Par Fabrice Hatem, 30 juillet 2010
Cela fait plusieurs années maintenant que je croise Mariano Galeano dans les festivals organisés par L’association Le temps du tango. C’est un garçon chaleureux et facile d’accès, qui joue complètement le jeu de la vie en communauté au cours des stages. Je me souviens en particulier avec reconnaissance de ses invitations enthousiastes et répétées à jouer avec lui au ping-pong – un jeu qu’il adore -, malgré mes capacités plus que limitées en ce domaine.
J’apprécie aussi beaucoup son travail d’enseignant, qui insiste sur la transmission des bases techniques fondamentales – marche, dissociation, maîtrise de l’axe et des directions, guidage, pivot – plutôt que sur la réalisation de figures toutes faites. Sa pédagogie très progressive prend appui sur la conscience corporelle de l’élève pour l’aider à surmonter les blocages qui s’opposent à la réalisation du mouvement juste. C’est ainsi grâce à son aide attentive et à ses explications souvent lumineuses que j’ai pu maîtriser, entre autres, les techniques de l’enrosque avant et du guidage de la saccada arrière xde la femme.
C’est aussi un excellent danseur, familier les plus grandes scènes de Buenos Aires comme des circuits de festivals et de spectacles internationaux, comme OTango. Après avoir débuté très jeune sa carrière professionnelle dans le Tango, Mariano a ensuite complété sa formation par le contact avec d’autres disciplines, comme la danse moderne et contemporaine (voir sa biographie en pièce jointe). Vous pouvez admirer ici une démonstration qu’il a faite avec sa partenaire Guadalupe Garcia le 24 juillet dernier sur la musique de Nueve Puntos, à l’occasion du festival de Prayssac.
Mais cette année, j’ai découvert que Mariano était aussi chorégraphe. Il a en effet créé le spectacle Tangauchos, où sont associées les deux composantes fondamentales de la culture populaire argentine : le folklore rural et la musique urbaine du Rio de la Plata, elle-même présentée dans toute sa diversité. « J’ai voulu montrer que, même s’ils utilisent des techniques de base communes, les danseurs peuvent le faire en développant des styles très différents. C’est pourquoi on voit dans certaines chorégraphies quatre couples évoluer sur la même musique, mais chacun dans leur style : salon, milonguero, fantaisie, moderne… ». (voir la vidéo de présentation).
Mariano a réuni pour cela cinq couples de danseurs, qui tous m’ont ébloui par leur talent, me permettant aussi de prendre la mesure des progrès techniques fulgurants réalisés par les professionnels par rapport au début des années 1990. Nous prenions alors des cours avec des vieux milongueros certes très authentiques, mais qui avaient souvent été plus familiers, au cours de leur vie, des cafés et des boites de nuit que des studios de danse. Aujourd’hui la jeune génération dispose, grâce à une formation intensive en danse classique et contemporaine, d’un bagage technique impressionnant qu’elle peut mobiliser pour pratiquer un tango de scène de très haut niveau.
C’est vrai de Christian Marquez et Virginia Gomez, qui font également partie, avec Mariano, de la troupe de Otango. Il jouent dans Tangauchos le rôle des danseurs de salon, même si la vidéo ci-jointe les montre pratiquant un tango plus moderne.
C’est vrai de Florencia Mendez et Pedro Zamin, à la fois danseurs de tango et de folklore, et qui travaillent dans la troupe de Roberto Herrera. On peut apprécier dans la vidéo ci-jointe leur virtuosité acrobatique, qui est encore plus impressionnante quand on connaît les dimensions minuscules de la scène où cette démonstration a été tournée, celle du Viejo Almacen.
C’est aussi vrai de German et Rocio Filipeli, membre de la troupe de Fever Tango, et dont nous pouvons admirer ici quelques images d’un spectacle magnifique présenté en Corée. Ces deux artistes jouent dans Tangauchos le rôle des danseurs de style moderne.
Mariano et sa partenaire Guadalupe Garcia sont le quatrième couple de la troupe. Je ne résiste pas au plaisir de vous montrer un extrait d’une autre démonstration également enregistrées à Prayssac, le 20 juillet dernier, sur la musique de Pa’ que te oigan, bandoneon.
Enfin, le cinquième couple est constitué par les danseurs de folklore Eduardo et Romina. Ils ont notamment travaillé, en France, avec la troupe du cirque du soleil. On peut admirer quelques extraits de leur prestation lors d’un spectacle donné par la troupe en février dernier, à l’occasion de la croisière Celebrity Infinity.
Est-il utile de préciser que tous ces danseurs se produisent sur les grandes scènes de Buenos Aires et font également partie du « circuit » des grands festivals et spectacles internationaux ?
Tangauchos sera en tournée en Europe à l’été 2011. Allez les voir, cela vaut la peine. C’est vivant, avec des styles variés, un scénario plein de petites histoires, et très impressionnant sur le plan technique.
Mais Tangauchos, dans l’esprit de son créateur, n’est pas qu’un « show » de plus. C’est aussi une démarche pédagogique complète associant en profondeur enseignement et spectacle. « Je veux renouveler le concept même de festival de tango », explique Mariano. Dans l’approche qu’il propose, les enseignants forment vraiment équipe, puisqu’ils ne sont pas réunis par hasard mais sont les membres – musiciens[1] et danseurs – de la troupe. Le soir, le « show » n’est pas constitué, comme habituellement, par des démonstrations isolées, mais par un extrait du spectacle, lié au thème des ateliers de la journée, interprété par la troupe des danseurs et accompagné par l’orchestre. « Je veux que l’élève, en voyant les manières différente dont chaque enseignant traite une difficulté technique, prenne conscience de la diversité des options qui s’ouvre à lui. C’est pour cela que chaque atelier-cours est animé par deux couples d’enseignants, jouant alternativement le rôle de professeurs principaux et d’assistants ». Des stages de musique pour les danseurs sont également intégrés dans le programme du festival et animés par les musiciens de Tangauchos. L’expérience a déjà été menée à plusieurs reprises, avec succès, en Amérique du nord (croisière "Celebrity Infinity", tournées au Canada..).
Une grande tournée est en préparation pour l’été prochain en Europe. Des festivals sont déjà prévus en Belgique, Hollande et sans doute en Pologne. Mais la troupe a encore quelques dates libres. Si des responsables d’associations ou des producteurs étaient intéressés, ils peuvent contacter Mariano : galeanomariano@yahoo.com.
Fabrice Hatem
[1] La troupe de tangauchos intègre également cinq musiciens, sous la direction musicale de Pedro Ochoa.