Editeur : La Salida n°42, février-mars 2005
Auteur : Oscar Himschoot
Troilo et sa gomme
Troilo était connu pour son habitude d’effacer en partie les arrangements que réalisaient pour lui des musiciens payés à cet effet. On disait même qu’il leur demandait de lui apporter une gomme pour pouvoir effacer "les notes qui dépassaient". Ainsi furent victimes de sa gomme des arrangeurs de la dimension de Astor Piazzolla, Hector Maria Artola, Argentino Galvan, Ismael Spitalnik, Emilio Balcarce, Julián Plaza, Héctor Stamponi, Raúl Garello entre autres.
En une occasion, alors qu’il effaçait une ligne de violons, Troilo dit à Piazzolla :
« Non, petit… ce n’est pas comme cela…Nous, nous faisons du tango pour la danse.
En une autre occasion, il déclara devant un arrangement de Argentino Galván : « Pardon Argentino.. Là nous allons effacer et mettre ceci. Cela ne te fâche pas ? ». Et, un peu plus tard : « Regarde, là on va faire ça . Qu’est-ce que tu en penses ? ». Puis : « Argentino, excuse-moi. Mais là nous enlevons ça et nous mettons…. ». « – Troilo, tu m’as déjà payé, lui dit Galvan, résigné. L’arrangement et à toi, fais ce que tu veux… ». Plus tard, en commentant les suppressions, Galván fit la confession suivante à Votti, violiniste de l’orchestre : « Cet homme m’a volé mon âme, mais j’aurais aimé écrire ce qu’il a mis ».
Oscar Himschoot
(traduction de Fabrice Hatem)
Pour en savoir plus sur Anibal Troilo : /2006/08/12/le-musicien-anibal-troilo/