Mireille, partenaire de danse et de vie
Ce petit texte parle de l’histoire d’un amour partagé pour la danse, qui est aussi une histoire d’amour tout court.
J’ai rencontré ma compagne Mireille en 2001, en dansant avec elle le tango dans les milongas parisiennes de l’époque : le Latina, La milonga de la porte de Charenton, les quais de Seine… Il y plus de neuf ans déjà : cela ne nous rajeunit pas… Chaque fois que j’arrivai, je voyais cette jeune femme se précipiter vers moi, d’un mouvement enthousiaste, le sourire aux lèvres, pour ne demander de l’inviter.
J’étais d’autant plus flatté de cette attirance manifeste que Mireille faisait sans aucun doute partie du groupe le plus courtisé – celui des femmes jolies et bonnes danseuses. Je l’invitais donc à venir répéter quelques pas de tango chez moi. Plusieurs années plus tard, Mireille m’avoua qu’elle avait beaucoup hésité à venir, craignant d’avoir affaire à un serial killer, et qu’elle avait demandé à l’une de ses amies de l’appeler pendant la répétition pour vérifier si elle était encore vivante.
Finallement, Mireille survécut à cette première rencontre, et, très vite, notre amour partagé pour le Tango s’épanouit en un sentiment plus intime. Mireille vint alors s’installer chez moi, tout naturellement, six mois plus tard avec ses Origamis, ses calligraphies japonaises, et ses chaussures de danse.
Commença alors une aventure partagé autour de la danse, fruit de notre premier compromis de couple : j’acceptais en effet, sur la jalouse pression de ma nouvelle compagne, de mettre fin à mes relations chorégraphiques avec les multiples partenaires – platoniques – de danse que je fréquentais avant cette rencontre. En échange, Mireille acceptait, en échange de son nouveau statut de partenaire unique, de répéter avec moi tous les soirs…Ce n’est que des années plus tard qu’elle m’avoua combien de fatigue lui avait coûté le fait de danser quotidiennement plusieurs heures avec moi le soir, en rentrant d’un travail souvent exténuant….
Stages, cours, soirées au Latina et ailleurs, nuits de danse sur les quais de la Seine et surtout répétitions quotidiennes… Assez vite, nous avons réussi, à ce rythme fiévreux, à constituer un couple de tangueros plus qu’honorable, comme le montrent ces trois vidéos, où l’où nous voit danser sur les quais de la Seine en été 2003.
https://www.youtube.com/watch?v=E8wOQQZUV74
https://www.youtube.com/watch?v=koZtormaZao
https://www.youtube.com/watch?v=kRNuHQqQUJM
L’idée a alors germé, vers l’automne de l’année 2002, de préparer quelques chorégraphies afin de nous produire lors de petits évènements – brocantes, fêtes de village ou de quartier, mariage, etc. Nous avons alors commencé à répéter, sous la direction d’un couple de danseurs parisiens, Charlotte Hess et Miguel Gabis. Au bout de six mois de travail assidu dans notre grand salon, nous avions réussi à créer un répertoire de trois chorégraphies : Le tango Este es el rey ; la milonga Taquito Militar ; et la valse Rosas de Autoño.
Ce bagage était apparemment minimal, mais nous avait tout de même coûté beaucoup d’efforts, de temps, d’argent. Et sa difficile acquisition avait stimulé notre créativité artistique et aiguisé notre attention à la qualité esthétique du mouvement. Restait maintenant à bâtir notre programme de tournées.
L’axe principal autour duquel il s’organisa fut la fête de l’escargot à Digoin, dans une région de collines bourguignonnes, bordant la vallée de la Loire. le Brionnais. Mon beau-père Pierre possède une maison de campagne dans un village du cru, Saint-Martin-du-Lac, où il anime chaque été une exposition d’art contemporain. Le réseau de relations qu’il a nouées avec les organisateurs de manifestations culturelles de la région facilita la prise de contact avec l’équipe de la "Fête de l’escargot", qui accepta de nous programmer au cours de festival de l’été 2003, les 2 et 3 Août.
Mais, pour préparer les affiches annonçant notre prestation, il fallait trouver un nom pour notre couple de danse. Celui-ci s’imposa rapidement comme une lumineuse évidence : Los caracoles. En français, cela sonne très bien, cela fait penser à "caracoler". En puis, en espagnol, cela veut tout simplement dire ….les escargots. Alors, bien sur, cela était tout à fait adapté à nos enjeux artistiques du moment. Evidement, en français, Les escargots, cela ne sonne pas très Tango, car ces mollusques gastéropodes, particulièrement lents et peu réactifs, hermaphrodites de surcroît, sont loin de correspondre à l’image d’érotisme et de passion habituellement associée au Tango. Mais enfin, cela nous fit beaucoup rire, et nous devînmes, pour les affiches de la fête de l’escargot, Los caracoles.
Mais enfin, Los Caracoles, ce n’est tout de même pas très parlant. Il fallait donner aux spectateurs potentiels quelques chose de plus explicite pour leur donner envie d’assister à notre démonstration. Nous décidâmes donc d’accoler au nom de notre groupe un qualificatif un plus élogieux. Notre choix se porta rapidement sur l’expression suivante : "Les maîtres du tango Argentin en Brionnais", qui nous semblait donner une juste mesure de notre influence artistique.
Nous apprîmes malheureusement quelques jours plus tard qu’un autre couple – semi professionnel celui-là – se produisait également dans le nord de la région. Il nous était donc impossible, sous peine d’être taxés de publicité mensongère, de prétendre à la prééminence locale. Nous décidâmes donc de limiter nos ambitions et de choisir finalement le slogan suivant : "Les maîtres du tango Argentin en haut-Brionnais sud", qui nous semblait cette fois bien refléter la réalité des choses. Bien sur, cela révélait une influence extrêmement locale, mais enfin, au moins dans le haut-Brionnais-sud, il n’y avait pas de concurrence, et nous étions donc effectivement les meilleurs – puisque les seuls. Sur ces bonnes bases, notre campagne publicitaire pouvait alors commencer.
Cependant, à mesure qu’approchait l’été, il apparaissait que notre travail chorégraphique suscitait autour de nous une dynamique d’intérêt qui se traduisit par d’assez nombreuses sollicitations de démonstrations – devant des publics certes modestes, mais enthousiastes. Comme, de notre côté, nous étions également à la recherche d’occasions pour nous produire, notre agenda se remplit assez rapidement. Outre d’assez nombreuses démonstrations devant des amis – à l’occasion de fêtes, mariages, anniversaires, etc. nous fûmes également amenés à nous produire dans des occasions plus substantielles.
D’une de celles qui est le plus chère à ma mémoire – bien qu’anecdotique sur le plan artistique – est la démonstration que nous fîmes en mai 2003, à l’occasion de la soutenance de ma thèse de doctorat d’économie. C’est donc devant un parterre de professeurs d’université, de hauts fonctionnaires, de chercheurs, et, bien sur d’amis, qu’eut lieu notre première prestation officielle.
D’autres occasions plus substantielles se présentèrent pendant l’été, tout particulièrement au festival de tango de Prayssac, dans la seconde quinzaine du mois de juillet. Les organisateurs, informés de notre démarche artistique et la trouvant sympathique, nous demandèrent – insigne honneur – de faire une démonstration lors du premier soir du stage. Nous nous exécutâmes et reçûmes, à notre grande surprise et à notre grande joie, un accueil très chaleureux de la part du public.
Enfin le grand jour de la fête de l’escargot approcha. Notre démonstration devait avoir lieu à l’heure du déjeuner, les 2 et 3 Août. Nous multipliâmes au cours des derniers jours les répétitions, dans l’ancienne grange de la maison de mon beau-père, transformée par ses soins en galerie d’exposition.
C’est donc imprégnés des formes et de l’odeur de la peinture contemporaine, que nous nous dirigeâmes, le 2 au matin, vers le lieu fatidique où devait se dérouler notre démonstration. La fin de la matinée fut consacrée à une dernière et fiévreuse répétition. C’était, je me souviens, sur l’estrade da salle des fêtes de Digoin, où se tenait également une intéressante exposition sur l’économie de l’escargot. C’est ainsi que j’appris, à mon grand désarroi, que les Escargot dit "de Bourgogne" étaient désormais, pour la plupart, originaires de Hongrie et de Pologne, les coûts de production français étant trop élevés pour assurer la rentabilité de l’activité d’élevage de gastéropodes dans notre pays. Seule la partie "préparation culinaire" est désormais assurée en France.
Mais ce n’était ni le lieu ni le moment d’approfondir l’analyse sur les réseaux de production internationaux dans l’industrie agro-alimentaire. Nous étions de plus en plus anxieux à mesure que l’heure fatidique approchait, et notre nervosité se traduisait, bien sur, par des maladresses croissantes dans notre danse, ainsi que par de multiples petits accrochages entre nous, pour des raisons évidement insignifiantes. Enfin, nous nous dirigeâmes, vers 12h30, au traversant l’immense restaurant à ciel ouvert vers le lieu de l’exécution – je veux dire vers la scène où devait avoir lieu notre démonstration. Celle-ci était prévue entre le show d’un imitateur local de Claude François et le celui du groupe de rock acrobatique d’une école de danse de Digoin. C’est dire que la concurrence artistique était rude !!! D’autant que le public était immense : presque dix mille – enfin, en comptant les escargots. Mais même sans les escargots, il restait bien plusieurs centaines de personnes pour regarder notre travail.
Nous montons sur scène… et le reste est déjà entré dans l’histoire.
Pour regarder notre démonstration de Digoin, cliquez sur le lien suivant :
(video indisponible pour l’instant)
Notre carrière estivale se poursuivit ensuite dans des lieux aussi prestigieux que la brocante de Melay en bourgogne, et la fête champêtre d’un village perdu de haute-Ardèche dont j’ai oublié le nom dans l’Ardèche. Un projet important – une démonstration à la fête du Cabecou dans un village de la Drôme – ne put finalement se réaliser faute de place suffisante dans le programme de cette prestigieuse manifestation.
Pour regarder notre démonstration à la Brocante de Melay :
(Video de Melay indisponible pour l’instant)
Merci à toi, Mireille, d’avoir vécu avec moi cette petite aventure, dont les dimensions ne sont modestes que pour tous les autres. Pour note couple, c’est-à-dire une bonne partie du monde tel que nous le voyons, ce fut une expérience importante et gratifiante, pleine d’émotions et de joies.
Notre brillante carrière de danseurs se poursuivit ensuite au cours des années ultérieures… mais c’est une autre histoire que je vous raconterai une autre fois.
Fabrice Hatem