Editeur : La Salida n°47, février-mars 2006
Auteur : Mariana Bustelo
Manzi, poète lettré et populaire
Homero Manzi n’a pas voulu donner à son œuvre un caractère livresque. Il a choisit des formats différents, comme la chanson, ce qui lui a permis de séduire un vaste public populaire avec une œuvre de grande qualité littéraire. Ses centaines des paroles de tango, milonga et vals, indispensables pour comprendre l’histoire du tango, sont reprises, aux côtés d’autres auteurs, dans toutes les anthologies consacrées au genre. Mais il existe également plusieurs anthologies dédiées exclusivement à lui : celle d’Horacio Salas ; celle de la maison d’édition Torres Agüero, qui contiennent des commentaires précieux pour interpréter les compositions dans le contexte argentin ; et celle réalisée par son fils, Sur, Barrio de tango (voir commentaire de Fabrice Hatem)
Mais Manzi a aussi écrit des poèmes, des textes en prose, des discours politiques, des commentaires critiques, une pièce de théâtre et des scénarios, dont certains regroupés dans Poemas, Prosa y Cuentos Cortos. Ce livre permet de suivre le processus créatif de l’auteur à travers la reproduction de textes à différents états d’avancement, depuis les ébauches initiales jusqu’à l’œuvre définitive. On y trouve également les traces du grand attachement qu’il portait à sa région d’origine, Santiago del estero, même s’il n’y fait pas référence dans les paroles de ses chansons. Manzi a justifié ce silence : « j’ai essayé d’éviter tout ce qui fait référence à Santiago del Estero. Car le folklore de Santiago, le plus riche du pays, mérite un grand respect et on ne peut pas rentrer dans son univers en improvisant ou en faisant un recueil ».
Manzi a également mené une intense activité cinématographique. Vingt et un de ses scénarios, écrits souvent en collaboration, ont été portés à l’écran, dont La guerra gaucha, inspiré d’un livre de Leopoldo Lugones et qui tient une place importante dans l’histoire du cinéma argentin. Le tango tient une place importante notamment dans deux de ces films : Pobre mi madre querida (1947) et El último payador (1950), consacré à la vie du chanteur José Bettinoti.
Tous les ouvrages consacrés à l’histoire du tango contiennent une section consacrée au grand parolier, C’est le cas par exemple de la Historia del Tango de la maison d’édition Corregidor, où trouve trois article sur Manzi. Mais c’est surtout à partir de la fin des années 60, lorsque la culture populaire devient un objet d’étude majeur, que le poète commence à faire l’objet d’analyses approfondies. Aníbal Ford nous décrit par exemple dans son Homero Manzi un homme engagé auprès du peuple tant dans par vie que par ses textes. Quelques années plus tard, Horacio Salas, dans Homero Manzi y su tiempo, met en relation l’œuvre du poète avec le contexte social et politique de son époque et avec l’histoire des idées en Argentine. Ses commentaires de textes, où sont indiquées les relations intertextuelles avec la poésie, mettent en évidence la proximité de Manzi au milieu littéraire.
L’hommage de la revue La Maga en 1995 constitue également un document intéressant pour les amoureux de Manzi : il présente en effet des témoignages d’artistes qui ont collaboré avec lui, comme Ulyses Petit de Murat, Francisco García Jiménez ou Sebastián Piana.
Mariana Bustelo
De Homero Manzi :
Homero Manzi. Sélection et prologue d’Horacio Salas. Buenos Aires, Ed. Brújula, 1968.
Homero Manzi. Buenos Aires, Torres Agüero, 1977.
Poemas, prosa y cuentos cortos, Buenos Aires, Corregidor, 1998.
Sur. Barrio de tango. Letras para los hombres. Buenos Aires, Corregidor, 2000.
Sur Homero Manzi :
Aníbal Ford: Homero Manzi. Buenos Aires, Centro Editor de América Latina, 1971.
Historia del tango (vol. 18 et 19). Buenos Aires, Corregidor, 1987.
Homero Manzi, numéro extraordinaire de la révue La Maga, Buenos Aires, décembre 1995.
Horacio Salas: Homero Manzi y su tiempo. Buenos Aires, Ed. Vergara, 2001.