Dimanche 19 Septembre 2010, Santiago de Cuba
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Chère Mireille,
Qui aurait dit qu’un jour, la Salsa me conduirait à la botanique tropicale ? Et pourtant, le lien logique, quoiqu’indirect, est assez simple.
La Salsa est pour une large part issue de la culture Afro-Cubaine. Celle-ci prend ses racines dans des sociétés rurales très proches de la nature, qu’il s’agisse des villages Yoruba du Nigéria ou des plantations de café de l’Oriente cubain. Sa vision du monde donne donc une place fondamentale aux plantes, aux arbres et aux animaux,
Cela est vrai notamment dans le domaine des croyances religieuses. Les Orishas (ou esprit) révérés par les pratiquants de la Santeria sont profondément liée à la Nature. Ils sont souvent l’expression ou les maîtres de forces ou d’éléments naturels (les rivières pour Ochun, la foudre pour Chango, la tempête pour Oya, les volcans pour Agalu, etc.). Ils habitent pour la plupart d’entre eux dans la Nature (Oggun et Ochosi dans la forêt, Obba près des lagunes, Yemaya dans la mer, etc.).
Les plantes et les arbres sauvages de la forêt jouent un rôle particulièrement important dans ces croyances. Chaque espèce est en effet sensée posséder un certain nombre de pouvoirs, magiques ou médicinaux (la différence entre les deux n’étant pas d’ailleurs pas toujours très claire). Le principal pouvoir de l’Orisha Osain réside dans la connaissance de ces propriétés.
Chaque espèce vivante est associée à un ou plusieurs Orishas, en fonction des principes qu’elle incarne, des pouvoirs qui lui sont attribués ou des mythes dont elle est l’objet. Par exemple, la courge, censée posséder de nombreux pouvoirs liés aux différentes étapes de la grossesse, est associée à Ochun, déesse de l’amour et de la fertilité. Le majestueux palmier royal est la demeure du beau Chango, au sommet duquel il peut observer les jolies femmes et leur proposer des rendez-vous galants. Le bâton avec lequel Elegba ouvre et ferme les chemins du destin est fait de branches de goyave, dont les formes torturées peuvent évoquer l’idée du hasard.
Quoique très intéressé par la mythologie Yoruba, je suis un enfant des grandes villes occidentales, très éloigné de la nature. Mes connaissances personnelles en botanique sont donc à peu près nulles, notamment en ce qui concerne les espèces tropicales. Imagine donc mon bonheur, lorsque, à l’occasion d’une excursion au sanctuaire de la Vierge de la Caridad del Cobre, j’eus la possibilité, pour la première fois, de me familiariser avec certains des principaux arbres de la forêt cubaine.
Nous étions allés rendre visite au grand-père de mes hôtes cubains, qui habite une petite maison, entourée d’un grand jardin, dans le village d’El Cobre. Dans ce jardin merveilleux, véritable forêt en miniature, cohabitent des dizaines, peut-être des centaines d’espèces de plantes et d’arbres différentes : le majestueux manguier, le goyavier aux branches fines et torturées, l’oranger aux fruits verts dont raffole Ochun, le palmier royal demeure de Chango, la canne à sucre qui constitua longtemps l’épine dorsale de l’économie cubaine, l’arbre à café dont la culture fut introduite dans le pays au début du XIXème siècle par les colons français fuyant la révolte des esclaves Noirs d’Haïti…
Tout à coup, devant mes yeux émerveillés, C’est toute la mythologie Yoruba, ainsi qu’une partie de l’histoire cubaine, si liée à l’agriculture tropicale, qui prenaient vie sous leur forme végétale.
Je m’emparais donc de mon appareil photo pour conserver quelques images des plus belles et des plus importantes de ces espèces, et notamment des arbres. Tu peux voir le résultat de ce travail exploratoire dans le diaporama associé à cet article. Je te promets, dans quelques jours, de le compléter par une présentation plus approfondie des plantes et de leurs propriétés magiques et curatives.
Fabrice Hatem