son : un Tango resté dans l’enfance ?
Mais enfin, me direz-vous, le Tango aussi peut être licencieux. Et le double sens manifeste de El Choclo (L’épi de Maïs) ? Et les obscénités des Tangos de lupanar des années 1890 aux titres sans ambiguïté : Deux giclées d’un seul coup, Patronne, ça rentre pas, Foufonne velue, Chatte sale ? Et Dame la Lata[5] ) ? Et Barloto tenia una Flauta ?
Bartolo avait une flûte / Avec un seul petit trou / Il en jouait avec ses petits doigts / Et sa maman lui disait / « Laisse ta flûte, Bartolo » (Barloto tenia una Flauta Anonyme, 1900).
Oui, mais regardez les dates… Aucun de ces tangos n’est postérieur à 1910. Après 1916, le sexe disparaît entièrement, même sous une forme allusive ou cachée, dans les textes de Tango. L’amour y est alors réduit à un concept abstrait et désincarné, où seul le regard caresse, où le contact physique se limite à un seul et unique baiser dont on se souvient encore, avec nostalgie, bien des années plus tard.
Sous les fenêtres de ma ruelle de faubourg / Je veux venir à nouveau contempler /Ces si beaux yeux dont le regard est une caresse (Mi Buenos-Aires Querido, Alfredo Le Pera, 1934).
Pourquoi cette rupture – ou plus exactement, comme on va le voir, cette double rupture – qui n’a pas son équivalent dans la chanson cubaine ? Pour le comprendre, il faut revenir aux conditions historiques de la formation du peuple argentin à partir du milieu du XIXème siècle. A cette époque, Buenos-Aires est, comme Santiago de Cuba ou la Havane, une ville métisse, où les Noirs représentent presque la moitié de la population. Et l’expression musicale de l’époque, y compris les proto-tangos qui apparaissent à partir des années 1860 et 1870, reflète, comme l’explique Juan Carlos Caceres, cette mixité, en particulier par un apport rythmique d’essence africaine.
Mais, à partir de la fin des années 1870, à la suite d’une politique explicite de purification ethnique, passant par l’élimination, par divers moyens (guerre, déportation) des populations Noires et indigènes ainsi que par un l’appel massif à l’immigration européenne, l’Argentine devient le pays « Blanc » que nous connaissons aujourd’hui. Et, avec les populations Noires, disparaissent aussi, dans la musique argentine, les riches polyrythmies qui se sont conservées, pour notre grand bonheur, dans la musique cubaine.
Mais la population blanche qui peuple nouvellement l’Argentine des années 1890, est, contrairement aux espérances des promoteurs de cette politique migratoire, essentiellement constituée d’un prolétariat misérable d‘origine rurale, venu du Sud et, dans une moindre mesure, de l’est de l‘Europe. S’entassant dans les taudis du faubourg de Buenos-Aires, elle va constituer, de bric et de bric, une musique des marges qui prendra bientôt le nom de Tango. Son répertoire de celui-ci alors composés de petits couplets joyeux, au mieux simplets, au pire totalement obscènes, qui en font un repoussoir pour la société bien-pensante du centre-ville.
La seconde rupture se produit alors au milieu des années 1915, lorsque Carlos Gardel – et quelques autres jeunes musiciens de l’époque, comme Francisco Canaro – cherchent à faire sortir le Tango de son ghetto faubourien et sous-prolétaire. Mais il y a pour cela une condition sine qua non : rompre de manière ostensible avec les chansonnettes grivoises de la période antérieure. De nombreux auteurs, comme Pascual Contursi, sont alors sollicités pour créer un nouveau répertoire, à base de chansons où l’amour est évoqué à la façon élégiaque, nostalgique, et un peu geignarde qui a constitué depuis la « marque de fabrique » de la poésie tanguera. L’attirance de toute une génération de jeunes auteurs de talent pour la poésie cultivée européenne achèvera ensuite d’anéantir ce qui restait encore de gouaille populaire dans le tango des années 1920, et dont Celedonio Flores fut l’un des derniers représentants.
Pendant ce temps la musique cubaine reste, à l’image de son peuple, métissée et plurielle. Les blancs de la partie occidentale de l’île continuent à chanter le Punto, tandis que les esclaves Noirs libérés se mettent à danser la Rumba dans les périphéries pauvres des villes. Dans les villages montagnards de l’Oriente, le Son naît d’un mélange de rythmes Noirs et de mélodies espagnoles. Il descendra bientôt vers Santiago où il rencontrera la Trova et le Boléro, puis migre vers La Havane où il incorporera, dans les années 1920, l’influence du Jazz Nord-américain. Pendant ce temps, les textes des Guarachas continuent d’égrener leurs couplets comiques et leurs double-sens licencieux. Partout, on danse au son de cette musique d’une extraordinaire diversité, entre Noirs, entre Blancs, entre Métis, mais toujours en s’amusant beaucoup. La réputation de Cuba comme lieu de divertissement attire à la Havane un public nord-américain fortuné, qui amène avec lui ses orchestres de jazz, enrichissant encore la palette musicale de l’île. Et les textes des chansons continueront, pendant tout le XXème siècle et jsuqu’à la Timba contemporaine, d‘être écrits à l’image de ce public gai, désireux de profiter de tous les plaisirs offerts par la vie.
Et voici pourquoi le Son est plutôt heureux, et le Tango, plutôt larmoyant…
Fabrice Hatem
[1] J’entends ici par « chanson cubaine » le corpus constitué par la Vieja Trova, le Son. lla Guajira et la Guaracha. J’en exclus arbitrairement les textes associés à la Rumba, à la culture afro-cubaine, à la Nueva Trova et à la Timba, corpus littéraire que je connais pour l’instant trop mal pour pouvoir l’inclure dans mon analyse. Pour une description générale des styles musicaux populaires cubains, cliquez sur le lien suivant : lien
[2] Cette dernière affirmation appelle il est vrai, deux contre-exemples importants. Le premier concerne le style dit « Milonga campera ». Celui-ci – qui, certes, possède le caractère un peu artificiel d’un « revival » – situe volontiers – et par définition d’ailleurs – son action dans la campagne.
Tu arrivais par le sentier /Tablier et tresses douces / Et ils brillaient, tes yeux noirs, dans une clarté de pleine lune (Milonga triste, Homero Manzi, 1936).
Un second contre-exemple est constitué par la poésie d’Homero Exposito. Celui-ci, qui vécut sa jeunesse dans une petite ville de province, place souvent son action dans la campagne, ou fait référence à la nature.
Je la vis fleurir un jour comme le lin / D’une prairie argentine gorgée de soleil (Flor de lino, Homero Exposito,1947).
[3] Voir par exemple la vertigineuse improvisation du chanteur Monguito sur la seconde partie du Son Mi son, Mi son Mi son.
[4] Il y a ici un double sens obscène lié à l’évocation du mouvement de va et-vient du pilon du mortier.
[5] « Donne-moi les jetons de tes passes » : injonction du maquereau à sa protégée.