Mardi 14 septembre 2010, Santiago de Cuba
(pour consulter une vidéo et un diaporama de cette soirée, cliquez sur les liens suivants : Diapo et Vidéo)
Chère Mireille,
Une caractéristique très agréable de Santiago est qu’une proportion appréciable des meilleurs lieux de musique et de danse sont concentrés au cœur de la vieille ville, autour de la place Cespesdès. Il est donc possible au noctambule indécis, en quelques pas d’une agréable flânerie, de faire le tour des différentes « Casas » pour choisir le lieu où il passera la soirée. C’est ce que j’ai fait ce mardi.
Mes pas m’ont ainsi conduit vers plusieurs temples fameux du Son et du Boléro, comme la Casa Artex – une grande salle une peu poussiéreuse à laquelle on accède en traversant un grand bar qui fait aussi office de boutique de souvenir – ou la Casa del Coro Madrigalista – une maison basse en rez-de chaussée, aux murs soigneusement crépis en ocre (voir diaporama).
Ces deux établissements faisant relâche ce soir-là, j’ai finalement opté pour la Casa de la Trova, où se produisait un sympathique orchestre de boléro animé par deux sœurs, Las Hermanas Ferrin. Cela me permit également d’assister à une jolie démonstration de boléro (voir extraits dans la vidéo). Cependant, n’étant ni totalement convaincu par la qualité musicale du groupe, ni entièrement satisfait dans mon désir de danser, je repartis assez rapidement dans l’intention d’aller me coucher.
Mais, alors que j’allais quitter la place Cespedès en direction de ma casa particolare, mon oreille fut attirée par une vibrante musique de salsa sortant je ne savais d’où. Je me dirigeai alors vers la source de cette musique, comme autrefois les troupes de Napoléon marchaient vers le lieu de la bataille au son du canon. Et je découvris bientôt, caché derrière un bâtiment assez moderne abritant, je crois, des locaux universitaires, une sorte de cafeteria-jardin, dont j’appris plus tard qu’elle s‘appelait la Claqueta. Elle n’était mentionnée dans aucun des guides que j’avais emmenés avec moi, mais cela n’empêchait pas l’orchestre qui s’y produisait ce soir-là, Bisset Son, d’être tout à fait excellent et de créer une atmosphère très propice à la danse.
Il avait relativement peu de monde, et les spectateurs étaient souvent en couples, mais j’eus tout de même le bonheur de pouvoir faire danser plusieurs dames ravies de se lever de leur chaise, sous le regard bienveillant de leur compagnon… Bref, je terminais en beauté cette escapade nocturne lancée un peu à l’aveuglette, menacée au moment d’une fin prématurée, et sauvée, comme souvent à Cuba, par un événement non planifié, offrant son bouquet imprévu de joie de vivre et de chaleur humaine.
De cette soirée, sans grand fait saillant culturel, mais très agréable, je peux tirer quelques enseignements sur les particularités comparées de la Havane et de Santiago. La première présente les avantages d’une grande métropole culturelle, où les meilleurs groupes et les meilleurs danseurs de Salsa du monde sont littéralement à portée de main. Mais elle est aussi plus sale, plus fatigante, et ne prête pas très bien à la flânerie – rue Obispo et Malecon mis à part – du fait de ses imposantes dimensions.
En comparaison, Santiago n’offre peut-être pas des ressources culturelles d’aussi haut niveau. Les plus connus des très nombreux musiciens originaires de la région sont partis vivre ailleurs et ne reviennent que de temps en temps à Santiago – à commencer par Eliades Ochao, qui ne manque cependant jamais, tous les deux mois environ, d’offrir aux Santiageros un concert gratuit à la Casa de la Trova lors de son passage.
Si par contre si on veut simplement passer des soirées agréables, bercé par la musique des innombrables et excellentes petites formations de Son et de Boléro qui semblent ici surgir de chaque pierre de la rue, c’est à Santiago qu’il faut aller. Pour un coût globalement plus modique qu’à la Havane, ou pourra aussi aller facilement à la plage, déambuler tranquillement dans des rues sans voiture et sans dangers, et prendre quelques cours de Salsa avec les nombreux professeurs – souvent excellents danseurs – qui vous proposeront leurs services.
A chacun de choisir… mais ce serait dommage de toutes manières, de ne rester que trois jours à Santiago. Prenez donc le temps de savourer cette ville – une des dernières dont l’authenticité populaire n’a pas encore été détruite par les effets de la globalisation et du tourisme de masse.
Fabrice (Hatem)