Editeur : La Salida n°49, juin -septembre 2006
Auteurs : Vicente Zito, Mariana Bustelo
Quelques temps avant sa mort, Homero Expósito a été interviewé par Vicente Zito Lima. Nous reproduisons ici un extrait de cette interview, publiée dans la revue Crisis en 1986.
VZL : Parlez-moi de votre jeunesse, de vos premier tangos
HE : J’ai écrit mes premiers textes à seize ans, mais je n’en ai gardé aucun. Puis, en 1938, s’est produit un exode. Tout un groupe de jeunes musiciens originaires de Campana est parti à Buenos Aires et à rejoint l’orchestre de Miguel Calo : Stamponi, Francini, Pontier… Et je suis venu aussi. C’est dans cette ambiance heureuse qu’ont surgi mes premiers vrais tangos. J’avais à peu près vingt ans.
Et vous aviez aussi la célébrité…
Oui, mais cela ne m’a pas tourné la tête. Il y avait un peu d’arrogance et de prétention en moi, mais cela était tempéré par ma formation humaniste : j’avais lu Ortega y Gasset…
Avez-vous lu Lautréamont et Rimbaud ?
Oui, ainsi que Breton et Éluard. J’avais assimilé le surréalisme. Le néoréalisme coulait aussi dans mon sang.
Et Cadícamo, Manzi ?
Je les ai lus aussi, mais d’une autre façon. J’apprécie beaucoup l’¦uvre de García Jiménez. Ses paroles sont d’une précision étonnante. Le verbe et l’adjectif sont toujours justes. Je considère aussi qu’on n’a pas donné toute la place qu’il méritait à Le Pera.
Étiez-vous un bohème ?
À fond. J’allais me coucher tous les jours vers neuf heures du matin.
Avec vos poèmes, des images inédites apparaissent dans le tango, ouvrant un chemin que très peu de paroliers ont osé poursuivre…
Peut-être que j’ai eu peur moi-même de ce que je faisais. Je ne cherche pas à être modeste. J’ai conscience de mon apport à la culture populaire.
Qu’est-ce qui, en vous, vous paraît le plus important ?
Probablement l’intuition artistique. Plusieurs fois, quand j’ai une idée, je pense : « c’est trop beau pour que je l’aie inventé, quelque d’autre l’a certainement déjà dit ou écrit ». Mais cela a un côté dialectique. Ce que j’observe aujourd’hui doit déjà s’être produit il y a des siècles et se passera de nouveau dans l’avenir. L’art doit s’approcher de l’universel : il doit permettre d’améliorer le présent, de préparer un futur meilleur et d’expliquer le passé.
Traduction de Mariana Bustelo
Bibliographie de Homero Expósito
La rénovation littéraire entamée par Homero Expósito, ainsi que son parcours personnel, ont fait qu’il a souvent été comparé à Astor Piazzolla. Mais, malgré son rôle de premier plan dans l’histoire du tango, la bibliographie sur le poète se réduit à quelques articles éparpillés dans de vieilles revues, à des commentaires de quelques pages dans des livres de référence comme Le Tango de Salas ou Le Livre d’Or d’Horacio Ferrer. Et à quelques livres souvent épuisés.
C’est Juan Sasturain qui offre la perception la plus convaincante du parolier : un homme arrivé à la fois trop tard au tango – car, dans les années quarante, il n’était lui-même qu’un tout jeune homme – et trop tôt – car ses métaphores semblaient trop recherchées à l’époque. Les textes de Sasturain – comme l’article publié dans le volume no19 de l’Historia del Tango (Éd. Corregidor) ou encore l’hommage publié récemment dans un journal de Buenos Aires – associent la rigueur des analyses littéraires avec une sensibilité de plume plutôt rare dans les écrits sur le tango.
Où trouver les textes du poète ? La maison d’édition Torres Agüero a publié Trenzas del color del mate amargo, une anthologie de textes du parolier. Toutes les anthologies générales de tango contiennent aussi des oeuvres d’Expósito.
Mariana Bustelo