Ce livre parle de l’aventure napoléonienne telle qu’elle a bercé mes rêves d’enfant. Nés avec les petits soldats en plastique que m’offraient mes parents, ces rêves ont survécu aux années et se sont épanouis sous la forme d’une vaste collection, puis d’un ensemble de récits imaginaires. Mais il ne s’agit pas là d’un document à prétention historique sur les uniformes et l’histoire du premier Empire. Celui qui chercherait des travaux de ce type peut se référer aux revues et ouvrages spécialisés cités en bibliographie.
Petits soldats de mon enfance
Au début, il n’y avait ni Arcole, ni Austerlitz, ni Wagram. Il y avait ma mère, mon grand-père, ma grand-mère, ma tante et mon oncle qui m’offraient des jouets en plastique. Des petits soldats parfois mal peints, comme ceux de la marque Jim, mais dont certains autres étaient de jolis chefs d’œuvres d’un artisanat français qui depuis a été laminé par la mondialisation et ses bienfaits, comme les Starlux de la grande époque… Aujourd’hui, ces figurines qui évoquent les heures les plus glorieuses de notre histoire sont produites en Chine. Et leurs fabricants français ont fait faillite depuis longtemps.
Nous allions les acheter dans un petit magasin situé en face de mon école primaire. rue Lepic à Montmartre. Puis je descendais, le soldat dans ma poche, la rue Tourlaque pour rejoindre l’appartement de mes grands-parents, rue Caulaincourt. Parfois, j’allais jouer avec mon copain Philippe, avenue Junot.
Tiens, j’y pense maintenant : Lepic, général d’empire, commandant des grenadiers à cheval de la garde impériale. Les Caulaincourt, l’un général de cavalerie, mort à la Moskova, l’autre ambassadeur de l’Empereur en Russie. Junot, l’adjudant courageux sur l’épaule duquel le lieutenant Bonaparte appuyait sa longue vue pour pointer ses batteries sur le port de Toulon. Ces rues de mon enfance n’avaient-elle pas des noms prédestinés ?
Mais tout cela, je ne le savais pas encore. Je savais qu’il y avait en face de mon école primaire une petite vieille toute ridée, dans un magasin qui déjà à l’époque me paraissait minuscule, et qui me donnait avec son sourire de sorcière bienveillante une figurine en échange d’une pièce de 50 centimes. Je savais aussi que quand j’allais à Nice voir mes arrières-grands parents, ma mère m’emmènerait certainement visiter une grande boutique de jouets, dans une avenue en contre-bas de la gare, où je pourrais acheter quelques grenadiers ou chasseurs alpins. Aujourd’hui, les petits magasins de jouets ont tous disparu. Mon beau-fils va faire ses achats en ligne sur www.jeuxvideo.com. Et, pour les cadeaux de Noël, nous avons Toy’s R US.
Il y quelques années, j’ai revu en passant, assise à la porte de mon école primaire, une autre petite vieille qui pleurait. C’était l’ancienne concierge de l’école. Quand j’avais cinq ans, elle me paraissait déjà très ridée. Elle nous faisait très peur avec sa grosse voix qui nous grondait quand nous n’étions pas sages. En fait, elle nous aimait beaucoup. Quarante ans après, quand je l’ai revue, assise tout en pleurs à la porte de l’école, elle ne m’a pas paru beaucoup plus vieille que quand j’avais 5 ans. C’est moi aussi, qui avais dû en prendre un coup… Elle était triste, parce qu’on l’avait chassée de sa loge. Alors elle revenait pour retrouver le bon vieux temps. Et il y avait parfois un monsieur un peu grisonnant, bien habillé, la quarantaine passée, qui venait saluer, avec beaucoup d’émotion, cette demi-clocharde, à laquelle il présentait respectueusement ses enfants. Elle avait toujours sa grosse voix, mais elle paraissait si vulnérable, si perdue… une pauvre chose…
Les premiers petits soldats dont je me souviens, c’étaient ceux de la marque Jim. Ils étaient assez mal peints et le nombre de modèles était très limité : une vingtaine au maximum pour les soldats de l’Empire : Il y a quelques années, j’ai appris les circonstances de la disparition de la marque. L’entreprise s’était mise à fabriquer les figurines de Mickey et de Donald, sans demander l’autorisation au détenteur des droits. Disney leur a fait un procès, qu’ils ont perdu, et cela a entraîné leur faillite.
Et puis j’ai aussi collectionné les Starlux. La gamme était beaucoup plus large, les soldats mieux moulés et mieux peints – parfois de très jolies pièces, à la grande époque des années 1960. Quand j’ai recommencé à m’y intéresser, vers le début des années 1990, la marque existait encore – quoique pratiquement déjà à l’agonie – du côté de Périgueux. Vers 1999, elle a été rachetée par les éditions Atlas, qui en a distribué chaque semaine un modèle en kiosque, accompagné d’un fascicule. Cela tombait bien : c’était le moment où j’ai recommencé ma collection. Et puis, quand le filon a été épuisé, la série a cessé de paraitre, et Starlux a disparu corps et biens. Heureusement qu’on peut encore trouver des occasions dans les brocantes ou sur e-Bay !
Je ne collectionnais pas que les soldats de Napoléon. J’avais aussi des soldats romains et gaulois, des figurines du Moyen-âge, des cow-boys et des indiens, des turcs et des lansquenets, des soldats et des matériels militaires modernes, un train électrique et un circuit 24. J’avais aussi des maquettes de bateaux et d’avions de guerre. Tout cela est toujours là, dans des caisses éparpillés entre plusieurs appartements, le mien et celui de ma mère.
Tout, sauf le train électrique, que j’ai donné il y a quelques années au fils d’un ami photographe, installé en Corée et de passage à Paris. Son père, très habile de ses mains, en a fait un magnifique circuit miniature, avec gare, forêts, montagnes, aiguillages. Et puis, ils sont tous repartis en Corée, en laissant la maquette chez la grand-mère du petit Marc, du côté de la Butte aux Cailles. Au fait, le « petit » doit avoir vingt ans maintenant, et me dépasser d’une tête au moins.
Quand j’étais enfant, je passais des heures à faire des batailles dans l’appartement de mes grands-parents, où j’habitais avec ma mère. Je mobilisais pour cela une pièce entière, parfois pendant plusieurs jours. Les adultes devaient alors marcher sur la pointe des pieds, entre les figurines, pour ne pas bousculer mes dispositifs de bataille. Selon les cas, ils ne pouvaient plus utiliser la salle à manger, la chambre à coucher, la salle de bains. Mais ils ne me reprochaient jamais rien. Je ne sais pas comment ils faisaient pour supporter stoïquement une telle occupation militaire. La seule réponse plausible, c’est qu’ils m’aimaient vraiment beaucoup. J’étais le seul enfant de la maison. Alors évidement, j’étais un peu gâté. Mais pas pourri, parce qu’au fond j’avais plutôt bon caractère et j’étais un gentil petit garçon, quand je ne mordais pas ma grand-mère jusqu’au sang.
Je construisais aussi des maquettes militaires : avions, bateaux, figurines. Mais je dois ici faire un aveu : je suis non seulement très maladroit de mes mains, mais également particulièrement peu soigneux. Résultat : mes maquettes étaient mal construites, mal peintes, couvertes de dégoulinures de colle mal posée. Dès que l’ajout d’une pièce s’avérait un peu difficile, j’y renonçais pour me contenter d’un objet à moitié fini, sans les petits détails qui en font la valeur aux yeux des vrais collectionneurs. De toutes manières, ce n‘était pas très grave, puisque je traitais ensuite ces maquettes sans aucun soin, les jetant en vrac, presque brutalement, dans les caisses en cartons ou en bois où elles étaient entassées en attendant la prochaine bataille. Ce n’est que beaucoup plus tard, lorsque je suis devenu collectionneur à l’âge adulte, que j’ai commencé à prendre soin des pièces, à leur éviter les chocs et à les réparer systématiquement lorsqu’elles étaient cassées.
J’ai continué à acheter ces figurines en plastique jusqu’à un âge relativement avancé. Je me souviens que j’ai livré mes dernières batailles d’enfant, si je puis m’exprimer ainsi, vers 16 ou 17 ans. Puis, les soldats ont été relégués pendant de longues années dans leurs caisses de carton et de bois, au fonds de sombres placards. J’étais trop occupé par mes études, par mes relations féminines et par les débuts de ma vie professionnelle, pour accorder trop d’importance à une activité qui semblait définitivement reléguée dans les brumes lointaines de l’enfance.
Naissance d’un collectionneur
C’est à partir du milieu des années 1980 que j’ai recommencé à éprouver d’intermittentes bouffées d’intérêt pour ces miniatures. Je recommençai, la trentaine passée, à chiner dans les brocantes, à la recherche de figurines napoléoniennes que je remisais d’ailleurs dans des caisses immédiatement après leur acquisition. J’allais parfois, le samedi ou le dimanche matin, à la brocante de la Porte de Vanves. Je fréquentais aussi le marché Vernaison, aux puces de Saint-Ouen. J’y fis notamment l’acquisition, parmi de nombreuses autres pièces, de boites de fantassins anglais et français en plastique qui constituèrent, bien plus tard, et une fois peints, l’un des fonds essentiels de mes dioramas de Waterloo.
Après mon divorce d’avec ma première épouse Nadine et mon déménagement vers l’appartement de la rue Damrémont que j’occupais entre 1988 et 1995, je fus pris d’une subite et nouvelle passion pour les figurines militaires. Je passais alors des jours entiers à peindre les foot-guards anglais et autres fantassins français trouvés à Saint-Ouen. Après quoi, je mis en place consciencieusement dans mon salon – au grand étonnement de mes amis – l’ensemble de mes régiments, parvenant pour la première fois à reconstituer une scène de bataille sans anachronisme – l’uniforme des troupes ennemies étant bien, cette fois, d’époque.
Cette reconstitution m’avait cependant douloureusement fait prendre conscience des limites de ma collection. Je n’avais pratiquement pas d’artillerie et surtout, aucun artilleur en tenue ; quelques canons en plastique de la guerre de sécession, trouvés au marché Vernaison, permettant mal de combler cette lacune. Du côté de la cavalerie, la situation était encore plus insatisfaisante : pas de chasseurs à cheval, pas de hussards, pas de cuirassiers ; un escadron de dragons qui, par son faible nombre et son état de délabrement, semblait tout juste rescapé de la retraite de Russie. Même dans l’infanterie, de loin la plus nombreuse, les attitudes de mes soldats étaient limitées à une dizaine de modèles, provenant essentiellement de la marque Jim. Encore leurs uniformes manquaient-ils terriblement d’exactitude. Mais c’est du côté des troupes étrangères, dont j’étais presque totalement dépourvu à part quelques maigres bataillons anglais, que la situation était la plus tragique : au point que lorsque j’étais enfant, il me paraissait normal de faire s’affronter, sur le champ de bataille, mes soldats napoléoniens avec des troupes contemporaines !!!
Bref, mes armées me paraissaient dans un état déplorable. Mais en fait, c’est mon propre regard qui avait changé. Mes figurines n’étaient plus désormais pour moi de simples jeux d’enfant. Elles constituaient, désormais, l’embryon d’une collection. L’exactitude des uniformes, l’état des pièces, la complétude des séries, devenaient de ce fait des critères fondamentaux. Bref, je m’étais transformé, sans même m’en rendre compte, un collectionneur.
Dès lors – nous étions alors au début des années 1990 – la question qui se posait pour moi était la suivante : comment me procurer les pièces manquantes ? Je mis à profit tous les moyens existants pour les obtenir. Je rentrai en contact avec la société Starlux, à Périgueux, pour lui commander d’importantes quantités de figurines à l’état brut – grenadiers, fantassins de la ligne, hussards, dragons notamment – que je construisis et peignis ensuite moi-même. Je fréquentais systématiquement toutes les brocantes de Paris, où je me rendais le week-end, le cœur battant, dans l’espoir de trouver une pièce manquante ou rare. Je visitais également, mais en achetant peu compte tenu du prix, les boutiques de figurines de collection du quai de Montebello ou du Palais-Royal ; je restais là parfois une heure, le nez collé sur la vitrine, comme un enfant devant un magasin de jouets. Je me procurais des maquettes en plastique – de marque Historex notamment – que je peignais moi-même. Ceci me permit notamment de commencer à constituer mes escadrons de cuirassiers, et beaucoup plus tard, mes régiments d’artillerie. Je fréquentais pour cela plusieurs boutiques aujourd’hui disparues, comme celle du 10ème hussard derrière la Bastille, ou celle de la rue Ginoux, dans le 15ème arrondissement .
Lorsque je me déplaçais en Province, je ne manquais jamais de prospecter les ressources locales. C’est ainsi que je fis l’acquisition dans une brocante de Vendée, pour une bouchée de pain, vers le milieu des années 1990, d’un magnifique ensemble de musiciens de la Garde impériale en métal, fabriqués artisanalement par un amoureux fou de l’Empire : la meilleure affaire de toute ma carrière de collectionneur !!! Un peu plus tard, je trouvais un groupe de foot guards anglais, de marque Britains je crois, dans une brocante du cours Saleya, au coeur du vieux Nice.
D’autres sources d’acquisition n’apparurent qu’un peu plus tard. La plupart de mes figurines de marque MSHP, par exemple – de superbes moulages en métal inspirés du tableau de Louis Lejeune représentant la bataille de la Moskova – furent acquises dans une brocante de Prayssac, entre 1997 et 2007. Je me rends là-bas tous les ans en été pour animer un stage de tango. Tous les jeudis matin de juillet et d’août, il y a brocante sur la place Bessières, à l’ombre de la statue du maréchal (cela ne s’invente pas…). Et à heure fixe, d’année en année, je négocie durement le prix d’une nouvelle figurine MSHP – celle que j’ai finalement renoncé à acheter l’année précédente – auprès du même brocanteur souriant et rondouillard, fidèle à notre rendez-vous. Vers le milieu des années 1990, s’ouvrit près de chez moi, derrière la mairie du XVIIIème à Paris, une boutique de brocante « bas de gamme », où je pouvais me procurer d’abondantes quantités de figurines Jim et Starlux, ainsi, parfois, que de quelques belles pièces de collection, notamment quelques très beaux chevau-légers et lanciers. Je dénichais dans un magasin de modèles réduits du centre de Lyon, au début des années 2000, quelques très jolies figurines d’infanterie de ligne en métal brut. Plus près de chez moi, rue Damrémont, je repérais à la même époque, un train des équipages allemands de la IIème guerre mondiale, constitué d’une carriole tirée par des chevaux. L’ayant bien observé, j’en conclus qu’une fois peints convenablement, ils pourraient tout à fait passer pour une escouade de carabiniers à cheval au repos. Mais n’anticipons pas : c’était déjà l’époque où je cherchais à compléter les dioramas de mes grandes étagères….
Or, vers la fin des années 1990, mes moyens d’exposition restaient encore rudimentaires. A cette époque, j’avais déjà constitué une collection de figurines françaises relativement riche et complète. Mais celles-ci n’étaient exposées, vaille que vaille, que sur quelques étagères de bibliothèques débarrassées à cette fin de leurs livres. Cette solution, qui au début suffit à satisfaire mes ambitions encore modestes, me parut de plus en plus frustrante au fil des années. Je ne pouvais en effet exposer ainsi qu’une partie de mes figurines, le reste demeurant caché dans des caisses. De plus, cette collection n’était mise en valeur par aucun décor. Je me souviens de ma fascination, lorsqu’ayant achevé la peinture d’un très grand nombre de figurines de marque Starlux, je les disposai, tout simplement, sur un table recouverte d’un tapis de jeu évoquant un gazon vert : le progrès dans le réalisme était déjà saisissant !!! Qu’en serait-il, pensai-je alors, lorsque l’on aurait rajouté des arbres, des rivières, des maisons, des collines, de la terre, bref tout ce qui pouvait constituer les éléments d’un véritable décor !!!
Le rève d’un diorama géant
Dès lors, une idée commença à germer dans mon esprit : celle de constituer un véritable diorama mettant en scène mes armées dans des décors complets. Mais cela représentait un redoutable défi technique, dans la mesure où la place nécessaire pour loger ces milliers de figurines à l’échelle 1/35ème était tout à fait considérable. Au point que j’hésitais même un moment – pour des raisons de place, mais également pour des raisons financières, car la constitution de ma collection représentait, comme vous l’imaginez, un budget considérable – à changer totalement d’échelle, en réalisant des dioramas à partir de figurines de taille 1/72, de type Airfix. Cette solution offrait de plus l’avantage de me permettre d’accéder à un très large choix d’uniformes, y compris pour les armées étrangères – ce qui n’était pas le cas pour l’échelle 1/35, où les soldats autrichiens, prussiens et russes, notamment, faisaient terriblement défaut, tandis que la variété des positions restait limitée même dans l’armée napoléonienne. Je commençais donc à faire l’acquisition de plusieurs lots de figurines à l’échelle 1/72, esquissant ainsi un début de réorientation vers ce type de miniatures.
Plusieurs considérations, cependant, me conduisirent à renoncer à ce projet pour revenir définitivement à l’échelle 1/35. La première était d’ordre matériel : cadre supérieur, sans enfants à charge, propriétaire d’un grand appartement comportant une pièce entièrement vide, je n’étais pas confronté à de fortes contraintes financières ou d’espace habitable. Je pouvais, sans problèmes, continuer à gaspiller des sommes considérables dans l’achat de figurines, puis trouver largement chez moi la place de les exposer, sans compromettre ni ma situation de fortune, ni mon confort domestique. La seconde raison – la plus importante – était d’ordre sentimental. J’avais conçu, au fil des ans et des péripéties de mon aventure de collectionneur, un attachement quasi personnel pour certaines de mes figurines : les vieux grenadiers Jim au défilé, les plus chers à mon cœur, réveillaient dans ma mémoire de tendres souvenirs d’enfance. La découverte d’un joli grenadier à cheval Segum aux puces de Vanves avait constitué pour moi une joie profonde dont je conservais un vif souvenir. J’étais fier d’avoir peint moi-même, aux couleurs du 9ème régiment, tout un escadron de hussards acheté en vrac à la société Starlux. Abandonner ces fidèles compagnons au profit de petits bouts de plastique anonymes à l’échelle 1/72 – vis-à-vis desquels je ne ressentais aucun attachement particulier – me serait apparu comme une forme de trahison. Enfin, ma collection au 1/35 était déjà largement avancée, alors qu’il m’eut fallut tout recommencer à zéro avec une collection au 1/72. Ayant renoncé à cette dernière solution, c’est donc mes soldats au 1/35 que je décidai de mettre en valeur par un diorama géant.
Une fois prise cette décision importante, encore fallait-il réfléchir aux moyens matériels de créer le support nécessaire. Je disposais alors, depuis le départ de ma 2ème épouse, Claire, d’une grande chambre libre dans mon appartement. Je décidai alors, peu de temps après mon retour d’Argentine à la fin 1999, de transformer cette pièce en salle d’exposition. Je demandai à un petit entrepreneur de ma connaissance de me construire à cet effet des étagères en bois le long du mur du fond de la chambre. C’était un personnage, ce monsieur : il faisait des travaux d’électricité et de menuiserie pour gagner sa vie, mais sa véritable vocation était celle de chanteur d’opérette. Il me montrait souvent les photos de ses spectacles. Un homme charmant, plein de fantaisie, un peu fou comme moi, donc idéal pour être associé à mon aventure.
Une fois construites ces premières étagères, je m’empressai d’en tapisser le sol de faux gazon en papier afin de pouvoir y loger mes figurines. Le résultat était déjà spectaculaire !!! Pour la première fois, je pouvais contempler l’ensemble de mes armées, logées dans un lieu permanent, et mises en valeur par un début de décor. Je pouvais mesurer l’importance du progrès réalisé par rapport au mois précédent : j’avais alors, une dernière fois, répandu mes collections, désormais pléthoriques, sur toute la superficie de mon salon !! J’étais bien passé, cette fois, du statut d’enfant attardé à celui de collectionneur : il était temps, j’avais plus de 40 ans maintenant !!
Cependant, les limites de cette première opération m’apparurent rapidement. Tout d’abord, la place disponible sur les étagères restait limitée. Certes, je n’avais pas lésiné sur les moyens : 50 centimètres de profondeur sur environ 3 mètres de large et 4 niveaux. Mais ma collection, elle, était en train de devenir gigantesque. Trop serrées les unes contre les autres, les figurines perdaient de leur attrait. Largement à cause de cela, mais aussi du fait de ma maladresse de débutant, mes dioramas, trop statiques et dépourvus de variété, manquaient d’intérêt. Enfin, les décors restaient extrêmement pauvres, limités à quelques malheureux arbres rachitiques en mauvais plastique. Je résolus donc de surmonter ces difficultés par une action radicale.
Mon rève prend forme
Tout d’abord, je construisis moi-même, sur un deuxième mur de la pièce, des étagères supplémentaires, multipliant aussi par un facteur trois l’espace disponible. C’était, je crois, au printemps 2001. Je dus pour cela me familiariser avec un monde totalement nouveau pour moi, celui du bricolage : perceuses, scies et montants porteurs. Je dus aussi transporter, depuis le Conforama de la place Clichy jusqu’à mon domicile, d’immense plaques de bois découpées aux dimensions voulues. Ayant vidé les premières étagères de toutes leurs figurines, j’entrepris alors la construction du cadre physique de mes dioramas. Je recouvris d’abord l’ensemble des étagères de papier-gazon. Puis, j’entrepris de fabriquer l’arrière-fond mural. Mais il me fallait pour cela concevoir tout d’abord le sujet de chacune de mes scènes afin de fabriquer le décor le mieux adapté.
Mon matériau spatial de base était constitué par quatre grands plateaux superposé de 50 centimètres de profondeur chacun, disposés en équerre sur une largeur totale d’environ huit à neuf mètres. Je devais y loger environ 2000 figurines napoléoniennes, à pied et à cheval, en position de défilé ou de combat, plus quelques centaines de soldats britanniques. La question était d’organiser cette matière première d’une manière à la fois séduisante et historiquement vraisemblable. Je résolus ce problème en définissant pour chaque plateau une thématique dominante : le rez-de-chaussée serait consacré aux combats d’infanterie ; le premier étage, aux défilés et aux marches ; le deuxième, aux charges de cavalerie ; enfin, le troisième aux scènes de campagne : cantonnement, franchissement de ponts, forges et train d’artillerie, canons en batterie, Etat-major napoléonien.
Mais une fois défini le scénario général de mes étagères, le plus difficile restait à faire. Jusqu’ici, je m’étais en effet contenté de constituer, un peu au hasard des achats, une galerie à peu près complète d’uniformes napoléoniens. Maintenant, il me fallait, avec cette matière brute, reconstituer des scènes visuellement intéressantes et crédibles. Et je butais alors immédiatement sur une difficulté majeure : il me manquait une grande partie du matériau nécessaire pour parvenir à cette fin – figurines, accessoires et éléments de décoration de toutes sortes -. Je devais donc me les procurer rapidement pour pouvoir réaliser mon projet. Je m’attelais alors à cette énorme tâche, qui me mobilisa, je crois, pendant une bonne partie de l’été 2001.
Tout d’abord, il me fallait, comme je l’ai dit, constituer un décor de fond. Après plusieurs essais infructueux, je résolus d’employer la technique suivante : coller, sur des panneaux de contreplaqué, suffisamment épais pour ne pas gondoler et suffisamment légers pour ne pas surcharger les étagères, des reproductions évoquant les scènes que j’allais ensuite reconstituer avec mes figurines. Par exemple, une illustration représentant des lignes de fusiliers serait disposée derrière un combat d’infanterie ; l’image d’un escadron de cuirassiers serait reproduite derrière le diorama représentant une charge de ce corps sur les lignes anglaises. Pour réaliser ces fonds illustrés, je m’appuyais sur le matériel iconographique des fascicules de la collection Atlas/Altaya dont je parlerai plus loin. Je commençais par découper, puis mettre à l’échelle à travers une succession de photocopies grandissantes, l’image choisie. Puis j’allais la faire reproduire, en plusieurs exemplaires, dans un magasin d’impression situé à deux pas de mon bureau, boulevard Malesherbes. Ses employés ont toujours réalisé avec diligence et gentillesse ces tâches compliquées et peu lucratives, ce pourquoi je leur voue une grande reconnaissance. Restait ensuite à coller les images sur les petits panneaux de contreplaqué de taille standard que j’avais confectionné, puis à fixer ceux-ci le long des murs, au fond du diorama.
Mon décor de fond étant ainsi constitué, il me fallait maintenant réaliser le sol. J’utilisais pour cela tous les matériaux qui me tombaient sous la main. De vieux blocs de polystyrène, dûment découpés, constituèrent la structure du relief. Ils furent ensuite recouverts de terreau acheté chez un fleuriste ou de papier-gazon. Les éléments de mon grand aquarium, à l’abandon depuis des années, furent également recyclés : les pierres servirent à représenter des reliefs rocheux, les petits graviers dessinèrent les sinuosités des routes et des chemins. Quelques carreaux de céramique bleu azur, descellés depuis des années du carrelage de ma salle de bain, figurèrent les rivières. Des petits cailloux de ciments, opportunément tombés d’un camion passant près de chez moi, furent promptement ramassés et reconvertis en grosses pierres sur lesquelles pouvaient venir s’asseoir mes grognards fatigués par leurs longues étapes. Le décor géologique de mes batailles avait ainsi pris forme.
Restait maintenant à réaliser l’étape suivante : celle de la géographie naturelle et humaine. Je passais alors de longues heures à fouiner dans les magasins spécialisés en trains électriques, miniatures et autres jeux de statégie, ainsi que dans les boutiques de santons, pour me procurer le matériel nécessaire. L’herbe, les arbres et le sable, ainsi que de nombreux murets et quelques plissements de terrain derrière lesquels pouvaient s’abriter les tirailleurs, provinrent largement de la boutique Descartes, près du boulevard Malesherbes. J’y achetai également un cimetière complet, utilisé depuis comme fortin par les troupes britanniques. Un magasin de santons du 8ème arrondissement me procura trois magnifiques maisons. Je cantonnai dans la première un escadron de carabiniers ; j’utilisai la seconde comme écurie ; la troisième est toujours l’objet de furieux et incertains combats. J’acquis également dans cette boutique plusieurs autres éléments de décor : un escalier monumental conduisant à l’esplanade ou se trouve aujourd’hui, installé sur une pile de vieux livres, le quartier général de l’Empereur ; une fontaine de village, placée en contrebas de celui-ci, et où les chevaux de la suite impériale viennent se désaltérer ; enfin, plusieurs murs de ferme derrière lesquels se sont retranchés des grenadiers autrichiens qui repoussent un assaut du 10ème léger.
Le reste de mes bâtiments est de provenances diverses : une superbe ferme miniature, acquise pour un euro dans une brocante de la rue Ordener (encore le hasard ?), abrite le cantonnement d’un escouade de dragons, et sert parfois de décor à des scènes de séduction amoureuse ; un-moulin de facture très grossière, placé au bord d’une route, sert de logement à quelques musiciens et tambours-majors devant lesquels défile une colonne de chasseurs à cheval ; un pont en pierre permet à un régiment de grenadiers de passer à pieds secs une rivière en céramique. Un reste de château-fort du Moyen-âge abrite une réunion de l’état-major de Wellington. Enfin, une superbe maison à arche de marque Frontline Figures, haute de deux étages, représente l’entrée de Vienne, par laquelle les chasseurs à cheval de la Garde sont en train de pénétrer dans la ville.
Mais je ne me contentais pas d’acheter des décors tout faits, j’en fabriquais aussi. J’appris à découper habilement le polystyrène, à le peindre au lavis et à le recouvrir de mousse artificielle pour simuler mur et murets. Je floquais de la poudre beige sur des bandes de carton souples pour simuler des routes et des chemins. J’achetais dans une boutique de la rue du Quatre septembre des maquettes en polystyrène d’origine polonaise pour représenter, une fois peintes, des maisons et des églises en ruine où se déroulent actuellement de terribles combats de rue. Je créais des rivières en peignant en bleu la face intérieure de feuilles de plexiglas transparentes. Celles-ci peuvent à l’occasion devenir la Berezina grâce à un délicat saupoudrage de talc ou de farine.
Je mettais également la Nature à contribution. Les meules de mon diorama sont faites de véritable foin de Bourgogne, recueilli par moi dans le jardin de mon troisième beau-père. Les tas de bois sont faits de brindilles ramassées en face de la piscine municipale de Marcigny, puis mises aux dimensions nécessaires par mes soins. Et la terre sur laquelle mes soldats inscrivent la marque de leur pas est de la vraie terre de France.
Une fois réalisés les décors, et avant même l’arrivée des troupes, il fallait également les peupler de quelques civils. Les boutiques de santons furent alors largement mises à contribution pour me procurer fermiers et fermières, tandis que j’achetais veaux, vaches, cochons et poulets dans différents magasins de jouets.
Tout était prêt, maintenant pour accueillir mes armées. Je commençais donc à installer mes figurines militaires dans ces décors, à mesure que ceux-ci étaient achevés. Mais surgirent alors de très nombreux problèmes de ressources et de vraisemblance. En cherchant à les résoudre, de réalisais des progrès majeurs dans la qualité et la diversité de ma collection.
Tout d’abord, se posait le problème des morts et des blessés. Beaucoup de fabricants de figurines militaires, en effet, semblent oublier que les guerres napoléoniennes étaient coûteuses en vies humaines. Les victimes ne figurent donc pas dans leur catalogue. Or, représenter une charge de cavalerie ou une attaque d’infanterie sans y introduire quelques morts et quelques blessés revient à proposer un cassoulet sans saucisses ou une tarte aux pommes sans cannelle : on y perd alors un élément essentiel de la recette, celui justement qui lui donne tout son subtil fumet. Tel un moderne Moloch-Baal, je réclamais donc à chaque régiment, à chaque armée, leur lot de victimes sacrificielles pour prix de ma démiurgique création de leur monde. Tout fut bon pour réaliser cette sinistre besogne : par un habile maquillage, je transformais en soldats napoléoniens des figurines de blessés modernes ; j’achetais à prix d’or chez Frontline Figures et King and Country de superbes morts tout sanglants. Je fabriquais même des cadavres de toutes pièces, à partir des éléments de figurines Historex, ce qui présentait l’avantage supplémentaire de pouvoir varier à l’infini la position des corps torturés par la souffrance. Je transformais en blessés des soldats cassés ou incomplets en les recouvrant de sang. Sans pitié pour leur muette supplication, j’estropiais moi-même quelques hommes valides dont l’attitude me déplaisait ; enfin, je recyclais les pièces manquées des moulages réalisés grâce au système Prinz August dont je parlerai plus loin. Bientôt, je réussis à infliger à mes troupes, jusque là invulnérables aux coups et aux balles, un pourcentage de pertes tout à fait convenable. J’étais satisfait : les morts couverts de sang jonchaient désormais le sol de mes étagères, tandis que les blessés tombaient, tordus par d’affreuses contorsions de douleur.
Une deuxième difficulté était liée aux lacunes et aux imprécisions de ma collection de figurines françaises. Beaucoup de mes vieux soldats, entassés sans soin pendant des années étaient en mauvais état, un bras en moins, le socle cassé, la baïonnette manquante. D’autres, de faible qualité, étaient peints de manière très médiocre, peu respectueuse de la vérité historique. Je dus donc entreprendre un long travail de réfection, pinceau et tube de colle à la main, pour soigner, vêtir et armer convenablement mes troupes. De plus, certains uniformes étaient toujours manquants, tandis que dans d’autres armes, la variété des positions laissait à désirer, ne laissant espérer qu’un diorama très morne de figurines toutes semblables. Je dus donc entreprendre un long travail de maquillage et de recherche, transformant l’uniforme de certains soldats pour les transférer de corps pléthoriques vers des unités exsangues, tout en faisant l’acquisition de figurines dont les positions nouvelles permettaient d’accroître la diversité des attitudes. J’allais même jusqu’à maquiller des soldats de l’époque contemporaine pour alimenter la variété de mes cohortes napoléoniennes, transformant, avec un succès inégal, des soldats de la légion étrangère en fusiliers de la ligne et des gardes républicains en cuirassiers.
La troisième difficulté était la plus grave : sans doute averti des qualités militaires des troupes françaises, l’ennemi se dérobait au combat. Plus exactement, j’avais pendant trente ou quarante ans accumulé les figurines de soldats français sans penser à me procurer ni prussiens, ni russes, ni autrichiens. Les seules troupes ennemies alors à ma disposition étaient quelques dizaines de fantassins anglais et écossais en plastique, acquis, en vrac, dans une brocante de Saint-Ouen et peints par mes soins. Il me fallait donc d’urgence faire lever par l’ennemi des troupes supplémentaires pour pouvoir leur livrer bataille.
Je commençais donc à parcourir fiévreusement les brocantes, à la recherche de foot guards anglais et autres highlanders écossais. Je réussis à constituer un escadron de Scott Greys grâce à l’achat de quelques maquettes Airfix. Je fis l’acquisition, à prix d’or, de quelques dizaines de figurines Frontline Figures. Mais surtout, je découvris un jour, au salon de la figurine et du modèle réduit de la porte de Versailles, les moules Prinz August. Ceux-ci me permettaient, moyennant l’acquisition du matériel nécessaire, de fabriquer en nombre illimité les figurines -françaises ou anglaises – dont j’avais besoin, et ce dans une assez grande diversité de positions. Je fis donc immédiatement l’acquisition de quelques moules, je que complétais plus tard par d’autres emplettes dans un merveilleux magasin de la rue de Tolbiac aujourd’hui disparu, le Paquebot Normandie – qui fut également le dernier à vendre sur Paris, jusqu’à la fin du siècle dernier, les vraies figurines Starlux en plastique. Je commençais alors fiévreusement à forger mes unités, chauffant le métal jusqu’à la fusion sur ma cuisinière à gaz, puis faisant couler le liquide brulant dans le moule prévu à cet effet. Plusieurs heures plus tard, une fois le métal refroidi, on pouvait commencer à l’ébarber, puis à le peindre et à le coller. Entre 2000 et 2002, je forgeais ainsi plusieurs centaines de pièces, dont beaucoup d’anglais qui constituent encore aujourd’hui une bonne partie de mes bataillons d’infanterie. A peu près à la même époque, je pus constituer mes tous premiers bataillons autrichiens en peignant des maquettes en plastique Italieri dont j’avais fait l’acquisition opportune dans un magasin situé à deux pas de l’avenue de Clichy.
Dès lors, mes armées ennemies étant devenues suffisamment nombreuses pour jouer, au moins, un rôle de figuration, je pouvais achever, vers 2002, la réalisation de mon grand diorama. Je ne résiste pas, malgré le caractère fastidieux de cette énumération, au plaisir de vous énumérer les scènes représentées dans cette œuvre (voir annexe).
En parcourant cette liste, vous constaterez l’existence de plusieurs tableaux mettant en scène des corps d’appui techniques ou des matériels spécialisés, comme l’infirmerie, les pontonniers, le train et les batteries d’artillerie, ou encore les forges de campagne. C’est largement grâce au montage de figurines Historex, acquises chez Eol’ ou au Paquebot Normandie, que je pus réaliser ces scènes. Enfin, les tentes du cantonnement, trouvées dans le magasin parisien Cow Boy Dream, proviennent de la collection « Guerre de sécession » de Frontline Figures.
A la fin 2002, mon diorama était achevé dans ses grandes lignes. Mais pas ma collection. En effet, plusieurs évolutions majeures dans les modes de distribution des figurines m’ouvrirent de nouvelles opportunités d’achat – et par conséquent de nouvelles sources de déficit budgétaire.
Un univers en expansion
Tout d’abord, plusieurs collections hebdomadaires virent le jour. Il fut ainsi possible de se procurer chaque semaine, chez n’importe quel marchand de journaux, et pour un prix très raisonnable, des figurines que j’avais parfois cherchées pendant des années sans succès ou payées à prix d’or. Les deux premières à apparaître furent les collections Altas /Altaya, respectivement consacrées aux soldats à pied puis aux cavaliers de l’Empire, et dont la période de parution s’étala approximativement entre 1999 et 2003. Il s’agissait en fait des vieux modèles de figurines Starlux, désormais fabriquées en métal. Moins bien peints qu’à la grande époque, ils étaient cependant proposés à un prix très raisonnable et accompagnés d’un fascicule très bien fait qui rendait leur achat très intéressant. Je puis ainsi, au fil des semaines, compléter mes collections d’uniformes français : grenadiers à pied montrant les armes, cavalerie lourde, chasseurs et dragons, artilleurs, musiciens…. C’est notamment grâce à cette collection que je parvins enfin à constituer des escadrons de cuirassiers et des compagnies d’artilleurs à cheval dignes de ce nom. Je pus également ainsi de faire l’acquisition de mes toutes premières sections d’infanterie prussienne. Mais ce n’était rien à côté de ce qui allait suivre !!
Vers 2002 environ, commença à paraître une autre collection également hebdomadaire. Publiée par les éditions Del Prado, elle fut d’abord consacrée à l’infanterie, puis à la cavalerie, avant de disparaître vers 2005. Elle présentait par rapport à la précédente plusieurs avantages majeurs. Tout d’abord, le rapport qualité/prix en était meilleur : pour un prix légèrement inférieur à celui de Altaya, Del Prado nous proposait des figures de très haute qualité, tout à fait comparables à celles de Frontline Figures, avec il est vrai des positions un peu plus statiques et moins variées. Grâce à l’habileté mal rémunérée des jeunes femmes chinoises, il devenait ainsi possible à un collectionneur européen de la classe moyenne de se constituer une collection qui dix ans plus tôt aurait été considérée comme tout à fait luxueuse. D’autre part, Del Prado proposait une majorité de figurines étrangères. Ceci m’offrait la possibilité de constituer enfin des armées russe, prussienne et autrichienne dignes de ce noms ; ce que j’entrepris alors de faire avec d’autant plus de fièvre que mes régiments ennemis étaient alors majoritairement constitués de britanniques : je ne pouvais donc à ce moment représenter dans mes dioramas que des défaites, et notamment la plus terrible d’entre elles : Waterloo. Un comble pour un amoureux de l’épopée impériale !!
Mais, vers la fin 2005 le début 2006, je découvris une autre innovation technique : grâce à e-bay, il devenait possible de chiner en permanence, depuis n’importe quel ordinateur, dans la boutique virtuelle de l’internet. L’offre était abondante, la bonne affaire paraissait à portée de main. Le système des enchères, avec le suspense haletant des derniers instants de mise en vente, ajoutait encore une touche excitante d’incertitude et de jeu. Bref, je devins, comme ma 3ème épouse Mireille, collectionneuse de maisons de poupée, un e-bayeur acharné, me procurant par ce moyen beaucoup d’uniformes encore manquants dans ma collection, comme encore très récemment ceux de l’artillerie à pied russe. Mais n’anticipons pas.
A l’époque, ma boulimie d’achats et de création de figurines avait déjà conduit à un engorgement des étagères pourtant gigantesques que j’avais construites. Des centaines de figurines d’armées étrangères s’entassaient, à nouveau, dans des caisses. Il fallait donc trouver d’urgence des solutions pour les loger.
Je commençais par solliciter pour mes troupes l’hospitalité des nombreuses maisons de poupée que ma femme avait disséminées dans notre appartement. Malgré l’existence de billets de logement en bonne et due forme, comportant une promesse écrite de paiements en assignats, je me heurtais à une hostilité résolue du côté de mon épouse. Celle-ci tirait notamment argument du risque de désordre créé par la présence de grossiers soudards dans des foyers civils propres et bien rangés. J’eus beau l’assurer que j’avais donné à mes troupes de strictes consignes de bon comportement, et que tout écart de mes hommes serait durement sanctionné, rien n’y fit : la sans-cœur refusa d’ouvrir ses logis à mes soldats transis et affamés.
Je me tournais alors vers ma belle-fille pour lui demander de bien vouloir me faire un peu de place sur ses nombreuses étagères de poupées Barbie. Là encore, refus obstiné, justifié à la fois par des raisons d’anachronisme et de bienséance. J’avais beau argumenter que mes soldats auraient été bien en peine, compte tenu de leur petite taille, de faire le moindre mal à ces géantes, l’hospitalité leur fut également refusée de ce côté.
Je cherchais alors, subrepticement, à grignoter quelques centimètres carrés sur le sol de mon étagère du bas, en gagnant sur l’espace habitable de la pièce. Mais je me heurtais une nouvelle fois à l’opposition de mon épouse, transformée pour l’occasion en louve protégeant sa progéniture. Ma chambre aux soldats faisant en effet également fonction de logement pour ses enfants, elle s’opposa fermement à ce que mes activités militaires empiètent d’un seul centimètre carré supplémentaire sur l’espace vital de ses rejetons. Après quelques mois de guerre de tranchée, faite d’offensives-surprises suivies de contre-offensives foudroyantes se soldant par des blessés à coup de balais, des disparus dans la hotte de l’aspirateur et de nombreux prisonniers difficilement libérés contre une promesse de retraite définitive sur mes positions de départ, j’abandonnais ce combat perdu d’avance.
Je finis par trouver une solution à mon problème en utilisant les armes combinées de la haute diplomatie, de la ruse et de la corruption. Mon beau-fils Maxime, lui aussi contaminé par le climat de folie généralisée qui régnait dans mon appartement, avait en effet entrepris la constitution d’une collection de figurines du Seigneur des Anneaux. Bien loin de l’en dissuader, je l’avais encouragé dans cette voie, jusqu’à réaliser avec lui un immense diorama de 20 mètres carrés dans les chambres du haut de notre duplex. Cette espace se révélait cependant insuffisant pour loger sa collection qui devenait chaque jour un peu plus impressionnante.
Avec une habilité véritablement machiavélique, j’arguai alors de ce fait pour suggérer la construction de nouvelles étagères, dédiés à la collection de Maxime, dans la chambre aux soldats, qui était également la chambre des enfants. Mon épouse, qui s’était dans le passé violement opposée à cette proposition, présentée alors comme un moyen de loger mes propres troupes, ne pouvait plus désormais la refuser, puisqu’elle était censée répondre aux besoins de son fils. Celui-ci constituait d’ailleurs pour moi un involontaire allié, puisqu’il manifestait avec fermeté son désir de disposer, comme le reste de la famille, d’un espace de rangement significatif pour ses collections personnelles. Résultat : c’est mon épouse qui, désormais, me harcelait tout les jours pour connaître la date à laquelle ces étagères seraient enfin construites pour son rejeton.
Je commençai par retarder cette opération avec une lenteur calculée, pour en accroître encore le désir au sein de la seule grande puissance domestique qui aurait pu s’y opposer : ma femme. Puis, cédant un jour à ses injonctions, je finis, muni de ma perceuse et de mes planches de bois, par l’exécuter, en prenant bien soin de sur-dimensionner très largement les étagères par rapport aux besoins de mon beau-fils. Tant et si bien qu’une fois toute la collection du Seigneur des Anneaux mise en place, celle-ci semblait un peu perdue au milieu d’un immense espace inutilisé.
Agissant avec une grande prudence, je ne proposais qu’au bout de quelques semaines d’utiliser une petite fraction – disais-je – de cet espace pour y loger quelques-unes de mes figurines. Je fis bien entendu croître peu à peu cet espace, mais de manière suffisamment progressive pour ne pas éveiller les soupçons de ma famille. Le jour vint, cependant, où tout l’espace disponible se trouvant occupé, ma collection vint à rentrer en concurrence avec celle de mon beau-fils. Tel Saturne dévorant ses enfants, je commençais alors à rogner discrètement l’espace réservé à ses figurines. Maxime s’en étant aperçu, et s’apprêtant à dénoncer mes méfaits à sa redoutable mère, j’achetais alors très efficacement son silence par quelques billets de 20 euros immédiatement consacrés par lui à l’achat de jeux vidéos sur console.
Mes manœuvres cependant, devenaient chaque jour un peu plus visibles, du fait même de leur succès. Une guerre familiale brutale et sans pitié menaçait donc à tout moment d’éclater pour le contrôle de l’espace domestique, lorsque mon beau-fils fêta ses 13 ans. Ayant de ce fait atteint un âge mental supérieur au mien, il décida de cesser ses collection de figurines pour se consacrer au Break Dance. L’espace se libérait donc pour moi : j’avais gagné la guerre les étagères.
Tous les chemins mènent au roman
J’en viens maintenant à la réalisation de ce livre. Comment l’idée en est-elle née ? Par un chemin apparemment tortueux, mais qui finalement aboutit assez logiquement à la principale passion et activité de mon existence, c’est-à-dire l’écriture. Comme je vous l’ai dit, j’avais pratiquement achevé dès 2003-2004 la réalisation de mes grandes étagères, auxquelles je me contentais désormais j’ajouter, par ci par là quelques figurines supplémentaires, tandis qu’une fine poussière commençais à les recouvrir. J’étais très fier de les montrer à mes amis de passage, et j’organisais même à cet effet des visites guidés qui, à vrai dire, suscitaient davantage mon propre enthousiasme que celui de mes invités. Ceux-ci se bornaient en effet dans la plupart des cas à quelques compliments polis et à quelques exclamations de surprise amusée. Je me souviens en particulier avec beaucoup de tristesse de l’indifférence totale avec laquelle des ouvriers polonais, chargés de refaire l’électricité et la peinture de mon appartement, accueillirent l’importante nouvelle, signalée par moi, de la présence du Maréchal Poniatowski aux côtés de l’Empereur, sur le côté droit de la 2ème étagère. Essayez donc, après cela, d’accueillir les étrangers en amis !!!
Par ailleurs, j’avais créé dès la fin 2004, grâce à l’aide d’un collègue de travail, Samuel Jolibois, mon site Web personnel. J’y intégrai d’abord l’historique de mes publications professionnelles consacrées à l’économie internationale. Puis, vers la fin 2005, je créai une seconde section où je mettais en ligne tous les articles publiés depuis 1998 dans une revue de tango dont j’étais alors rédacteur en chef, La Salida. Dans le même temps, la fonction de mon site changeait peu à peu, passant de celui d’archives de mes travaux passés à celui de « blog » me permettant de mettre en ligne et de diffuser à des listes d’abonnés mes nouvelles publications, aussi bien sur le tango que sur l’investissement international.
A partir de 2006, une nouvelle idée germa dans mon esprit : celle d’ouvrir dans mon site Web une nouvelle rubrique permettant de diffuser les photographies de ma collection. Submergé de travail, inapte à la photographie comme à pratiquement toute autre forme de travail manuel, confronté à des problèmes techniques de manipulation de fichiers images, je retardais cependant ce projet jusqu’au printemps 2007.
Lorsque je commençai alors à le mettre en œuvre, mon idée était des plus simples : prendre mes étagères en photographie et les mettre ensuite directement en ligne sur mon site. Je fis donc appel à un ami photographe de tango, Philippe Fassier (devenu depuis lors, sous les traits d’un peintre militaire d’empire, l’un des personnages de mes chroniques napoléoniennes) pour prendre les photos nécessaires.
Mais une fois ce travail achevé, une difficulté surgit immédiatement : les images, en effet, ne pouvaient être présentées seules. Il fallait les accompagner d’un commentaire. Ceci posait à la fois des problèmes de contenu (que dire ?) et de contenant (sous quelle forme matérielle organiser techniquement les fichiers ?) Je pensai tout d’abord à réaliser des diaporamas de type « powerpoint » en illustrant chaque photo par un bref commentaire historique : description de l’uniforme, de la bataille, du personnage, etc. Ce projet impliquait alors de «classer» l’épopée napoléonienne en un certain nombre de catégories et sous-catégories « objectives », comme par exemple : les grandes batailles, les principaux maréchaux, les uniformes des différentes armes, etc.
Je travaillais un certain temps sur ce concept, achevant de rassembler, notamment grâce à des raids fructueux à la librairie historique Tallandier, en face de l’Odéon, une abondante bibliothèque napoléonienne. Je multipliais aussi les recherches sur Internet, pour aboutir finalement à une conclusion très simple : tout était déjà là, décrit dans un luxe de détail très supérieur à ce que je pourrais moi-même proposer (même en recopiant les travaux des autres), et illustré de manière beaucoup plus intéressante par des documents d’époque que par les photos de qualité forcément très moyenne que je pourrais prendre de mes collections.
Il me fallait donc, en abandonnant la voie encombrée du réalisme historique, inventer un mode d’expression original, rompant avec l’objectivisme des fiches techniques, et qui me permette de mettre en valeur de manière attractive une collection certes abondante, mais de qualité globalement médiocre. La solution me vint de la lecture des très nombreux mémoires – apocryphes ou non – écrit par les témoins de l’épopée : le capitaine Coignet, le commandant Barrès, le sergent Faucheur, le commandant Parquin, le capitaine François, le lieutenant Martin, Ida Saint-Elme, et beaucoup d’autres. L’intérêt de ces textes est qu’ils donnaient de l’épopée une vision subjective, partielle, où les trajectoires individuelles se mêlaient à la grande histoire. Les faits historiques étaient ainsi à la fois déformés par la particularité des points de vue et enrichis par l’infinie diversité des anecdotes vécues.
L’idée me vint alors de me placer moi-même dans la peau de l’un de ses soldats de l’Empire pour écrire mes propres mémoires apocryphes. Je me passionnais quelques semaines pour ce concept, commençant à jeter les bases de mon existence rêvée : j’étais un jeune officier de hussard, affecté à l’Etat-major de Soult grâce au soutien de la famille de ma femme, dont était issu le Maréchal. Je suivais alors celui-ci sur tous les champs de bataille de l’Empire.
Je ne tardai pas, cependant, à prendre la mesure des contraintes que m’imposerait cette convention narrative : je ne pourrais en effet décrire à la première personne, sauf à imaginer d’abracadabrantes péripéties, que les évènements auxquels Soult avait participé : donc, pas de bataille de Wagram, pas de retraite de Russie, pas de campagne de France. De plus, l’existence d’un narrateur unique me conduisait de manière quasi-naturelle à entreprendre la rédaction d’un véritable roman, avec toutes les lourdeurs et les frustrations d’un tel projet. Enfin, la trame rigide du scénario ne me permettrait pas de décrire aisément dans le détail, photographies de mes collections à l’appui, chacun des uniformes de l’armée napoléonienne.
Mon projet évolua donc : au lieu d’un long texte, écrit par un narrateur unique, je conçus l’idée de multiplier les points de vue à travers les témoignages succincts d’un grand nombre de personnages fictifs, racontant soit une anecdote précise, soit l’ensemble de leur carrière sous les drapeaux. Je pouvais ainsi, selon ma fantaisie, mes lectures ou simplement le désir de mettre en scène un événement particulier ou même une photographie réussie, construire un véritable kaléidoscope à partir d’un ensemble de petites histoires racontées à la première personne.
Je commençais donc, vers le printemps 2007, à écrire mes premiers textes. Au début, il s’agissait d’anecdotes très courtes, mettant en scène un personnage imaginaire, en général directement tiré de mes lectures, et replacé au cœur d’un événement historique : la prise du plateau de Pratzen, une amputation pratiquée par Larrey, la poursuite des prussiens après Iéna, etc.
Ces premières tentatives me permirent en quelque sorte de « me faire la main » face aux difficultés nées de cette démarche. Tout d’abord, il fallait vérifier l’exactitude historique de certains faits très précis, par exemple le nom de l’officier commandant les chasseurs à cheval lors de l’attaque de Pratzen ou encore les circonstances exactes de la prise de Stettin par la brigade infernale de Lassalle en 1806. Ensuite, il me fallait imaginer, au-delà des faits historiques avérés, le caractère et les anecdotes vécues par mon personnage : s’agissait-il d’un homme posé, d’un bravache, d’une bleusaille immature ? Etait-il ce jour-là bien portant ou malade ? Comment s’était-il comporté au combat ? Avait-il été blessé, décoré ? etc. Il fallait également créer des personnages secondaires – amis ou ennemis – pour donner davantage de vie au récit. Dans un premier temps, je m’appuyais pour cela sur mes lectures, saupoudrant au gré des textes les qualités de cœur et d’intelligence d’un Barrès, les vantardises amoureuses d’un François, la nostalgie bonapartiste d’un Parquin.
Photographe par nécessité
Une fois écrits les premiers textes, il me fallut – et c’était le but même de toute ma démarche – les illustrer par des photographies de mes collections. Moi qui n’avais jamais su me servir, toute ma vie, d’un appareil photographique sans immédiatement le casser ou voiler les négatifs par une ouverture intempestive de la boite !!! Heureusement que le numérique était passé par là !!! J’achetais donc à la FNAC un appareil Panasonic parmi les plus simples, et, muni de quelques conseils du vendeur et du mode d’emploi, je commençais courageusement à prendre quelques photos. Les problèmes techniques les plus évidents (éclairage, ombres intempestives, flous, reflets du flash) furent résolus rapidement – de manière cependant assez grossière comme chaque fois que je touche à une question relative à une activité manuelle.
Mais je me heurtais presqu’immédiatement à une difficulté d’un autre nature : il me fallait maintenant illustrer mes histoires par des photos adaptées, un peu comme dans une bande dessinée. Or, les ressources de mes dioramas statiques s’avérèrent cruellement insuffisantes pour répondre à ce besoin. En particulier, les photographies prises par mon ami tanguero n‘étaient absolument plus adaptées, malgré leur qualité, à cette nouvelle nécessité : elles n’avaient tout simplement pas été faites pour cela. Il me fallait, pratiquement pour chaque paragraphe, pour chaque scène, constituer une composition spécifique. Ceci impliquait, non seulement de désarticuler au moins provisoirement les dioramas existants, mais également de suppléer, parfois dans l’urgence, à l’absence d’une pièce manquante : par exemple, comment illustrer le combat de cavalerie sur le plateau de Pratzen alors que je ne disposais pas, dans ma collection, d’un chevalier-garde russe en position de combat ? Comment conter les exploits amoureux d’un hussard français en l’absence de figurine féminine ? C’est d’ailleurs ainsi que je fus confronté, pour la première fois, à l’absolue nécessité d’introduire l’amour et les femmes dans mon univers jusque là entièrement guerrier et masculin. Mais n’anticipons pas…
Une fois réalisées mes premières séries de photos, je connus les affres délicieuses du choix et du montage. Parmi les dizaines de photos prises pour chaque scène, dont plusieurs très satisfaisantes, il me fallait n’en choisir qu’une seule !! Un tempête sous un crâne, comme aurait dit un autre auteur, plus connu, fasciné par l’épopée impériale !! Le choix fait, il me fallait encore retraiter la photographie pour la mettre aux normes du site web, l’intégrer dans le texte et finalement mettre le tout en ligne.
Simultanément, je dus réfléchir à la manière d’organiser la présentation de mes textes, Par grande bataille ? Par type d’uniforme ? Par personnage historique? Je dus bientôt convenir qu’aucune de ces solutions n’était satisfaisante, tout simplement parce que mes petites nouvelles intégraient le plus souvent plusieurs batailles, plusieurs uniformes et plusieurs personnages historiques différents. Toute classification thématique étant de ce fait impossible, je me résignais à diviser mes « Chroniques napoléoniennes », comme j’intitulais désormais mon œuvre, en deux parties : les nouvelles imaginaires seraient regroupées, en vrac, dans une section intitulée « Historias minimas », du nom d’un film argentin de Carlos Sorin – un hommage indirect à la patrie du tango, dont je suis un aficionado – ; quant aux fiches techniques fournissant des informations à caractère historique, elle seraient classées, pour leur part, dans une section intitulée « Historia magna » – terme latin choisi par une sorte de fausse symétrie sémantique vis-à-vis du précédent.
Après quelques difficultés techniques de dernières minutes, je pus enfin, un soir de la fin juin 2007, contempler sur mon écran le premier embryon de mon œuvre : onze nouvelles et une fiche bibliographe mises en ligne sur mon site web, et dont je fus pendant quelques semaines le seul -mais oh ! combien assidu – lecteur. C’est alors, pendant l’été, que mon petit hobby prit une dimension beaucoup plus large, pour se transformer en une véritable aventure littéraire… et sentimentale(s).
Inspiré par mes partenaires de danse
Voici comment ses choses se passèrent. Enthousiasmé par mes modestes tentatives d’écriture et de photographie, je commençais à en parler beaucoup autour de moi, et notamment à mes multiples partenaires féminines de danse. Celles-ci m’écoutèrent d’abord patiemment et distraitement, attendant sans doute que j’ai fini de parler pour pouvoir danser quelques tangos avec moi. Mais bientôt, certaines commencèrent à me faire quelques remarques ou suggestions. Poussé par la curiosité, je leur demandais alors quelles histoires elles auraient aimé lire, écrire, et surtout vivre. Je ne savais pas que j’ouvrais ainsi une merveilleuse boite de Pandore – celle de tous les rêves féminins enfouis, déçus ou cachés.
Mes partenaires de danse, aidées par mes questions avides, commencèrent alors à me raconter l’histoire de leur vie – non pas leur véritable existence, mais celle qu’elles auraient aimé connaître si elles avaient été contemporaines de Napoléon 1er. Ce faisant, elles se racontaient ainsi elles-mêmes, avec leurs espoirs plus ou moins insatisfaits, leurs phantasmes érotiques, leurs rêves de princes charmants. Je les récompensais en offrant à leurs désirs des satisfactions tirées de l’histoire réelle, mais décalée de deux siècles. Une responsable de communication rêvait-elle de jouer un rôle politique ? Je lui proposais de devenir l’éminence grise du Maréchal Oudinot. Une dame âgée souhaitait-elle connaître encore une fois le désir et l’amour masculins ? Je la jetais dans les bras du fougueux Murat. Une fille un peu perdue me confiait-elle qu’elle avait un jour rêvé d’une carrière de danseuse ? J’en faisais une comédienne du théâtre français. Une jolie allemande avait-elle fait une thèse de doctorat sur Vivant Denon, me fournissant sur lui des détails biographiques intimes avec un enthousiasme révélateur ? J’en faisais, bien sur, sa maîtresse, donnant ses traits à une comtesse saxonne.
Mes modèles à leur tour réagissaient aux propositions que je leur faisais, enclenchant un stimulant – et très divertissant – processus d’élaboration interactive. Une amie, connue dans le milieu du tango pour sa serviabilité et son sens pratique, vint par exemple se plaindre avec amertume du rôle que je lui avais assigné dans mes chroniques : celle de cantinière, et ce alors que toutes les autres danseuses de ses amies avaient été promues comtesses ou chanteuses lyriques par mes soins. J’eu beau lui expliquer, avec toute la diplomatie dont j’étais capable, que toutes mes héroïnes ne pouvaient appartenir à l’aristocratie et vivre dans des châteaux, que l’équilibre sociologique de ma comédie humaine exigeait la présence d’un quota minimum de femmes du peuple, elle s’entêta longtemps dans sa revendication nobiliaire. Mais je réussis finalement à lui faire accepter son humble statut en lui expliquant à quel point les cantinières avaient été utiles aux soldats, allégeant leurs souffrances les aidant à se protéger du froid et de la faim. Je lui vantais la valeur morale de cette attitude altruiste, qui contrastait si nettement avec l’égoïsme des femmes du monde. Je touchais ainsi à sa nature profonde de femme pratique et généreuse – elle était bien, elle l’admit elle-même, une vraie cantinière dans l’âme – et pus la convaincre finalement d’accepter son rôle.
Parfois, cependant, mes modèles se révélaient des négociatrices plus coriaces, demandant ou exigeant des modifications importantes dans mes nouvelles. L’une d’entre elles avait demandé à vivre une histoire d’amour avec un artiste : je lui procurais un mariage heureux avec le peintre miliaire Louis Lejeune (qui était également le photographe tanguero dont j’ai parlé plus haut). Mais, l’histoire une fois lue, elle vint se plaindre auprès de moi de son manque de contenu érotique : je l’avais portraiturée en jeune fille sage alors qu’elle se voyait en aventurière. Elle rêvait, me confia-t-elle, non d’un mariage établi, mais d’une liaison amoureuse violente et passionnée, dont la dimension érotique ne serait pas absente. Elle me désigna même à ma demande, dans la salle de bal ou nous nous trouvions, un beau géant blond comme modèle de son amant rêvé. Cela ne faisait d’ailleurs pas vraiment mon affaire, car j’aurais préféré à ce moment-là qu’elle me décrive un homme dont les qualités auraient davantage ressemblé aux miennes.
J’entrepris alors avec elle une négociation serrée : je lui donnerais son amant à condition qu’elle accepte de prendre également le rôle d’une courtisane – un personnage que, pour des raisons de bienséance, il était difficile de proposer d’emblée à mes amies. Elle accepta le marché, et je lui écrivis alors une deuxième nouvelle, acceptant, bien à contre-cœur, de tenir la chandelle pendant qu’elle filait par mes soins le parfait amour avec son blondin. Mais ce qu’elle ne savait pas encore, c’est que j’allais m’introduire moi-même dans l’histoire, dans le rôle d’un jaloux éconduit, pour provoquer en duel et tuer par traîtrise son bel amant.
Peu à peu, la rumeur des mes expériences littéraires avaient fait le tour des bals de tango. Quelques femmes virent alors me voir spontanément, pour me raconter, tout simplement, des histoires qu’elles avaient inventées à mon intention : l’une était une demoiselle de la légion d’honneur, passionnée de danse et amoureuse du grand danseur Vestris ; une autre voulait devenir comédienne, fournissant maints détails sur ses rôles et sa carrière, et acceptant même en échange de mourir poitrinaire, comme cela se faisait beaucoup à l’époque. Une troisième, spécialiste éminente de l’intelligence économique, des réseaux mafieux internationaux et des négociations discrètes, se voyait bien chargée de missions diplomatiques secrètes par Talleyrand. Un autre m’amena spontanément les lettres écrites par son ancêtre, le Général Ledru des Essart. Quant à mon épouse Mireille, elle tenait beaucoup à ce que son lien de parenté avec Soult, dont la mère appartenant à une branche de sa famille, les Grenier de Lapierre, fut rappelé d’une manière ou d’une autre.
Bref, je construisais, avec une extraordinaire rapidité un monde imaginaire, principalement avec l’aide de mes amies féminines. En effet, les hommes, à quelques exceptions près, ne faisaient pas preuve de la même réactivité que les femmes. Manque d’imagination ? Absence de la relation de séduction érotique sous-jacente à mes jeux littéraires hétérosexuels ? Toujours est-il que peu d’hommes me fournirent la matière à de substantiels personnages imaginaires, à l’exception notable d’un contrebassiste de tango dont je voulus faire un musicien de la Garde Impériale. Je me heurtais alors à un refus catégorique de sa part : il était en effet farouchement anti-militariste. Qu’à cela ne tienne, je le fis déserter, avec sa guitare, vers l’Argentine, où il inventa le tango après avoir vécu une belle histoire d’amour avec une ancienne esclave noire, passionnée de danse et de chant comme l’était une de ses amies marseillaises.
Entre imaginaire et vérité historique
La rédaction de ces nouvelles me plongea dans un véritable état de transe. J’étais tellement absorbé par mes personnages que j’avais véritablement le sentiment de vivre au milieu d’eux, presque de les voir physiquement. Je me souviens d’une quasi-hallucination sur la place du marché de Prayssac, où je fus près de voir et d’entendre la foule enthousiaste accueillir le maréchal Bessières et son épouse. Visitant Waterloo, je côtoyai les grenadiers de la Garde impériale lancés vers la mort, à l’assaut du chemin des Vertes bornes. La rédaction proprement dite de mes nouvelles ne me posait de ce fait pas de gros problèmes d’écriture : il me suffisait en effet de décrire en direct les scènes auxquelles mon imagination assez débordante me faisait assister ou participer.
Pour expliquer l’état où je me trouvais, la meilleure comparaison qui me vient à l’esprit est la fameuse scène de Fantasio de Walt Disney, où Mickey, déguisé en apprenti-sorcier, provoque d’effroyables désastres en utilisant, un peu au hasard, des recettes magiques dont il ne comprend pas tout à fait le sens. Pour construire mon récit, je prenais en effet tous les ingrédients qui se trouvaient sous ma main : mes connaissances historiques générales, les souvenirs biographiques des acteurs de l’épopée, les traits de caractères et les demandes exprimées par les modèles vivants de mes personnages, les événements fortuits de la vie quotidienne, enfin les ressources de mon imagination. Tout cela se combinait dans mon écriture comme à travers une étrange alchimie où la réalité contemporaine, la vérité historique et l’invention pure se mélangeaient et créaient en quelque sorte leur propre dynamique, qui parfois m’échappait. Etais-je témoin d’une véritable scène de jalousie faite à l‘une de mes inspiratrices ? Son personnage se trouvait immédiatement confronté à la même situation, mais face à son amant imaginaire, un haut dignitaire de l’Empire. Une autre résistait-elle à mes assiduités ? Eperdu de jalousie, je m’introduisais dans la nouvelle que j’écrivais pour elle afin d’assassiner mon rival.
Et mes modèles, à leur tour, guidaient ma plume, comme elles auraient pu guider la main de leur amant sur leur corps désirant, pour me faire écrire enfin le mot ou la phrase leur permettant de réaliser leur rêve le plus intime… Je pus ainsi pénétrer, comme par effraction, dans le monde intérieur de mes inspiratrices, en leur demandant de libérer pour moi leur parole et leur imagination. En rouvrant leurs blessures cachées, je fis pleurer, sans le vouloir, deux ou trois d’entre elles. En leur permettant, au contraire, de réaliser leurs aspirations secrètes à travers ma plume, je suscitais de leur part reconnaissance et sympathie. J’appris ainsi peut-être davantage, en quelques mois, sur l’âme féminine, qu’au cours des cinquante premières années de mon existence.
Mais contrairement à Fantasio, je veillais à me pas perdre le contrôle de ma création. En fait, je tenais beaucoup à ce que le produit de mon imagination reste compatible avec ce que je savais de la réalité historique de l’époque, non seulement dans ses grandes lignes, mais également, autant que possible, dans ses détails. Ceci exigea un travail très important de vérification. Les embardées de mon imagination conduisaient en effet à supputer des faits ou des situations dont la réalité historique n’était pas avérée. Il fallait donc tout vérifier, et éventuellement parfois réécrire, pour « faire coller » le rêve avec l’histoire. J’étais donc amené à poser des questions parfois très sérieuses, et parfois saugrenues, mais dont la réponse conditionnait la vraisemblance de mon récit. Quel itinéraire devaient emprunter les voyageurs entre l’Angleterre et la France au temps du blocus ? A quelle date les anciens lanciers polonais réfugiés en France ont-ils été naturalisés ? Combien coûtait à l’époque l’achat d’une carriole de cantinière ? Dans quelle ville d’Espagne se trouvait le maréchal Soult le 10 novembre 1811 ? A quelle date exacte le Colonel Lejeune a-t-il été mis aux arrêts pour avoir quitté sans autorisation l’état-major de Davout pendant la retraite de Russie ? Bessières a-t-il, oui ou non, sauvé une petite fille de la noyade au moment du passage de la Berezina ?
Parfois, je ne trouvais pas de réponse, et étais réduit à prendre le risque de la supputation donc de l’erreur historique, comme dans le cas de la naturalisation des lanciers polonais ou de l’enfant trouvée de la Berezina. Dans quelques cas, je découvrais avec effroi une impossibilité historique qui rendait mon récit invraisemblable et me contraignait à le modifier. C’est ainsi que j’avais prévu d’être recommandé à Soult par sa mère, qui était aussi la grande-tante de ma femme, lors de la visite qu’il lui aurait faite en 1808 sur la route de l’Espagne. Or, l’Empereur ne lui ayant pas accordé la permission demandée, Soult ne put en réalité pas voir sa maman comme il le souhait. Celle-ci ne put donc appuyer, lors de cette rencontre qui n’eut pas lieu, ma candidature à son Etat-Major, compromettant ainsi ma carrière militaire… et littéraire. J’étais donc très préoccupé, jusqu’à ce Madame Marie Brigitte, décide, sous ma forte recommandation d‘écrivain, d’envoyer à son fils un lettre lui vantant mes mérites militaires, ce qui rétablit à la fois le fil de ma vie imaginaire et de mon récit réel.
Il arrivait également que je doive faufiler mon récit de manière extrêmement sinueuse entre les dates et les lieux, de manière à rester à l’intérieur de la faible marge de vraisemblance que m’offrait la réalité historique. C’est ainsi qu’entre la levée de la classe 1811, l’abolition de la traite négrière en 1813, et celle de l’esclavage en Argentine en 1816, il ne restait qu’un faible intervalle pour permettre à mon guitariste déserteur de rencontrer sa future maîtresse africaine dans un des derniers bateaux négriers en provenance de Gorée.
Mais la réalité est parfois aussi invraisemblable que la fiction. L’anecdote suivante est totalement authentique : un jour de juillet 2007, attablé à la brasserie de la gare de Clermont-Ferrand, j’étais en train de conclure tristement que le scénario de l’une de mes nouvelles exigeait une rencontre entre deux personnages en un lieu si improbable que j’étais prêt à renoncer au texte tout entier : aucun lecteur n’y croirait, pensai-je avec désespoir. Et soudain, je sentis deux mains se glisser par derrière sur mes yeux : c’était une danseuse de tango argentin, que je croyais alors partie à des milliers de kilomètres de là, et qui animait un stage dans la région ! C’était vraiment la dernière personne que j’aurais cru rencontrer à cet endroit !! Du coup, je conservais tel quel le scénario de ma nouvelle…
Dans d’autres cas, les faits historiques s’adaptaient au fil de mon récit avec une exactitude presque troublante. Dans l’une de mes nouvelles, il fallait absolument, pour que la chute « tombe juste », que le banquier Enfantin, le maréchal Oudinot et le général Ledru des Essart soient respectivement présents auprès de Talleyrand à Paris, de l’Empereur à Fontainebleau et du Général Souham à Essonnes au moment de la première abdication. J’avais en effet écrit ma nouvelle d’un jet, sans vérifier la véracité des faits. Qu’un seul de ceux-ci ne soit pas vérifiés, et mon texte perdrait irrémédiablement l’estime des historiens. Or, après une journée entière de recherches, je constatais que, contre toute probabilité, les trois faits supputés étaient bien réels.
Après un moment de jubilation, je m’abîmais alors dans une étrange rêverie. Comment se faisait-il que j’aie vu aussi juste dans une configuration si improbable ? Et si le reste de ma nouvelle, elle aussi, était vraie quoique sortie de mon imagination ? Pouvais-je, comme un medium, lire à livre ouvert dans le grimoire du passé ? Et si ce passé lui-même n’avait commencé à exister réellement qu’à partir du moment où j’avais commencé à l’imaginer ? Et si les modèles de mes personnages n’étaient pas des danseuses d’aujourd’hui; mais plutôt ces personnages eux-mêmes, revenus du passé, sous une forme contemporaine, pour me dicter l’histoire qu’ils avaient réellement vécue ? Mais alors, peut-être les maréchaux, les généraux, Murat, Soult, Vivant Denon, étaient peut-être aussi présents, tout près, autour de moi, camouflés en Disc Jockeys, en gardiens de vestiaires ou en serveurs de bar pour surveiller mes travaux d’écriture et me souffler la solution exacte, ou bien celle qui leur convenait… Et ce demi-clochard qui avait tant insisté pour me raconter son histoire dans le hall de la gare de Brives, qui était-il au juste ? Le fantôme d’un officier de hussards ? D’un sergent d’infanterie légère ? La réalité présente se fragmentait sous mes yeux en une multitude d’éclats de miroirs brisés. Puis elle se recombinait avec l’histoire et avec le rêve en un kaléidoscope aux possibilités infinies, dont l’existence réelle de mes contemporains ne me paraissait plus constituer qu’une possibilité parmi des millions d’autres. La plate réalité n’était plus au fond, que l’un des mondes possibles – et pas le plus excitant – prêts à prendre forme dans mon esprit. Et ne valait-elle, pas mieux le déserter totalement, ce petit monde étroit, au profit des immenses espaces désormais ouverts par mon imagination ?
Arrivé à ce point de mes réflexions, je résolus sagement d’abandonner quelques temps l’écriture littéraire pour revenir vers la statistique économique afin de calmer mon esprit trop enfiévré.
Je me consacrais ensuite, pendant les mois de l’automne, à la confection des dernières figurines nécessaires à l’illustration de mon ouvrage, c’est-à-dire les régiments d’infanterie et l’artillerie prussiens et russes, ainsi que des civils. J’avais notamment besoin désormais, comme vous l’imaginez, de nombreuses miniatures féminines. Les santons et les figurines de la collection du Seigneur des anneaux de mon beau fils, qui un moment n’avaient suffi, se révélaient désormais insuffisants çà cet égard. Je construisis donc plusieurs figurines civiles de marque Historex et achetai le complément dans des magasins spécialisés, notamment celui, bien connu des collectionneurs parisiens, du Palais -Royal.
Je voudrais à ce sujet conter une anecdote vraiment cocasse. Un jour que je réalisais une série de photos, que m’aperçus subitement qu’il me manquait deux figurines de jeunes femmes pour la terminer. Mon épouse travaillant au bas de l’avenue de l’Opéra, je lui demandais donc d’aller faire un tour vers la fameuse boutique du Palais-Royal pour les acquérir. Cela donna à peu près le dialogue suivant : « – Mireille j’ai vraiment un besoin urgent. Est-ce que tu peux m’aider ? » « – Qu’est-ce que je peux faire pour toi, mon chéri ? » « – Eh bien voila, j’ai une histoire d’amour à faire, et je voudrais que tu ailles m’acheter deux filles au Palais-Royal » « – D’accord, je passerai à l’heure du déjeuner, mais j’espère que la maison est ouverte à cette heure là » « – Oui, chérie j’y passe souvent vers midi avant de déjeuner avec toi, et y j’ai toujours été accueilli sans problèmes ». « – Bon d’accord. Mais tu les veux comment ? » « – Une blonde, une brune, avec un joli déshabillé. Tu peux demander à la patronne, elle connaît mes goûts » « – Et tu veux mettre quel prix ? « « – A peu près 50 euros pour chacune, mais je veux bien donner un peu plus si elles sont vraiment jolies » « – D’accord mon chéri, j’essayerai de te les ramener ce soir. Mais tu sais, pour avoir des filles de cette qualité-là, il faut savoir mettre le prix ». Et ma femme, par ailleurs une tigresse de jalousie et toujours très soupçonneuse de mes fréquentation et de ma moralité, ramena le soir sans sourciller ces deux nouvelles, légères et charmantes pensionnaires sous notre toit conjugal. Il n’est pas indispensable d’être un spécialiste de l’histoire du Palais-Royal pour saisir le double-sens, mais cela peut aider…
Simultanément, l’expérience littéraire que je vivais modifiait profondément le regard que je portais sur ma collection. Celle-ci n’était plus désormais, un but en soi, mais seulement le support technique des prises de vue nécessaires pour donner corps à mes rêves. Ma chambre aux soldats se transforma de ce fait en studio de photo, et mes étagères bien rangées en autant de décors amovibles. L’activité de collectionneur me paraissait désormais bien pauvre en esprit, comparé au déferlement de mon imaginaire.
La confection de mon livre est presque terminée maintenant. J’ai hâte d’en avoir fini, non pas tant pour le publier que pour pouvoir ainsi retrouver la liberté de m’évader à nouveau dans ce monde merveilleux aux possibilités infinies, créée par la fusion de mon esprit avec celui de mes amies, et qui m’attend dans tous les bals de tango du monde…
Fabrice Hatem
{mospagebreak}Annexe
Les principales scènes de mon diorama napoléonien
Etage 1 (niveau du sol) : les grandes charges d’infanterie
Tableau 1 : L’infirmerie française
Tableau 2 : L’artillerie à cheval de la ligne en position d’attente (arrière-plan)
Tableau 3 : L’artillerie à pied française en position de combat (arrière-plan)
Tableau 4 : L’infanterie de ligne française en position d’attente
Tableau 5 : L’infanterie de ligne française attaque le fortin anglais
Tableau 6 : Défense du fortin par les troupes anglaise
Tableau 7 : Attaque du fortin anglais par les grenadiers français
Tableau 8 : Grande attaque des grenadiers français contre les positions anglaises
Tableau 9 : L’artillerie à pied de la Garde en position de combat (arrière-plan)
Tableau 10 : Grande attaque des grenadiers français contre les positions anglaises (suite)
Tableau 11 Défense de la position anglaise par l’infanterie et l’artillerie
Tableau 12 : Wellington entouré de son état-major
Tableau 13 : Attaque des carabiniers à pied français contre les positions anglaises
Tableau 14 : Attaque de l’infanterie de ligne française contre les positions anglaises
Tableau 15 : Défense de la maison en ruine par les troupes anglaises
Tableau 16 : Attaque générale de l’infanterie de ligne française et combats au corps à corps
Tableau 17 : Arrivée de troupes de ligne fraîches pour renforcer l’attaque française
Etage 2 : les troupes au défilé
Tableau 1 : L’Etat-major impérial, escorté des chasseurs et mamelouks, pénètre dans Vienne
Tableau 2 : Les soldats ovationnent l’Empereur et lui présentent les drapeaux pris à l’ennemi
Tableau 3 : Soldats au cantonnement (1) : alignement de tentes et abreuvoir
Tableau 4 : Soldats au cantonnement (2) : bivouac et cantinière
Tableau 5 : Défilé des régiments de cavalerie légère (hussards et chasseurs à cheval)
Tableau 6 : Soldats présentant les armes à l’Empereur : la ligne (en arrière-plan)
Tableau 7 : Soldats présentant les armes à l’Empereur : la Garde (en arrière-plan)
Tableau 8 : Soldats et musiciens au cantonnement dans la ferme-moulin (en arrière-plan)
Tableau 9 : Soldats au cantonnement dans la cour de la ferme et écuries
Tableau 10 : L’armée impériale passe la rivière sous le regard de l’Empereur
Etage 3 : les grandes charges de cavalerie
Tableau 1 : Les grenadiers et les gendarmes à cheval chargent les carrés écossais
Tableau 2 : Le grand carré écossais avec artillerie
Tableau 3 : Grande charge des cuirassiers sur les carrés écossais
Tableau 4 : Grande charge des carabiniers sur les carrés écossais
Tableau 5 : Grande charge des dragons sur les carrés anglais et contre-attaque des Scotts Greys
Tableau 6 : Grande charge des chevau-légers les carrés anglais
Tableau 7 : Grande charge des lanciers polonais sur la ligne anglaise
Tableau 8 : Charge des lanciers rouges sur la ligne anglaise et contre-attaque des Scott Greys
Etage 4 : Scènes de campagne
Tableau 1 : Les dragons au cantonnement dans la cour de la ferme
Tableau 2 : Les carabiniers au cantonnement dans la cour de la ferme
Tableau 3 : L’artillerie à cheval de la Garde et son train franchissent la rivière
Tableau 4 : Pontonniers au travail
Tableau 5 : Forge de campagne en action
Tableau 6 : Artillerie à cheval de la garde en position de tir
Tableau 7 : Hussard et officiers supérieurs en discussion devant une fontaine
Tableau 8 : L’Empereur, entouré de son Etat-Major, contemple le champ de bataille
Tableau 9 : Grande batterie d’artillerie à pied en position de tir
Tableau 10 : L’infanterie légère attaque la position autrichienne
Tableau 11 : L’infanterie autrichienne défend la ferme