Editeur : La Salida n°49, juin à septembre 2006
Auteur : Fabrice Hatem (propos recueillis par)
Esther et Mingo Pugliese : l’authenticité du bal, l’émotion de l’abrazo
Esther et Mingo Pugliese font partie des quelques couples de danseurs qui ont assuré la préservation de la tradition tanguera des années 1940 et 1950, au cours de la période noire du déclin, et sa transmission vers la nouvelle génération des danseurs d’aujourd’hui. Ils sont en tournée en Europe depuis quelques moi.
Esther Pugliese
Pour moi, l’essence de la danse se voit sur la piste des milonga où les gens improvisent, bien ou mal, créent ce qu’ils sentent, chacun à sa façon. Quand tu t’enlaces à une autre personne, tu sens le cœur de l’autre à côté du tien. La musique te prend, tu te sens accompagné pas à pas, et tu danse ce que sens. La scène, pour moi, ce n’est pas du tango pur : c’est préparé, fabriqué, même si cela est très bien fait. S’il n’y avait que des danseurs professionnels sur la piste, il n’y aurait pas d’émotion, de sentiment, ils ne feraient que des figures. Dans le bal, cela est impossible : tu danses avec une personne parce qu’elle te plaît. Sinon tu ne danses pas.
Mingo Pugliese
D’après moi, ce qui rend la danse belle dans un bal, c’est ce qui unit les personnages. Cela est très bien montré dans un film réalisé il y a 15 ans, El abrazo. Tout se résume, justement à l’abrazo, l’enlacement entre l’homme et la femme, qui exprime toute la passion, le « feeling » du tango. Il va te conduire jusqu’à l’essence de la danse, qui se cherche toujours dans un moment de solitude. Tu peux alors communiquer avec une personne par ton langage corporel, sans aucune parole. Le couple de bal qui donne de l’émotion aux gens est aussi celui qui peut transmettre ce qu’a voulu dire le compositeur du tango qu‘il est en train de danser et l’orchestre qui l’interprète.
Propos recueillis par Fabrice Hatem
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